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PASQUIER Etienne

PASQUIER Etienne. Magistrat, humaniste et historien français. Né et mort à Paris, 7 juin 1529-30 août 1615. En 1546, le jeune Pasquier suit les cours de droit de Hotman et de Baudoin à Paris, l’année suivante, il se rend à Toulouse pour y entendre Cujas, puis en Italie, où il assiste aux leçons d’Alciat à Pavie, de Socin à Bologne. En 1549, Etienne Pasquier fait ses débuts comme avocat au barreau de Paris. Il entre dans la carrière des lettres en publiant (1557) le Monophile, dialogue sur l’amour entre trois jeunes gens et une demoiselle; l’originalité principale de l’œuvre est l’intervention de Jeanne d’Arc. Quelques années plus tard, Pasquier épouse une jeune veuve dont il était le défenseur, et, gravement malade, prend de longues vacances à Argenteuil, puis à Amboise, à Cognac enfin et met ses loisirs à profit en achevant le premier livre des Recherches de la France qui paraît en 1561 et en écrivant ['Exhortation aux princes et seigneurs du conseil du Roy pour obvier aux séditions qui occultement semblent nous menacer par le faict de la Religion (1561), dont l’attribution, bien que contestée, semble certaine. Pasquier y fait figure de modéré, traçant par anticipation le programme des politiques qui s’éloigneront autant des excès des Reformés que de ceux de la Ligue et se rallieront plus tard à Henri IV. Un petit écrit, publié à la suite du premier livre des Recherches, le Pourparler du Prince, complète de manière théorique l'Exhortation; l'auteur s’y prononce pour une monarchie tempérée qui ne devra pas oublier que « les peuples ne sont pas faits pour les rois, mais les rois pour les peuples ». En 1562, Pasquier reparaît au barreau. Il y acquiert bientôt une grande renommée à la suite d’un procès retentissant qu’il plaide, de l’Université de Paris, appuyée par les évêques du royaume, contre la Société de Jésus. L’Université commençait à prendre ombrage de la diffusion de cet ordre et de la place envahissante qu’il commençait à occuper avec ses collèges dans l’enseignement; elle choisit pour la défendre Étienne Pasquier et un autre avocat qui lui aussi jouissait d’une grande réputation, Antoine Arnauld, le père du grand Arnauld. Bien que les Jésuites aient gagné leur procès, les plaidoiries des deux avocats furent fort remarquées. Conséquent avec lui-même, Pasquier sortit de cette affaire brouillé à mort avec la compagnie qu’il attaquera encore en 1602 avec son Catéchisme des Jésuites ou examen de leur doctrine. Pasquier plaidera d’autres procès fameux, pour le seigneur d’Arconville, pour le maréchal de Montmorency, pour le duc de Lorraine, pour Henri de Guise, pour la ville d’Angoulême. Il n’en délaissé pas pour autant ses travaux, et à côté d’œuvres légères, comme les Ordonnances générales d’amour (+) (1564), et des poèmes de circonstance : Vers sur le tombeau de messire Anne de Montmorency (1567), Sonnets sur le tombeau du seigneur de la Châtre (1569), Au Roy, Congratulation de la paix faite par S. M. entre ses sujets l’unziesme jour d’août 1570 — a propos de la paix de Saint-Germain il publie surtout le second livre des Recherches (1565). Personnage de plus en plus en vue, Pasquier est chargé de mettre en pratique ses idées de modération au cours de deux missions d’importance, la première en tant que commissaire aux Grands Jours de Poitiers (1579), la seconde à ceux de Troyes (1583). Nommé en 1585 avocat général à la chambre des comptes, Pasquier devra repousser l’édit instituant la vénalité de toutes les charges. S’il ne cesse de travailler à ses Recherches, il n’oublie pas qu’il est poète et se disperse dans des recueils galants, tels la Puce de Mme des Roches (1583) et La Main ou œuvres poétiques faites sur la main de Estienne Pasquier (1584), recueils auxquels participent les plus brillants esprits de l’époque. Lors des troubles qui suivent la mort d’Henri III (1589), Pasquier, qui vient de publier sa Congratulation au roi sur sa victoire et ses heureux succès contre l’estranger, se tient quelque peu à l’écart. Partisan d’Henri III contre la Ligue, puis d’Henri IV, il verra ses fils se battre et l’un d’entre eux mourir pour la bonne cause. Mais Pasquier s’absorbe de nouveau dans ses études, il compose les livres suivants des Recherches. Par ailleurs, il prépare le recueil de ses Lettres, dont une première édition avait paru en 1586, et qui devait être complété dans les éditions suivantes de 1590, 1597, 1607 avant de connaître une édition définitive à titre posthume en 1619. C’est, avec les Recherches, la partie la plus intéressante de l’œuvre de Pasquier. Au travers de ces Lettres paraît la physionomie vivante de l’auteur, homme modeste, laborieux, dévoué à ses amis et à l’Etat, plein de sollicitude et de compréhension pour ses enfants. Quant à son œuvre principale, les Recherches, Pasquier ne l’achèvera qu’à sa mort et le neuvième et dernier livre ne verra le jour qu’en 1621. On peut saluer en Pasquier le père de l’histoire de France. Il est le premier, et avec une exactitude et une érudition remarquables pour son temps, à avoir exploré le passé de la France; sa curiosité est inlassable et il faut ajouter qu’elle ne lasse pas; ce qui l’intéresse plus que les événements, ce sont les institutions, les mœurs et même l’histoire des idées, l’histoire des lettres et des arts, et cela même donne à ses Recherches une vie qui est d’ailleurs soutenue par un style direct, dru, plein de verve et d’entrain, pleine de jeunesse enfin, ce qui ne l’empêche pas d’être fort travaillé. Le fils de Pasquier, Nicolas, raconte que son père consacrait à son ouvrage tous les loisirs dont il pouvait disposer et en polissait avec soin les phrases. ♦ « Si je mettais ici tous les témoignages favorables qu'une infinité de grands hommes ont rendus de sa vertu et de sa suffisance, il faudrait presque faire un livre aussi ample que le plus ample des siens. » Guillaume Colletet. ▼ « Pasquier représente à merveille cet esprit parlementaire, libre et mesuré, nourri de forte moelle juridique mais orné de toute la culture des lettres, qui a fait longtemps en France le fond principal de la société polie. Lui-même est un sage qui a pour qualités dominantes le bon sens et la sincérité. Bon Français, bon bourgeois de Paris, bon chrétien à la mode des ancêtres. » P. de Nolhac.