Databac

PARAIN Brice

PARAIN Brice. Philosophe et essayiste français. Né le 10 mars 1897 à Jouarre, en Seine-et-Mame, mort à Paris le 20 mars 1971. Après la Première Guerre mondiale (à laquelle il a participé en 1916), il suit des études de philosophie à l’Êcole Normale Supérieure de 1919 à 1923, et de russe à l’Ecole des Langues Orientales de 1920 à 1923. Docteur ès Lettres, il est envoyé en mission à l’Ambassade de France à Moscou de 1925 à 1926. En 1927, il entre aux Editions Gallimard et se spécialise dans les littératures russe et allemande. Brice Parain a publié une série d’ouvrages qui vont de l’essai au roman, tout en gardant une orientation de base nettement philosophique : Essai sur le Logos platonicien (thèse de Doctorat ès Lettres, 1942) Recherches sur la nature et les fonctions du Langage (1943), L’Embarras du choix (1947), La Mort de Socrate (1950), Sur la dialectique (1953), De fil en aiguille (I960), Noir sur blanc (1962), Joseph (1964), Entretiens avec Bernard Pingaud (1966), France, marchande d’églises (1966). L’œuvre de Brice Parain tourne toute entière autour d’une réflexion sur la nature du langage. En ceci, elle est éminemment moderne, et contemporaine des recherches de Benda ou de Jean Paulhan. Mais elle reste volontairement à l’écart des grands courants de la philosophie française de l’après-guerre, représentés par Merleau-Ponty ou par Sartre. Plus qu’un philosophe, Parain est un essayiste. Et cette vocation d ’essayiste reflète en soi une certaine réflexion sur « la nature et les fonctions du langage » : ennemi de toute pensée dogmatique, acritique, qui prétendrait, en réduisant le langage à un objet, s’élever au-dessus de lui, alors qu’elle n’existe que par le langage, Parain s’est continuellement interrogé sur la capacité de vérité du langage dans la communication : les mots ne sont pas un instrument ou un véhicule neutre de vérité, les mots servent avant tout à communiquer, ou à tenter de communiquer, et la vérité est dans cette communication. Plus qu’une catégorie épistémologique, la vérité est une catégorie éthique et humaniste. « Ce qui est en question, dit-il dans son roman Joseph (dont le héros, significativement, est un traducteur, c’est-à-dire quelqu’un qui se trouve confronté au langage), c’est de savoir si l’homme est essentiellement solitaire, tyrannique, fantasque, impatient, à la recherche de l'absolu, ou s’il est capable de vivre avec un autre en bon accord. » Cet humanisme est plus proche de celui de Socrate que de celui de son disciple Platon. Le choix de l’essai correspond chez le philosophe, comme celui du roman, à une prudence élémentaire, car « on n’est jamais sûr de ce que les mots signifient ». Dans un film de Jean-Luc Godard, Vivre sa vie, Brice Parain a assumé lui-même ce rôle du philosophe « modeste » qui réfléchit avec les autres sur la signification de l’existence, du langage et des rapports humains. L’œuvre de Brice Parain est l’une des rares à s’être interrogée sur le mensonge et la fausseté des mots, sur leur pouvoir, pourrait-on dire, d’errance et d'illusion. Qui dit langage dit aussi erreur, mensonge, non-communication, et pourtant les hommes ne peuvent pas s’entendre hors du langage : le silence est la mort de toute entente, l’irruption de la violence et de la folie. Parler est, comme le pressentait Socrate, la seule issue raisonnable, tant que la parole ne dégénère pas en discours autoritaire et mensonger.