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NIZÂMI (Abou Mohammad Elyas)

NIZÂMI (Abou Mohammad Elyas). Poète persan. Né en 114041 ou en 1145-46 et mort en 1202-03. Il vit vraisemblablement le jour à Qoum, en Iran, mais passa presque toute sa vie à Gandja (plus tard Yelisabetpol), au Caucase, où son père était allé se fixer. Orphelin très tôt, il fut élevé, avec son frère (également poète, mais de moindre talent), par un oncle, auquel il sembla avoir été redevable de sa formation intellectuelle, très complète pour l’époque. On sait encore de Nizâmi que sa mère appartenait à la noblesse kurde, qu’il se maria trois fois et qu’il eut un fils. Ses biographes ne nous apprennent rien d’autre à son sujet et l’étude de son œuvre, pauvre de détails personnels, indique seulement qu’il se trouva en relations avec les principaux souverains iraniens de son temps, auxquels il dédia ses poèmes. L’un d’eux lui donna une de ses filles en mariage; un autre lui fit don du revenu (misérable à en croire le bénéficiaire) d’un village. Nizâmi est une des figures les plus originales de la littérature persane qui lui doit un de ses genres favoris, le roman en vers. Firdousi avait déjà montré la voie avec son Yusef et Zalikha; il fut surpassé par Nizâmi dont la Khamse [Les Cinq Poèmes] constitue un chef-d’œuvre jamais égalé par les nombreuses, et parfois brillantes, imitations qu’elle suscita. A l’extraordinaire harmonie du verbe, à la subtile élégance de la pensée et des sentiments qu’exprime ce créateur de la poésie courtoise en Orient, le lecteur occidental ne peut se retenir d’ajouter un autre mérite, rare dans les littératures islamiques, celui de la spontanéité et d’un constant renouvellement. La première œuvre de longue haleine écrite par Nizâmi est le Makhzan al-asrâr [Le Trésor des mystères], recueil, en vers, d’anecdotes morales teintées de mysticisme, qu’il dédia en 1165 (en 1186 selon certains critiques modernes), au souverain de l’Azerbaïdjan. Elle fut suivie par un Khusraw u Shirïn, thème emprunté au Livre des Rois de Firdousi, admirable version de la vieille légende iranienne des amours de l’empereur sassanide Chosroès et de la belle Chirine, courtisée également par l’architecte Ferhâd, qui meurt victime de sa passion. Nizâmi présenta cette œuvre, une première fois au destinataire de son Makhzan al-asrâr, et ensuite au successeur de ce prince, l’atâbeg Qizil Arslân (le Lion Rouge). La gloire lui venant, Nizâmi se vit demander, par le Chah caucasien du Chirwân, un récit des aventures du poète bédouin Madjnùn (Le Fou) et de sa maîtresse Laïla (La Nuit), célèbres dans la littérature arabe. A contrecœur, il exécuta cette commande, d’ailleurs une de ses meilleures réussites (1188 ou 1192) — v. Laïla u Madjnùn. Pour l’atâbeg de Mossoul, Izz Eddin Mas’oud Ier, il composa un Iskandar Nâmé — Livre d’Iskandar (Alexandre), et un charmant roman en vers, les Haft raïkar. De ces deux ouvrages, dont la rédaction se situe entre 1191 et 1199, il offrit une version remaniée à l’atâbeg d’Azerbaïdjan, Nosrat Eddin Abou Bekr. Il suivait en cela l’usage des poètes orientaux de son temps qui tiraient leurs moyens d’existence de la générosité des grands. Le Livre d’Alexandre, inspiré d’un des derniers chapitres du Livre des Rois, comporte une dizaine de milliers de vers; il se divise en deux parties, Eqbâl Nâmé ou Charaf Nâmé [Livre de la fortune ou Livre de l’honneur] et Kharad Nâmé [Livre de raison]. Tout en relatant les aventures légendaires du conquérant macédonien et sa quête de la source de jouvence, il offre de nombreux développements scientifiques et philosophiques qui en font une sorte de somme de la pensée iranienne de l’époque de Nizâmi. Les Sept Images [Haft Païkar], d’un abord autrement aisé, sont consacrées au récit des aventures des sept princesses épouses de Behrâm Gour (Behrâm l’Onagre), le Vert Galant de la dynastie sassanide. Chacune de ces sept princesses symbolise un des sept jours de la semaine en même temps qu’une des sept planètes. Certains des épisodes dont elles sont les héroïnes comportent une atmosphère d’un fantastique curieusement moderne. Nizâmi est également l’auteur d’un Divan (recueil de poèmes lyriques) encore inédit mais, semble-t-il, d’un moindre mérite que ses compositions narratives. Son charme fait de lui un des écrivains les plus attachants de l’Iran et l’un des plus lus. Il en est aussi, aux yeux de l’histoire littéraire, l’un des plus importants; les œuvres des poètes persans, turcs et indiens qui ont tenté de rivaliser avec lui, en composant eux aussi des séries de Cinq Poèmes, empliraient une bibliothèque.

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