Databac

NIHILISME

En latin, nihil signifie « rien ». D'un point de vue général, le nihilisme désigne le refus de toute forme d'absolu, aussi bien concernant la vérité que les valeurs. Nietzsche donne une détermination plus précise à cette notion, en faisant d'elle le résultat d'une crise majeure à laquelle l'homme est confronté à la suite de l'effondrement progressif et inéluctable de la philosophie platonicienne et du christianisme. Ces systèmes avaient pour effet de donner au monde une stabilité rassurante, mais ils cèdent finalement sous le poids de leurs propres illusions. En annonçant par la bouche du personnage de Zarathoustra que « Dieu est mort », Nietzsche entend mettre en garde l'humanité contre les dangers qu'elle court si elle n'accepte pas cette désertion d'un sens métaphysique. En effet, faute de reconnaître la mort de Dieu, nous sommes conduits à porter son cadavre ou bien à nous réfugier dans la préférence pour le néant, lorsque nous n'en supportons pas les conséquences. La première situation renvoie à la substitution de nouvelles idoles, par exemple la foi en la science, la confiance en une linéarité providentielle du progrès ou le nationalisme. La deuxième forme d'errance consiste à compenser le glas du sens par la séduction pour l'absurde, afin de répondre à l'angoisse de la déréliction, c'est-à-dire, du sentiment d'abandon.

Nihilisme
Doctrine ou position philosophique niant toutes les valeurs reconnues et toute transcendance. Heidegger considère que le nihilisme est le point culminant de l'« oubli de l'être » et de la domination de la technique.

NIHILISME, n. m. (du latin nihil, «rien»).

1° Sens philosophique : doctrine qui, partant du principe qu’il n’existe rien d’absolu, que rien n’a de sens en soi, se donne pour unique objectif la négation de toute valeur — en particulier les valeurs morales sur lesquelles se fonde la société. Le nihilisme est lié, dans l’histoire intellectuelle du XIXe siècle, au progrès de l’athéisme : avec la mort de Dieu, toutes les valeurs s’écroulent. «Si Dieu n'existe pas, tout est permis» déclare en substance Ivan Karamazov, dont la pensée est résumée par Camus. Ce dernier tentera au contraire, dans L'Homme révolté, de redonner un sens positif à l’existence individuelle et collective de l’homme sans Dieu: «Il n'y a pas de pensée absolument nihiliste, sinon, peut-être, dans le suicide. »
2° Sens politique : à la suite des nihilistes russes de la fin du XIXe siècle, qui veulent détruire radicalement les bases de la société traditionnelle (l’autorité politique autant que l’institution religieuse), le nihilisme désigne non seulement le refus de toute valeur établie, mais aussi le refus de tout État, de toute autorité. Il sert de justification à l’anarchisme, dans sa version extrémiste et terroriste.

NIHILISME nom masc. - Philosophie qui se donne pour unique principe la négation de toute valeur.

ÉTYM. : du latin nihil = « rien ».
Le mot est susceptible de nombreuses utilisations et d’interprétations plus nombreuses encore. Au XIXe siècle, il sert souvent à désigner toute pensée radicale dont la dimension critique remet en cause les fondements de la foi, de la société et de la culture : l’athéisme est ainsi dénoncé comme menant inéluctablement au nihilisme.
Dans Pères et fils (1861), Tourgueniev trace ainsi le portrait d’un nihiliste : « Un homme qui ne s'incline devant aucune autorité, qui ne fait d'aucun principe un article de foi, quel que soit le respect dont ce principe est auréolé. » En Russie, à la fin du XIXe siècle, on qualifiera de « nihilistes » les anarchistes qui tenteront, par le biais du terrorisme, de ne rien laisser intact des fondements d’une société qu’ils exècrent.
Avec la philosophie allemande, le terme prendra une signification plus large. Nietzsche décrit la modernité comme « l’avènement du nihilisme » : après la mort de Dieu, la civilisation occidentale vit le temps de la disparition des valeurs. Dans le même esprit, Heidegger déclarera : « Le nihilisme est le mouvement universel des peuples de la terre engloutis dans la sphère de puissance des temps modernes. »

—► Absurde


[…] comme un autre (1990)Rompant la tradition cartésienne tout en refusant le nihilisme nietzschéen, Paul Ricœur constitue une théorie du sujet en recherchant le […]

Mouvement révolutionnaire qui se développa en Russie sous le règne d'Alexandre II. Le terme de nihilisme fut, sinon inventé, du moins popularisé par Tourgueniev dans son roman Pères et fils (1862). Le héros de Tourgueniev, Bazarov, incarnait d'une manière satirique l'état d'esprit des jeunes intellectuels des années 1860. Ceux-ci, se détournant de l'idéalisme romantique, aboutissaient à une sorte de matérialisme radical qui n'admettait que la vérité scientifique et qui, au nom des droits absolus de l'individu, rejetait toutes les idées établies, tous les devoirs sociaux, familiaux et religieux. Les principaux doctrinaires du nihilisme russe furent N. A. Dobrolioubov, D. I. Pissarev et surtout N. G. Tchernychevski, l'auteur du roman Que faire ? (1864), qui fut un des introducteurs du positivisme en Russie et le grand représentant du socialisme utopique des années 1860/80. Des revues telles que le Sovremennik (Le Contemporain) répandirent les idées nihilistes, qui devaient beaucoup à Herbert Spencer, à Feuerbach et à Darwin. L'attentat de Karakosov contre le tsar Alexandre II (1866) marqua le début d'une vague de répression contre les cercles universitaires. Sous la direction du comte D. Tolstoï, l'enseignement officiel lutta énergiquement contre les doctrines matérialistes. Le Sovremennik fut interdit dès 1866. Le nihilisme, qui n'était jusqu'alors qu'un mouvement intellectuel peu organisé, se mit à évoluer vers le terrorisme politique. Il se produisit une conjonction entre le nihilisme scientiste et l'anarchisme de Bakounine et de Netchaïev (v.). Le 5 févr. 1878, une jeune fille de la noblesse, Vera Zassoulitch, tira sur le préfet de police de Saint-Pétersbourg, Trepov, qui avait fait fouetter un agitateur révolutionnaire arrêté. Ce fut le premier acte de terrorisme. Traduite en cour d'assises, Vera Zassoulitch fut acquittée par le jury et acclamée par la foule à la sortie de l'audience. Cette indulgence encouragea les partisans du terrorisme. En 1879, ils provoquèrent une scission dans l'organisation révolutionnaire Zemlia i Volia (Terre et liberté) : la fraction terroriste forma le groupe Narodnaïa Volia (Volonté du peuple), tandis que les révolutionnaires qui réprouvaient la terreur se ralliaient autour de la revue Tchorny perediel (Le Partage noir). Les attentats se multiplièrent : dès 1878, le chef de la police, le général Mezentsev, avait été poignardé dans la rue, à Saint-Pétersbourg. En avr. 1879, l'étudiant A. K. Soloviev tira cinq coups de revolver sur Alexandre II. Les terroristes obéissaient à un mystérieux et insaisissable Comité central exécutif qui multiplia les tentatives pour abattre l'empereur : machine infernale sur le passage du train impérial (1er déc. 1879), explosion dans la salle à manger du palais d'Hiver (17 févr. 1880). Enfin, le 13 mars 1881, Alexandre II tomba, déchiqueté par les bombes, près du palais Mikhaïlovski. Dans la répression qui suivit, le groupe de la Narodnaïa Volia, responsable de ces attentats, fut démantelé. Idéologiquement, la période nihiliste était d'ailleurs révolue, et l'esprit révolutionnaire russe allait trouver une nouvelle expression dans le populisme.

NIHILISME. Nom donné au mouvement révolutionnaire qui se développa en Russie sous le règne d'Alexandre II (1855-1881). Le principal doctrinaire du nihilisme russe fut Nicolaï Gavrilovitch Tchernychevski, dont le roman Que faire ? ( 1863) eut un immense retentissement auprès des jeunes intellectuels, le terme ayant été popularisé par Tourgueniev dans son roman Pères et Fils (1862). Les nihilistes, qui rejetaient l'idéalisme de la génération précédente, revendiquaient notamment la révolution paysanne. Ses principaux chefs, dont Tchernychevski, furent arrêtés. Voir Anarchisme, Populisme.