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NÉANT / NÉANTISER

NÉANT, n.m. (lat. non ens « non étant »). Le rien. L'absence d'être ou de réalité. Concept totalement négatif, tant et si bien que l'on peut se demander si c'est un concept. ♦ 1° Le néant a un sens pour l'homme, et il est fortement chargé de valeur affective. L'homme se sent toujours guetté par le néant, parce qu'il conçoit son existence comme précaire (il n'est pas l'être souverain) et comme temporelle, il est soumis à la mort et il redoute l’anéantissement. « Je suis comme un milieu entre Dieu et le néant (...) entre le souverain être et le non-être » (DESCARTES, quatrième Méditation). « Qu'est-ce que l'homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l’infini, un tout à l'égard du néant, un milieu entre rien et tout » (PASCAL, Pensées, Br. 697). Chez Heidegger, la conscience de notre existence se déploie sur un arrière-fond de néant, d’où l’angoisse existentielle que l’on retrouvera fréquemment chez les philosophes existentialistes. ♦ 2° L'être et le néant sont considérés comme l’antithèse l’un de l'autre. C'est une des originalités de Hegel d’avoir affirmé que l'être étant ce qu'il y a de plus indéterminé ne se distingue pas du néant. ♦ 3° Le concept de néant est-il réellement vide ? Le principe de Parménide était : « Que jamais ne domine cette idée que ce qui n'est pas est. » Pourtant, après une longue discussion, les divers personnages du Sophiste de Platon sont arrivés à saisir qu'il y a un être du non-être : il y a du non-beau, du non-juste (ce qui est autre que le beau, le juste). Pour Bergson, l'idée de « l'objet n'existant pas » est plus riche que l'idée de l'objet existant. C'est l'idée de l'objet existant avec, en plus, l'idée de son exclusion de la réalité actuelle (l'Évolution créatrice). Pour Sartre, le néant emprunte son existence à l'être. La disparition totale de l'être entraînerait non pas l'avènement mais « l'évanouissement du néant » (l'Etre et le néant).

NÉANTISER. v.tr. Terme utilisé par J.-P. Sartre pour traduire Heidegger. Cela veut dire, pour une conscience, ne pas tenir compte du tout d'une personne ou d'une situation, faire comme si elle n'existait pas, la retirer, non pas du monde, mais de son monde.

NÉANT NÉANTISATION NÉANTISER

1. Le néant, ou plus souvent le non-être, désigne dans la philosophie grecque le contraire absolu de l’Être — voir ce mot, sens 2 — l’absence radicale d’existence («le Non-être n'est pas », disait Parménide). Cependant, comme le remarquait déjà Platon, si l’on peut parler du Non-être, c’est qu’il existe de quelque façon : comme pensée ; c’est le non-être qui permet d’établir les relations, de formuler toutes les négations. Aussi l’idée d’un Néant absolu a-t-elle été violemment récusée par H. Bergson : «L'idée du néant absolu est... une pseudo-idée, un simple mot... Il y a plus et non pas moins dans l'idée d'un objet conçu comme "n'existant pas", car l'idée de l'objet "n'existant pas" est nécessairement l'idée de l'objet “existant" avec, en plus, la représentation d'une exclusion de cet objet par la réalité actuelle prise en bloc. »

2. Sens chrétien : est un néant ce qui est dénué de valeur ("l'homme est un néant" écrit Pascal).

3. Dans la philosophie moderne on trouve deux interprétations du néant : - pour F. Hegel, le Néant (ou le Rien), c’est le négatif, ce qui divise l’être et le fait se modifier : l’être est et n’est pas, mais à des moments différents, et c’est le heurt de ces deux affirmations contradictoires qui engendre le devenir. Par exemple (exemple très simplifie) : la graine est graine puis n 'est pas graine mais feuille puis fruit ; - pour J.-P. Sartre (à la suite de Heidegger), le néant est seulement produit par la pensée, son existence est factice, elle ne tient qu’à la négation ou à l’évanouissement de quelque chose.

4. Néantiser, néantisation : mots créés par J.-P. Sartre pour désigner le fait que la conscience peut «vider» le monde de sa présence, de sa nécessité et affirmer ainsi son indépendance, sa liberté. Par exemple, dire que «Pierre n 'est pas dans ce café », c'est néantiser le café qui n 'est plus pour moi que «le lieu où manque» Pierre, néantiser les consommateurs qui « ne sont pas» Pierre. C’est l’essence même de l’homme que de détenir ce pouvoir de néantisation : «l'homme est l'être par qui le néant advient en ce monde».

NEANT (n. m., étym. : latin nec entem ou ne gentem : pas un être, pas une chose). 1. — Ce qui n’existe pas, le fait de ne pas être ou de ne plus être. 2. — Ce qui est dénué de valeur : « Qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini » (Pascal). Pour les existentialistes, le néant n’advient que par l’être, il correspond à cette faculté qu’à l’être libre de pouvoir éliminer tout être de son monde intentionnel : « l’être de la conscience en tant que conscience est d’exister à distance de soi, et cette distance nulle que l’être porte dans son être, c’est le néant » (Sartre). 3. —Néantir, néantiser, néantisation : néologismes créés par Sartre pour désigner cette fonction par laquelle la conscience rejette l’ensoi, l’« irréalise » et, par là, s’en libère.




NÉANTISATION, n. f. Dans le vocabulaire de Sartre, capacité qu’a la conscience humaine de «réduire au néant», à l’inexistence, ce qu’elle refuse de considérer comme objet de son attention. N’existe que ce à quoi ma conscience donne sens et présence. Si je cherche vainement ma fiancée dans une Gare, ce lieu n’est plus à mes yeux que néant puisqu’elle ne s’y trouve pas; je «néantise» de même la foule qui ne contient pas celle que je cherche.

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