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NATURALISME

NATURALISME, n.m. (lat. natura « ce qui est donné par la naissance », « ce qui constitue un être », « ordre des choses »). D'une façon générale, manière de penser qui prend pour référence la nature. ♦ 1° Philosophie. Doctrine suivant laquelle tout ce qui existe nous est donné dans l'expérience courante : il n'y a pas de réel invisible, pas de surnaturel. ♦ 2° Morale. Doctrine suivant laquelle la nature est bonne et doit être suivie. La sagesse consiste à satisfaire ses besoins et à suivre ses instincts sans les contrarier en leur opposant un idéal. Les valeurs fondamentales sont la santé, la vie, la jouissance. Le naturalisme s'est développé à la Renaissance ; on le trouve chez Rabelais. Il s'oppose à la morale du devoir, à l’idée de tendances déréglées ou perverses chez l’homme. Pour les partisans de la « morale naturelle » au XVIIIe siècle, la morale est inscrite dans la nature de l’homme. Il est naturellement bon. - Gilson a présenté la morale thomiste comme un « naturalisme », en un sens très différent. L'homme qui pèche s’écarte de sa nature qui est finalisée et l’oriente vers le bien et vers Dieu. ♦ 3° Esthétique. Le naturalisme a un sens voisin du réalisme. Pour lui, on ne vise pas le beau en corrigeant la nature, mais en restant fidèle aux spectacles et aux scènes qu’elle nous offre, sans en écarter les traits brutaux ou grossiers. (V., par exemple, les romans de Zola.)
NATURALISME
En dehors de son emploi en esthétique (peinture, sculpture, littérature) pour désigner la conception selon laquelle l’artiste doit prendre pour modèle la nature dans sa crudité, le terme s’applique à l’ensemble des doctrines philosophiques qui nient l’existence du surnaturel et de tout principe transcendant et qui n’admettent d’autre norme ou d’autre réalité que la nature telle qu’elle apparaît dans l’expérience.
Niant l’idée de création divine et par conséquent celle de Providence, le naturalisme - qui affirme le plus souvent la bonté de la nature - explique le développement de la société à partir des lois naturelles de la géographie et de la biologie et fait de la nature la référence de toute conduite morale (épicuriens, stoïciens). Plus spécialement, il voit dans la vie biologique et les instincts (Diderot, Nietzsche) la source et la norme de la vie morale.
naturalisme, doctrine qui nie l'existence du surnaturel. — Il s'oppose au surnaturalisme ou au supranaturalisme. La philosophie de Spencer, comme toute philosophie matérialiste, est un naturalisme en ce sens qu'elle explique la formation de la nature et des êtres vivants à partir d'un principe vital immanent et matériel ; le naturalisme récuse l'idée d'une création divine. C'est pourquoi il peut aussi bien prendre la forme du « panthéisme » : on a parfois rapproché le panthéisme de Spinoza (Deus sive Natura) de la philosophie de la nature de Schelling et des romantiques allemands (Novalis, Jacobi, Schlegel). Mais il faut, en toute rigueur, distinguer le panthéisme du naturalisme proprement dit, qui considère la nature matérielle comme l'absolu et qui implique ainsi la négation de toute idée de Dieu. Le naturalisme est par vocation un matérialisme. D'un point de vue théologique, le naturalisme consiste à affirmer la bonté de la nature humaine et à nier la nécessité de la grâce (intervention surnaturelle) ; l'Eglise l'a considéré comme une hérésie. Enfin, comme doctrine sociale, le naturalisme explique le développement de la société humaine à partir des lois de la nature : climat, géographie, biologie, etc. (malthusianisme, « darwinisme social ») ; il s'oppose aux théories qui lient le déroulement de l'histoire à l'intervention d'une Providence ou qui le considèrent comme le développement d'un « plan divin ». — A ne pas confondre avec le naturalisme en littérature (école littéraire groupée autour de Zola et qui prônait une forme de réalisme esthétique).
Le naturalisme
Dans la continuité du réalisme, le naturalisme (1865-1893) est un mouvement littéraire qui prône, à partir de l'observation, de l'enquête et de la documentation, une étude et une description exactes du réel. Le naturalisme se nourrit des découvertes de son époque, notam­ment médicales, et il s'instruit de la méthode scientifique qu'il pré­tend appliquer en littérature. Une autre de ses innovations est d'avoir voulu, au nom de la vérité, décrire toutes les classes sociales dont le peuple. Le chef d'école de ce mouvement et son principal acteur est Émile Zola, qui connaît cependant de vives contestations au sein même de ses « troupes » (Guy de Maupassant, Joris-Karl Huysmans).
Lorsque Émile Zola publie en 1893 le vingtième et dernier volume des Rougon-Macquart, Le Docteur Pascal, ce sont le roman psycho­logique, illustré par Paul Bourget, Pierre Loti et Anatole France, le symbolisme et le décadentisme qui séduisent désormais.
Le naturalisme semble donc illustrer une loi des mouvements litté­raires qui veut que le succès entraîne leur dissolution plus vite que l'échec. Il manifeste de manière exemplaire la différence qui peut exister entre un appareil théorique lourd comme celui mobilisé par Zola et l’oeuvre elle-même. Par souci de se démarquer du roman­tisme, Émile Zola souligne de manière un peu excessive la nécessité réaliste et scientifique du roman naturaliste. Or, tous les critiques ont montré que son oeuvre était a contrario un appel constant à l'imagi­naire, au symbole.
Cependant, c'est cette revendication matérialiste du naturalisme que vont retenir les mouvements suivants. Le surréalisme et le Nouveau Roman vont se construire contre cette pesanteur réaliste.
NATURALISME nom masc. - Doctrine esthétique propre à la littérature française de la fin du XIXe siècle et qui charge le roman de rendre compte de manière quasi scientifique de la réalité.
ÉTYM. : de naturel.
Le terme de naturalisme peut être employé de manière vague et large : il devient alors synonyme de « réalisme » et cela dans un sens quelquefois péjoratif. On parlera ainsi du « naturalisme » d’un écrivain pour désigner son choix de décrire de la manière la plus directe et la plus crue les dimensions sordides et matérielles de la réalité. D’ordinaire, on réserve cependant ce terme à une doctrine et à un mouvement littéraires propres au roman réaliste français de la fin du XIXe siècle. C’est en ce sens qu’on présente comme des écrivains naturalistes les frères Concourt, Maupassant ou Huysmans. L’indiscutable théoricien et chef de file du mouvement fut cependant Zola. Dans Le Roman expérimental (1879), fortement imprégné des thèses de Claude Bernard, il présente le romancier comme un véritable savant qui, plaçant ses personnages dans un milieu donné, les exposant à des forces ou des circonstances particulières, réalise dans le cadre du texte une forme d’expérience scientifique qui permet d’étudier, en laboratoire, le mécanisme de la vie. Ces thèses sont discutables, et tout particulièrement l’analogie entre roman et expérience. Il est vrai que c’est sans doute en dépit de ses théories plutôt qu’en raison de celles-ci que Zola a produit l’une des plus importantes œuvres romanesques du XIXe siècle. Sa grande fresque - Les Rougon-Macquart - se veut une « histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire » : l’étude des milieux et de la réalité sociale, de discutables théories sur l’hérédité et sur la psychologie humaines contribuent à une saisissante construction romanesque. Le naturalisme de Zola a été l’objet de nombreuses critiques. Les lecteurs et les journalistes lui reprochaient souvent de peindre seulement les aspects les plus sordides de l’existence et d’être ainsi contraire à la morale. Dans Le Roman expérimental, Zola se défendait ainsi : « On nous accuse de manquer de morale, nous autres écrivains naturalistes, et certes oui, nous manquons de cette morale de pure rhétorique. Notre morale est celle que Claude Bernard a si nettement définie : “La morale moderne recherche les causes, veut les expliquer et agir sur elles ; elle veut, en un mot, dominer le bien et le mal, faire naître l'un et le développer, lutter avec l'autre pour l'extirper et le détruire. " Toute la haute et sévère philosophie de nos œuvres naturalistes se trouve admirablement résumée dans ces quelques lignes. Nous cherchons les causes du mal social ; nous faisons l'anatomie des classes et des individus pour expliquer les détraquements qui se produisent dans la société et dans l'homme. » Le naturalisme fut dénoncé comme une impasse par la plupart des romanciers de la nouvelle génération. Ainsi Joris-Karl Huysmans qui, après avoir été l’un des plus talentueux disciples de Zola, dressa le procès du naturalisme dans les premières pages de son roman Là-bas. Il y concède que « Zola est un grand paysagiste et un prodigieux manieur de masses et truchement de peuple », mais il fait dire à l’un de ses personnages : « ... ce que je reproche au naturalisme, ce n 'est pas le lourd badigeon de son gros style, c'est l'immondice de ses idées ; ce que je lui reproche, c'est d'avoir incarné le matérialisme dans la littérature, d'avoir glorifié la démocratie de l'art ! ».