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MORE Thomas

MORE Thomas, en anglais Morus, saint. Homme politique et humaniste anglais (1478-1535), ami d’Érasme. Sa carrière fut d'abord très brillante sous Henri VIII, dont il fut le Chancelier ; mais, attaché au catholicisme, il désapprouva le divorce d'Henri VIII et le schisme qui suivit. Le roi le fit emprisonner puis assassiner. Il avait rédigé un roman de politique-fiction, l'Utopie (1516), qui décrit la société idéale d’une île imaginaire (Utopie = ou-topos, c'est-à-dire «nulle part»). Humaniste anglais, ami d'Érasme, il fut décapité en raison de sa fidélité au catholicisme. Sa réputation philosophique est surtout due à L'Utopie (1516).

MORE ou MORUS sir Thomas. Humaniste anglais. Né et mort à Londres (7 février 1478-7 juillet 1535). Juriste, homme politique et chancelier pour les historiens anglais, saint décapité comme traître à son roi pour les catholiques, célèbre hors de l’histoire nationale anglaise et de l’histoire de l’Eglise pour son Utopie , qui est seulement l’une de ses nombreuses œuvres — citons par exemple, les Epigrammes [Epigrammata]; la traduction des Dialogues de Lucien; l'Histoire du roi Richard III qui lui est attribuée; la Vie d’Edouard V [1543]; le Dialogus quod mors pro fide fugendia non sit — rassemblées, avec ses lettres, en 1566, à Louvain. Très tôt, en raison de sa célébrité d’humaniste, de son activité de jurisconsulte et de marchand de la City qui lui avait apporté une richesse considérable, il fut appelé contre son gré à remplir d’importantes charges politiques, jusqu’à celle de chancelier et d’ambassadeur auprès des cours de France et de l'Empire. Il faisait partie de ce groupe d’Anglais émules d’Erasme, qui voulaient travailler à une réforme de l'Eglise et de la société chrétienne, mais il était attentif aussi à la vie politique de son temps et aux transformations économiques et sociales; réforme sociale et réforme religieuse (dans le cadre de l’unité de l’Eglise) étaient pour lui une seule et même chose, comme le comprirent les anabaptistes qui possédaient son œuvre parmi leurs textes. L’Utopie (selon certains tout à fait inspirée par les premières nouvelles qui arrivaient d’Amérique) n’est pas seulement la conception théorique d’un Etat parfait de type communiste, où l’on vivrait aussi dans une pleine liberté religieuse, mais encore, dans la première partie, une critique de la société féodale du temps de More. L ’Utopie a été interprétée de plusieurs façons (de l’exercice littéraire à la préfiguration du socialisme); elle est certainement l’œuvre la plus traduite de More. Mais le désir d’une réforme religieuse et sociale (et sans doute espéra-t-il pouvoir œuvrer dans ce sens avec le mouvement de la politique de Henri VIII, en appliquant les théories de Machiavel à l’accomplissement d’un idéal humaniste et religieux) n’avait jamais été, pour lui comme pour Erasme, celui d’une rupture avec l'Eglise : réforme, non révolution, non plus que schisme. Aussi refusa-t-il de prêter serment à Henri VIII comme chef suprême de l' Eglise anglicane et de reconnaître son divorce. Le joyeux homme du monde, le fin humaniste, le riche et habile marchand et financier, le célèbre jurisconsulte, l’heureux politique, fut incarcéré et décapité sans avoir montré crainte ou hésitation d’aucune sorte. Sa canonisation date de 1935, comme confesseur.
♦ « Le supplice de Morus fut un sujet d'universels regrets pour ceux même qui avaient été en opposition avec l'ancien ministre; tant ce grand homme était aux yeux de tous doué de candeur et de sagesse; tant il y avait en lui de bienveillance et de bonté. » Érasme.
More, Thomas (Londres 1478 -id. 1535); homme politique et humaniste anglais.
On a appelé M. le Socrate chrétien. Issu d’une famille de petite noblesse, il est formé à l’école latine de Londres, puis à l’université d’Oxford. Il acquiert ensuite une formation juridique dans les inns of court londoniennes, tant par tradition familiale que sur l’ordre de son père, juriste lui aussi. Sa carrière d’avocat puis de juge lui fait prendre conscience des inégalités dans la société et la justice. Sa carrière juridique ne l’empêche pas de continuer à fréquenter les représentants de l’humanisme tels Colet, Linacre, Grocyn. Lui-même, grand admirateur de Pic de la Mirandole, et à ses heures helléniste, philologue et exégète du Nouveau Testament, est en relation, notamment pour sa compétence d’expert en patristique, avec les humanistes du continent, comme Pierre Gilles et surtout Erasme, à qui il inspire l’idée de l’Éloge de la folie. Il se trouve donc à la pointe même du courant humaniste, dont il devait devenir le représentant anglais le plus illustre. Son intérêt pour la politique s’affirme très tôt également, comme le montrent déjà ses épigrammes latines contre la tyrannie, dont le caractère incisif rappelle celles de Lucien. M. y critique également la situation de l’Église. Très pieux lui-même, il a d’abord envisagé d’entrer au couvent, et il n’oublie jamais cet idéal, même si par la suite il se marie et mène la vie d’un laïc. Dès 1504, il entre au Parlement où il a l’occasion de se distinguer en tenant un discours audacieux. Remarqué par Henri VIII, il devient shérif adjoint de Londres en 1510, et est envoyé en Flandre comme représentant de la ville de Londres à l’occasion des négociations commerciales qui ont lieu aux Pays-Bas en 1515-1516. Il en profite pour faire plusieurs voyages à Paris. C’est en 1516 que paraît son Utopie, dans laquelle il oppose à l’Angleterre des Tudor, dont il brosse une vigoureuse critique, un pays imaginaire (« de nulle part »). On retrouve dans cette œuvre des échos à la fois de Platon, des controverses médiévales à propos du problème de la propriété, et des récits relatant les découvertes de Vespucci. Sa critique sociale et politique va très loin : il dénonce les guerres, déclenchées par une poignée d’hommes politiques avides d’annexions, l’exploitation des masses populaires et des plus démunis par la « conjuration de quelques riches ». L’apprenti philosophe en revanche - c’est ainsi qu’est désigné Raphaël, le personnage décrivant l'Utopie - dépeint un État modèle, sans argent ni commerce, où règnent l’égalité des biens et de la consommation, l’égalité dans le travail et dans la formation, l’égalité des sexes et (hormis quelques exceptions) celle des professions. Un tel État ne connaît plus aucune tension sociale, et une tolérance radicale, reposant sur la croyance généralisée en Dieu, en la Providence et en l’immortalité, supprime toute possibilité de conflit religieux. Chacun doit consentir, au prix d’une sévère discipline, à participer à l’administration des cellules de base (la famille et le canton) et se conformer à la planification générale prévue par le gouvernement. Cet État ne peut toutefois vivre en autarcie complète : il a besoin, pour effectuer les « tâches inférieures », de recourir à des esclaves en provenance de l’extérieur ; il a besoin de colonies pour y installer son excédent de population, et de mercenaires étrangers pour se défendre contre les agressions du monde extérieur. Une planification rationnelle, le socialisme et la tolérance pourraient, selon M., être des normes à valeur absolue si l’homme était bon, mais en réalité, elles ne peuvent être que des idées directrices dont doit s’inspirer une réforme de l'État devenue urgente. Pour M. qui, loin d’encenser l’ordre établi, n’en était pas moins adversaire de toute attitude philosophique intransigeante, la tâche modeste qui incombe à l’homme politique doit être de « tirer d’affaire » au moins quelques individus. C’est avec cette devise, tirée de l'Utopie, qu’il reprend à partir de 1517 ses activités politiques. Le roi le nomme maître des requêtes et membre du Conseil privé. Il devient en 1523 speaker à la Chambre des communes, en 1525 chancelier du duché de Lancastre, et en 1529, il prend la succession de Wolsey comme chancelier d’Angleterre. Premier laïc à occuper cette fonction, il sut maintenir pendant treize ans la paix extérieure de l’Angleterre, et chercha à préserver l’unité de l’Église. Mais il ne put faire face aux conséquences des aventures militaires dans lesquelles s’engagea le royaume, encore moins à la dette gigantesque de l’Etat. Les décisions prises par Henri VIII concernant la rupture de son mariage avec Catherine d’Aragon, la sécularisation des biens des monastères et la suprématie royale sur l’Église allaient contre sa conscience. Au lendemain de la publication de l’Acte de soumission du clergé anglais, qui s’engage à ne prendre aucune décision sans le consentement royal, M. donne sa démission du poste de chancelier (16 mai 1532). Lorsqu’on veut l’obliger à prêter serment à l’Acte de succession reconnaissant comme légitime l’union d’Henri VIII et d’Anne Boleyn, M. refuse. Enfermé à la Tour de Londres, il est décapité le 6 juillet 1535. Béatifié en 1886, il fut canonisé en 1935. Bibliographie : G. Marc’Hadour, Thomas More ou la Sage Folie, prés., choix de textes, biographie, bibliographie, 1971 ; A. Prévost, Thomas More, 1477-1535, et la crise de la pensée européenne, Tours, 1969.

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