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MONNET Jean (1888-1979)

MONNET Jean (1888-1979)

Homme politique français et européen.

Fils d’un négociant en cognac, Jean Monnet commence par prospecter le marché américain. Pendant la Première Guerre mondiale, il s’occupe de transports maritimes au sein d’instances interalliées. Entré au Secrétariat de la SDN, il y veille au redressement financier de l’Autriche. Son retour aux affaires privées, en 1923, ne fait qu’accroître sa réputation d’expert : il participe en 1932 à la réorganisation des chemins de fer chinois. En 1938-1939, le gouvernement français le charge de l’achat d’avions de combat aux États-Unis. Après la défaite de la France, l’appel du 18 juin 1940 lancé par le général de Gaulle le laisse sceptique et il s’en va coopérer à l’effort de guerre américain. Bénéficiant de la confiance du président Franklin D. Roosevelt, il gagne ensuite l’Afrique du Nord, où il devient en 1943 l’un des sept membres originels du Comité français de libération nationale (CFLN) constitué à Alger.

À la fin de 1945, J. Monnet convainc le général de Gaulle que, pour obtenir les crédits américains indispensables, il faut établir un « plan d’équipement et de modernisation » de la France. C’est le « plan Monnet », que les Américains jugent réaliste et qui conduit à la création du Commissariat au Plan, dirigé par J. Monnet de 1946 à 1952. Ainsi naît la « planification à la française », fondée sur la concertation entre les pouvoirs publics et les partenaires économiques et sociaux.

En 1949 est instaurée la République fédérale d’Allemagne (RFA), avec pour chancelier Konrad Adenauer. Or, la France ayant détaché la Sarre de l’Allemagne, notamment pour exploiter son charbon, un contentieux est né entre les deux pays. De surcroît, le redémarrage de la puissante sidérurgie de la Ruhr suscite des inquiétudes. Simultanément s’est développée, en Europe occidentale, l’idée (imprécise) d’une « Union européenne », voire d’« États-Unis d’Europe », mais le Conseil de l’Europe, créé en 1949, reste très en deçà de telles ambitions : c’est une organisation intergouvernementale sans grand pouvoir. Quant à l’Organisation européenne de coopération économique (OECE), créée en 1948 par les États bénéficiaires du plan Marshall, elle n’a pas d’objectif politique.

Pour progresser, J. Monnet et ses collaborateurs imaginent alors une autre approche. À partir de « réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait », il s’agit à la fois de dépasser le contentieux franco-allemand et d’engager une véritable construction européenne. La Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), réunissant la France, l’Allemagne, le Benelux et l’Italie, sera ainsi instaurée en 1951. Ses institutions préfigurent les institutions européennes : la Haute Autorité, quelque peu supranationale (aujourd’hui la Commission européenne), le Conseil des ministres, l’Assemblée de la Communauté (le Parlement européen), la Cour de justice. J. Monnet préside la Haute Autorité de la CECA de 1952 à 1955. À la tête du Comité d’action pour les États-Unis d’Europe, il ne cessera ensuite de prôner l’instauration d’un pouvoir supranational.

Plus que tout autre, sans doute, J. Monnet mérite le nom de « père de l’Europe ». De son approche initiale, pratique, circonscrite et extraordinairement ambitieuse à la fois, est véritablement née la construction européenne. Il doit son succès à ses qualités d’homme de réseaux, praticien des relations internationales, rompu au pragmatisme anglo-saxon et néanmoins idéaliste, aussi attaché à la culture européenne que peu suspect de nationalisme, sachant à la fois se tenir en retrait des rivalités politiques et convaincre les hommes d’État par la force de ses analyses et projets.

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