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MAURRAS Charles-Marie-Photius

MAURRAS Charles-Marie-Photius. Écrivain et homme politique français. Né à Martigues (Bouches-du-Rhône) le 20 avril 1868, mort à Tours (Indre-et-Loire) le 16 novembre 1952. Issu d’une famille de petite bourgeoisie (son père était percepteur), il fit d’excellentes études classiques au Collège religieux d’Aix-en-Provence, mais ne les poursuivit pas au-delà du baccalauréat. Arrivé à Paris en automne 1886, il débuta aussitôt dans le journalisme. Maurras, quoiqu’il ait toujours été discret sur sa vie intérieure, a nettement avoué à plusieurs reprises qu’il se trouvait vers sa vingtième année dans un état de complète anarchie intellectuelle. Son enfance avait été marquée par le drame d’une surdité soudaine qui posait au jeune Maurras le redoutable problème du Mal : rebuté par le "funeste Pascal" — Pascal puni (1953) — et exalté par la Grèce antique, le jeune esthète avait perdu la foi chrétienne dès ses années de collège. Dans les milieux intellectuels parisiens des années 1880, il subit l’influence du dilettantisme renanien, du pessimisme de Schopenhauer, du déterminisme de Taine, mais il allait bientôt reconnaître d’autres intercesseurs : Anatole France, qui le confirma dans son paganisme — Le Chemin de Paradis (1894); Barrés et Mistral, qui lui rendirent le sens et l’amour de la petite patrie provençale — L’Etang de Berre (1915); enfin le positivisme d’Auguste Comte, qui offrait au jeune agnostique la possibilité de maintenir un ordre intellectuel et politique sans référence à l’absolu — L'Avenir de l’intelligence (1900). Un séjour en Grèce, au printemps 1895 — Le Voyage d’Athènes (1896-98) et Anthinéa (1901) -permit à Maurras, dans une méditation passionnée de la statuaire classique, de préciser la synthèse déjà ébauchée dans son esprit, cette sorte de redécouverte de la Raison conçue comme un art des sacrifices et un épanouissement de la sensibilité la plus forte dans de rigoureuses mesures — et c’est à partir de cette expérience que l’auteur des Amants de Venise (1902) développera la critique du romantisme passionnel et du romantisme littéraire — Un débat sur le romantisme (1928), Poètes (1923), Barbarie et poésie (1925), etc. Mais cette même année 1895 marque également le début de l’affaire Dreyfus : convaincu de la culpabilité du capitaine, Maurras ne vit dans les campagnes dreyfusiennes contre l’état-major qu’une atteinte à l’armée tout entière, et un cas exemplaire de la primauté de l’individu sur l’État en régime démocratique. Or, le monde entier étant entré dans l'ère des nationalismes, c’est cette réalité de l’État qu’il importe avant tout de restaurer, avec ses conditions essentielles, l’autorité et la durée, c’est-à-dire, selon Maurras, avec l’hérédité et la monarchie. « Ou la France et le roi. Ou point de roi, mais plus de F rance » : tel est le dilemme posé en 1900 par L’Enquête sur la monarchie, qui s’efforça d’intéresser les intellectuels à un royalisme d’une espèce nouvelle, royalisme ni sentimental et traditionaliste comme celui de Chateaubriand, ni mystique comme celui de Maistre, mais tout empirique et même à prétentions scientifiques. Pour Maurras en effet la politique ne se déduit pas de principes religieux, moraux ou philosophiques, elle doit être induite des faits, de l’expérience historique. Huit ans après avoir mené son enquête, Maurras, qui avait groupé autour de lui des hommes comme Léon Daudet, Jacques Bainville, Jules Lemaitre, et qui jouissait de l’appui total de Bourget, de la sympathie plus ou moins réservée de Barrés, de Georges Sorel, lançait le quotidien L’Action française. Sa vie se confondit dès lors avec celle de ce mouvement, marqué par les campagnes pour une préparation militaire de la revanche (1913), puis contre le traité de Versailles (jugé trop favorable à l’Allemagne), contre la politique briandiste d’union européenne, pour une entente avec l’Italie fasciste (1935), en faveur du général Franco (1936-39), pour Munich (1938) et en 1939 contre la déclaration d’une guerre que Maurras jugeait mal préparée. Si l’extrême violence de la polémique de Maurras faisait de celui-ci l’ennemi numéro un du régime républicain, elle contribuait, autant que son tour littéraire (car Maurras avait une manière originale d’appuyer les démonstrations politiques par tous les prestiges de son style et toutes les ressources de sa solide culture), à attirer vers lui de fervents disciples, venus pour la plupart du milieu étudiant. Parmi les écrivains ayant subi l’influence du chef de L’Action française, il faut mentionner des hommes de tempéraments aussi divers que Jacques Maritain, Robert Brasillach, Georges Bernanos, Henri Massis, Pierre Gaxotte, etc. Mais beaucoup d’esprits, éveillés par lui, ne purent supporter l'incontestable étroitesse de son dogmatisme politique et littéraire et se séparèrent de lui, parfois après une douloureuse crise de conscience, comme ce fut le cas pour Maritain en 1926, pour Bernanos en 1932, pour Brasillach en 1941. D’ailleurs l’Église elle-même s’était inquiétée de la séduction exercée sur la jeunesse par les idées maurrassiennes : tout en proclamant son admiration et son respect pour l’Eglise comme principe d’ordre et comme « temple des définitions du savoir », Maurras restait en effet résolument agnostique et même païen, et peu d’esprits ont ainsi réussi à concilier en eux-mêmes autant de sympathie pour Rome et pour l’appareil clérical et autant de répugnance pour l’aspect tragique du christianisme. Non seulement plusieurs livres essentiels de Maurras furent mis à l’index, mais en 1926 Pie XI prononça la condamnation de L’Action française. Ce fut un coup décisif porté à l’action de ce mouvement, qui ne devait plus s’en relever, jusqu’à sa dissolution en 1944, après la condamnation à la prison perpétuelle de Charles Maurras qui, pendant l’occupation, avait donné un appui total à la politique du maréchal Pétain, incarcéré à la prison de Riom, puis à celle de Clairvaux, Maurras fut gracié au printemps de 1952 et se retira alors dans une clinique de Tours. Il revint dans ses derniers moments à la foi catholique (la condamnation pontificale de 1926 avait d’ailleurs été levée par Pie XII en 1939). Il est évidemment trop tôt pour essayer de définir la place qu’occupera Maurras dans l’histoire des idées et de la littérature. Si ses espérances politiques (le rétablissement de la monarchie pour 1950) ont échoué, sa critique de la démocratie — Mes idées politiques (1937) — demeure. On peut se demander en revanche si son esthétique assez raide et sèche n’a pas nui au rayonnement de son œuvre : grec et uniquement grec, de la Grèce apollinienne et non dionysiaque, Maurras a systématiquement et volontairement méconnu les cultures anglo-saxonne, germanique, orientale et, en art, tout ce qui ne fut point la Grèce du Ve siècle et la France du XVIIe. On aurait tort cependant, après une lecture rapide des poèmes de La Musique intérieure (1925), de croire Maurras insensible aux philtres du romantisme; peut-être, au contraire, est-ce parce qu’il en avait d’abord trop profondément subi l’enchantement pendant sa jeunesse qu’il s’est ensuite à tel point raidi dans sa position de défenseur de l’humanisme traditionnel — dans Le Conseil de Dante (1913).

♦ « On a dit : “Pour lui toute pensée se convertit en action.” Cela est un peu injurieux, et d'ailleurs inexact. Il serait plus juste de dire que son système est formé de théories dont la force que représente leur application fait une partie de leur valeur. Son œuvre est une suite de constructions destinées à créer ou à maintenir une harmonie... Qu'importe, pour son œuvre et pour lui, ce qu'il a voulu supprimer ! Charles Maurras est une des plus grandes forces intellectuelles d’aujourd'hui. » André Malraux.

♦ « Le destin temporel d'un homme si cruellement divisé contre lui-même, passionné pour des vérités auxquelles il s’acharne à plier sa pensée, alors que son être les refuse, en refuse la substance éternelle, la réalité profonde, ressemble à l'une des formes les plus cruelles de la damnation en ce monde. » Georges Bernanos.

♦ « On peut penser solidement sans Maurras. On peut exprimer une pensée solide dans une grande langue sans Maurras. Il est l'héritier d'une culture qui tout de même était là, s'il n ’y eût pas été. Mais elle était méconnue, recouverte, et par quoi ! quel recul ! Il est le restaurateur. Ce titre n 'est pas discutable... Il y a un effort vers la clarté, un goût de serrer le réel, une horreur de l'affectation et du verbiage et que je dois à lui et à nul autre. A tout écrivain que j'estime, je souhaite de subir cette influence. » Henry de Montherlant.

♦ « ... ce bel ordre et cette douce vigueur de langage. Une pensée rustique et forte entre sans contrainte dans une forme parfaite et la remplit tout entière. Par une culture grecque, latine, provençale, un esprit a été modelé de telle sorte que l'harmonie de la plus grande prose est son mode d'expression naturel. » André Maurois.

Maurras, Charles (Martigues 1868-Saint-Symphorien-lès-Tours 1952) ; écrivain, journaliste et théoricien politique français. Né dans le midi de la France, élève d’un lycée catholique, M. se montre, lors de l’affaire Dreyfus, l’un des adversaires les plus virulents de la démocratie libérale et parlementaire. Dans le journal ultranationaliste et monarchiste L'Action française, dont il est le fondateur et le directeur, il défend les thèses d’un « nationalisme intégral ». Fasciné par l’ordre et intimement convaincu du primat de la politique, il combat pour la fondation d’un régime monarchique héréditaire, antiparlementaire, anticapitaliste et décentralisé, acceptant l’inégalité comme une évidence naturelle. Mais « nationalisme intégral » et monarchie vont ensemble ; l’un conditionne l’autre (Enquête sur la monarchie, 1900). L’expression « politique d’abord » signifie en fait qu’aucune politique n’est possible sans réforme des institutions républicaines et surtout que la volonté politique doit l’emporter et commander tout système. M. poursuit de sa vindicte la Réforme, la Révolution et le romantisme ; son christianisme se compose avant tout du respect de l’ordre et de la hiérarchie. Le pape Pie XI condamne en 1926 l’Action française, qui recrute toutefois dans les années 1930 des partisans et des sympathisants surtout dans la jeune génération, mais aussi dans l’armée, dans l’administration et plus généralement à droite. Cependant elle n’arrive jamais à former un parti politique ou un mouvement de masse. Inspirée en partie par M., la doctrine de la « Révolution nationale » attire une partie des sympathisants de l’Action française, même si beaucoup parmi les siens avaient choisi la Résistance. À la Libération, M. est lui-même condamné à la prison à vie, mais il est gracié en 1952 peu avant sa mort.

Bibliographie : E. Weber, L’Action française, 1964 ; Y. Chiron, La Vie de Maurras, 1991.

MAURRAS, Charles (Martigues, 1868-Tours, 1952). Écrivain et homme politique français, il eut, à travers le quotidien L'Action française, une influence importante sur la partie la plus conservatrice de l'opinion française. Contre toute pensée romantique, jugée irrationnelle et décadente, Maurras défendit dans ses ouvrages une esthétique néo-classique fondée sur les humanités gréco-latines, le culte de l'ordre et de la raison {L'Avenir de l'intelligence, 1900; Anthinéa, 1901 ; Romantisme et révolution, 1925). Antidreyfusard farouche, principal animateur de L'Action française (1908-1944), il considérait la démocratie comme responsable de la décadence française et se fit l'apôtre d'un « nationalisme intégral » {Mes idées politiques, 1937) et d'un retour à la forme monarchique de l'État comme principe d'ordre. Accusé de se servir de l'Église à des fins politiques, Maurras fut condamné par Rome (1926), cinq de ses livres et son mouvement étant mis à l'index (jusqu'en 1939) par un décret du Saint-Office. Violemment opposé à la fois au monde germanique et anglo-saxon, Maurras, par anticommunisme, soutint le régime de Vichy, dénonçant dans L'Action française les juifs, les francs-maçons, et la Résistance. Pour avoir soutenu Pétain, il fut condamné à la réclusion perpétuelle (1945) et gracié en 1952, peu de temps avant sa mort. Voir Barrés (Maurice), Dreyfus (Alfred), Néo-Classicisme.



Écrivain, théoricien politique et journaliste français. Violemment antidreyfusard, il défendit une doctrine ultranationaliste, royaliste et antidémocratique dans le journal L'Action française, qu'il anima, à partir de 1908, avec Jacques Bainville et Léon Daudet. Ses arguments inspirèrent les Camelots du roi, milices préfigurant les groupes paramilitaires fascistes. En 1926, plusieurs de ses ouvrages furent mis à l'Index et la lecture de L'Action française interdite aux catholiques, ce qui l'éloigna d'une partie de ses fidèles. Maurras, qui montrait des sympathies pour l'Italie mussolinienne, se gagna une nouvelle génération de disciples. Toujours hostile au nazisme en raison de son antigermanisme foncier, il salua le franquisme avec enthousiasme et applaudit l'arrivée au pouvoir de Pétain, dont la « révolution nationale » s'inspira beaucoup des idées maurassiennes. L'Action française put ainsi poursuivre jusqu'en 1944 ses polémiques contre les Juifs et la démocratie. Après la Libération, Maurras fut condamné à la réclusion perpétuelle, mais fut gracié en 1952, peu de temps avant sa mort.

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