Databac

Marcel Arland

Né à Varennes en 1899. Après un bref passage par le professorat, c 'est avec le dadaïsme que Marcel Arland entre en littérature. Collaborateur de la revue Surréalisme (1924), il participe étroitement à la vie de la Nouvelle Revue française aux côtés de Jacques Rivière et de Jean Paulhan à qui le liera une incessante amitié. Puis il se consacre à une œuvre de romancier et critique, obtenant en 1929 le Prix Concourt pour l’Ordre. En 1952, il reprend, à la demande de Gaston Gallimard, la direction de la N.R.F. en compagnie de Paulhan. Depuis la mort de ce dernier, en 1968, Marcel Arland n’a cessé d'animer ce qui est devenu un véritable « monument » des lettres françaises contemporaines. Parmi les écrivains dont l’œuvre se rattache essentiellement au psychologisme social si prisé dans l’entre-deux-guerres, Marcel Arland est l’un de ceux dont les résonances demeurent les plus actuelles. Dans l’Ordre notamment, Arland peint le désarroi moral de la génération d’après-guerre (la première) avec une sincérité et un pessimisme qui n’est pas sans annoncer, de manière presque troublante, le malaise existentiel de la génération de l’autre après-guerre (la deuxième). Les frustrations de l’enfant, les inquiétudes de l’adolescent, les drames du couple, l’impossibilité de la communication entre les êtres enfermés dans le mystère, la terreur, et la mort, tels sont les thèmes de cette œuvre tourmentée. Bien sûr, on y sent, surtout dans les romans, l’influence de Gide et de Mauriac. Mais, toujours à la recherche d’une plus grande rigueur, d’une concision exemplaire, c’est dans la nouvelle qu’Arland va trouver sa meilleure veine. Dans l’Eau et le feu, il atteint à la maîtrise d’un genre qui lui permet d’exprimer « le cri, le balbutiement ou le silence ». Constamment déchirée entre l’ordre et l’anarchie, entre la destruction et le désir d’harmonie, l’œuvre de Marcel Arland est classique et moderne tout à la fois. Et c’est ce qui explique probablement que du roman il ait glissé progressivement et avec bonheur vers le récit autobiographique pour mieux traquer les troubles intérieurs. Romancier d’analyse, Arland demande aussi à la littérature d’être une morale. Dans son introduction au numéro d’octobre 1970 de la NRF, consacré au thème « vie ou survie de la littérature », il redit à nouveau son ambition d’une œuvre quasiment mystique : « une connaissance, une preuve, une réalisation provisoire de nous-mêmes ; dans le désordre, une harmonie ; dans le tourment, une délivrance ; dans la solitude, l’un des hauts moyens de communication. » Sans toutefois y atteindre lui-même, Marcel Arland aura été, du moins, le témoin vigilant de cette aventure propre à la modernité. En mars 1977, Arland a publié un ouvrage de souvenirs Avons-nous vécu ?, dont il affirme que ce sera son dernier livre.

► Principaux titres

Romans, récits : l'Ordre (1929), Antarès (1932), la Vigie (1935), Zélie dans le désert (Gallimard, 1944) Proche du silence (Gallimard, 1973). Avons-nous vécu ? (Gallimard, 1977). Nouvelles : l'Eau et le feu ( 1956), A perdre haleine ( 1960). Œuvre critique : Essais critiques (1931), Marivaux (1950), Nouvelles Lettres de France ( 1954), la Grâce d'écrire ( 1955), Anthologie de la poésie française (1941), Chronique de la peinture moderne (1949). Étude : Arland par Jean Duvignaud (Gallimard).

ARLAND Marcel. Ecrivain français. Né le 5 juillet 1899 à Varennes-sur-Amance (Haute-Marne). On a dit de lui : « Un saint de la littérature. » Et il est vrai qu’il a consacré à la littérature toute sa vie et qu’il en a toujours défendu la conception la plus haute. Le père, de bourgeoisie rurale, adjoint au maire, meurt très jeune, en 1903. L’enfant et son frère sont élevés par la mère, issue de souche paysanne. La vie du village, les champs et les bois alentour vont former la sensibilité d’Arland et tout au long de sa vie, mais aussi de livre en livre, on le verra retourner à Varennes, afin de se soumettre à son jugement et d’y puiser des forces nouvelles. Dès les bancs de l’école, le « merveilleux instituteur » remarque cet esprit rare et indépendant. En 1911, Arland entre au collège de Langres et, tandis que ses succès scolaires se confirment, il découvre sa vocation dans la lecture de Stendhal, de Baudelaire et de Barrés, mais aussi dans l'imitation de Jésus-Christ. Son départ pour Paris, son entrée à la Sorbonne vont donner un tour plus précis à ses ambitions. On lui confie la partie littéraire de l’Université de Paris, revue où il publie ses premiers textes et notes critiques et pour laquelle il obtient la collaboration de Proust, Mauriac et Giraudoux. Élève-aspirant, Arland trouve dans son peloton de futurs écrivains, Dhôtel, Vitrac, Crevel, Limbour, séduits comme il l’est lui-même par le mouvement Dada; il fonde avec leur aide une revue, Aventure, qui aura trois numéros au cours de l’année 1920, puis, après une rupture avec le groupe Breton, Dés. Il se lie avec Malraux duquel le rapproche un amour de la peinture et la conviction que « tout ce qui n’est pas essentiel ne compte pas... ». C’est dans cet esprit qu’est écrit le premier livre d’Arland, Terres étrangères, dont la publication en 1923 lui vaudra l’amitié et l’éloge de Gide, Valéry-Larbaud et Rivière. Il collabore à la Nouvelle Revue Française, où il publie Sur un nouveau mal du siècle, credo littéraire qui constitue une introduction magistrale à l’œuvre à peine entreprise, auquel Arland devait rester fidèle et qui fit grand bruit. « Je ne conçois pas de littérature sans éthique. » Enseigner la littérature, c’est la servir encore : Arland est professeur de lettres à l’Ecole du Montcel jusqu’en 1929. Il y écrit son grand roman, L’Ordre, publié en trois volumes en 1929. Le succès du livre, le prix Goncourt, qui le couronne, assurent son indépendance et lui permettent de se consacrer entièrement à son œuvre. En 1930, il se marie : Janine, peintre, la compagne de sa vie, partout présente dans son œuvre, mais jamais aussi bien que dans Avons-nous vécu ? La même année, ils ont une fille, Dominique. L’œuvre se modifie, se diversifie, prend de l’ampleur, se détourne du roman en faveur de la nouvelle et porte le genre à un sommet rarement atteint. Mobilisé en 1939 près de Nantes, Arland est affecté en Algérie. Démobilisé à la fin de l’année 40, il rentre dans sa maison de Brinville, près de Paris. Drieu La Rochelle sollicite sa collaboration pour la Nouvelle Revue Française dont il vient de reprendre la direction. Arland refuse, s’enferme à Brinville, entreprend différents travaux littéraires, dont une Anthologie de la poésie française (1941), des essais critiques, poursuit son œuvre : Sur une terre menacée (1941), Zélie dans le désert (1944). Après la Libération, Arland déploie une intense activité critique (Table Ronde, Combat, Arts, Gazette de Lausanne), où s’affirment non pas seulement la sûreté de son jugement, son souci unique de la qualité littéraire, sa conception mystique de la littérature et sa combativité à son service, mais aussi une générosité et une écoute singulièrement attentives aux jeunes talents, à toute promesse, même balbutiante, pourvu qu’elle fût pure. Arland conçoit la littérature française comme un tout : assurer la transmission de l’héritage et l’accession des nouvelles générations devient sa préoccupation majeure — v. Essais et Nouveaux Essais critiques (1952). C’est dans cet esprit, presque religieux, qu’il assumera avec Jean Paulhan la direction de la Nouvelle N.R.F. (1953), charge qu’après la mort de ce dernier, en 1968, il assumera seul jusqu’en 1977. Lecteur, critique, directeur de revues, l’œuvre d’Arland, loin de souffrir de la multiplicité de ses activités, se développe et s’enrichit. Ce sont d’abord une suite d’essais « intimes », en partie autobiographiques, où réflexions, impressions et expériences s’entrecroisent avec une singulière harmonie : La Consolation du voyageur (1952), Je vous écris (1960), La Nuit et les Sources (1963), Proche du silence (1973), Avons-nous vécu ? (1977). Ce sont ensuite une série d’essais critiques consacrés à la littérature, Pascal, Marivaux, mais aussi à la peinture, Chroniques de la peinture moderne (1949), de textes consacrés à Georges de La Tour, Rouault, Chagall, Campigli... Surtout, c’est cette forme nouvelle, découverte par Arland et qui convient le plus exactement à l’intensité et à la fluidité de son talent, les grands recueils de récits, L ’Eau et le Feu (1956), A perdre haleine (1960), Le Grand Pardon (1965), Attendez l'aube (1970), où chaque nouvelle, sans perdre son indépendance, est traitée à la manière d’un thème qui doit concourir à l’élaboration et à l’harmonie de l’ensemble. En 1952, Marcel Arland reçoit le Grand Prix de Littérature de l’Académie Française. En 1960, le Grand Prix national des Lettres. En 1968, il entre à l’Académie Française. « Dieu, l’éternel tourment des hommes, soit qu’ils s’attachent à le créer ou à le détruire »... Le jeune écrivain ajoutait : « Entre le miracle et le suicide, il y a place pour une littérature. » Cette littérature sera celle de Marcel Arland et elle aura pour visée ultime, non tant de combler le vide laissé par la perte de Dieu que de constituer une attente à laquelle Il lui faudra répondre à la fin des temps. Cette œuvre tragique qui dénonce dans le bonheur un visage du sommeil demeure pourtant et, de ce fait, parce que tout entière consacrée à l’intensité du moment, du sentiment, de la vie, « louange obstinée du monde ». Toute l’œuvre peut être comprise comme une montée vers la lumière, mais cette ascension serait sans valeur, contraire à la morale qui la fonde — « Je ne conçois pas de littérature sans éthique » — si elle ne partait pas de l’abîme et n explorait pas avec une clairvoyance toujours implacable les zones les plus obscures de l’âme, de la société et de la vie. Car, dans cette montée vertigineuse, Arland n’est jamais seul. Tout un peuple l’accompagne, auquel il appartient — « en route vers le Grand Pardon » — et ce sont d’abord ces paysans parmi lesquels il a grandi — « O mon petit peuple douloureux ! 0 mes humbles compagnons... qui avez perdu l’espoir, mais non le souvenir, de la cite éternelle... » —, violents, âpres, habités encore par la nature et son mystère, mais doués aussi d’une grâce surprenante, essentiellement française et dont Arland — 0 clarté — sera l’exemple accompli. Veuves murées dans le malheur ou le silence, filles trompées, violentées, hommes bafoués, meurtris, mais ouverts, l’espace d’un instant, à une lumière qui vient de la terre natale, « âme en veilleuse » et chacun saisi dans cet instant fulgurant où un être se révèle et découvre sa vérité ou son destin. Chacun solidaire, épaulant l’autre ou le contredisant pour former cette unité d’un peuple en marche vers la lumière. Ainsi s’élabore l’unité des grands recueils de nouvelles, appels et réponses entrecroisés qui acquièrent la solennité d’une procession; où chaque pèlerin résolu à aller au bout de soi-même découvre non « celui-qu’on-ne-peut-atteindre », « mais qu’il suffit de le chercher ». Ce royaume des instants ne parviendrait pas à son harmonie souveraine si Arland n’excellait dans un art difficile : celui des transitions. L’admirable fluidité du récitant rétablit l’ordre dans le chaos qui habite ce talent et où, des ténèbres à la lumière, de l’abîme au sommet, il n’est toujours qu’un pas et l’épaisseur d’un instant. Cette fluidité, cette souplesse, cette grâce, ces rythmes si savants et complexes, ruptures, sauts, retours ne constituent encore que quelques-uns des mérites d’un style exceptionnel par sa qualité. Par lui, la prose est élevée a une hauteur rarement égalée, devient un art autonome ou, comme Arland l’a dit de quelques autres, « un être ». C’est cette prose autant que la générosité humaine de son propos qui font de cette marche vers la lumière une œuvre essentielle, constitutive de notre temps.




ARLAND Marcel 1899-1986 Romancier et nouvelliste, né à Varennes, dans la Haute-Marne. Attiré, un instant, par l’esprit contestataire de la littérature d’avant-garde - et tout particulièrement, du surréalisme -, il en dénonça les excès et les limites, dès 1924, dans l’essai mémorable qu’il intitulait Un nouveau mal du siècle. Sa voie véritable, il la trouvera dans un art raffiné, tout de rétractilité, ou mieux : de violence sourde qui fait merveille dans le récit bref : Les Vivants (1934), Il faut de tout pour faire un monde (1947), À perdre haleine (1960), La Musique des anges (1967), Attendez l’aube (1970). Ainsi le héros du Témoin (dans Les Plus Beaux de nos Jours,1937) regarde au bord de la plage, tout en nageant, ses deux amis restés assis sur le sable, un jeune couple ; et il se sent si comblé par leur bonheur que soudain, le temps d’une très courte folie, il lui semble qu’il va se laisser engloutir dans les vagues. Les romans Antarès (1932), Terre natale (1938) et Zélie dans le désert (1945), ainsi que La Consolation du voyageur (1952), essai qui se double d’une confidence - elles sont rares chez cet écrivain -, s’ajoutent aux réussites subtiles, secrètes mais parfaites, du nouvelliste Marcel Arland.


♦ « Minimum de matière première, distribution des jours et des ombres, équilibre des parties, combinaison et ménagement des effets et des contrastes, recherche de limpidité, de tons assourdis, de dépouillement... Cette technique savante recouvre une sensibilité poétique d'une qualité particulièrement fine et rare. » Valéry-Larbaud. ♦ « On peut dire qu 'il n 'a pas écrit une ligne qui ne tende à préparer une réponse à l'une de ces deux questions : « Qu'est-ce que la vie ? » et « Comment puis-je, comment dois-je diriger ma vie ? » André Malraux. ♦ « Voyez tout ce peuple admirable de villageois et de paysannes qui vont et viennent dans les récits d'Arland. Quelle simplicité, quelle humilité dans leur âme ! Le plus bel orgueil paraît grimace à côté... C’est un trait permanent de cet écrivain, cette confiance en l'homme. » Etiemble. ♦ « L’écriture de Marcel Arland atteint un miracle d'équilibre entre la beauté de ses éléments verbaux et l'inquiétude sans fond qu’elle traduit... » Alain Bosquet. ♦ « A perdre haleine... Dans toute la littérature française, il n'existe pas un plus bel ensemble de nouvelles. » Jacques Brenner. ♦ «Marcel Arland donne à la nouvelle sa pleine valeur de forme littéraire, par la netteté et le resserrement d'une action qui se précise avec rapidité, même si elle évoque des temps et des lieux très différents. Les êtres s’affrontent et les choses fixent leur présence dans un champ limité, non par une mesure conventionnelle, sans doute, mais par la nécessité de répondre à un besoin plus immédiat, à une attente plus exigeante que ceux que suscitent, un roman ou un poème... » Georges Anex.

Liens utiles