Maine de Biran: Force hyperorganique
Force hyperorganique
• Il y a une « force sui juris, hyperorganique et sur-animale par sa nature qui ne peut se manifester en elle-même qu’intérieurement et dans son exercice » (DEA, 133). « Cette force hyperorganique comme hypersensible ne m’étant donnée que dans le sentiment intime et radical qui accompagne son exercice dans l’effort actuel que je crée et dans le mouvement phénoménal qui y est lié, je ne saurais l’imaginer comme la localiser dans aucune partie de mon organisation matérielle, sans en dénaturer l’idée propre » (A, 110).
•• La force hyperorganique est l’élément formel de la dualité primitive qui s’identifie à la conscience. L’introduction du concept de force hyperorganique dans le Mémoire sur la décomposition de la pensée est rendue nécessaire pour Biran au moment où il prend connaissance des divisions que Bichat fait entre les divers modes de la contractilité musculaire et de la sensibilité dans ses Recherches physiologiques sur la vie et la mort. « Nous avons conclu la nécessité d’admettre une force hyperorganique [...] qui par la manière même dont elle se conçoit ou se sent doit échapper à toute représentation » (D, 426). Bichat confond à tort, selon Biran, la contractilité animale et la volonté. Il ne distingue pas les mouvements volontaires qui ne sont pas causés par la volonté mais par « une réaction sympathique » du cerveau à des passions (alors le cerveau est passif ou forcé) et la volonté qui se manifeste comme force propre, sui juris (alors l’action cérébrale suit la volonté). Or, « La motilité animale opère toujours par une réaction sympathique tandis que la motilité libre proprement dite est le premier attribut distinctif et caractéristique de l’homme, dirigé par un principe soi-mouvant » (DEA, 135). Ainsi est tracée la ligne de séparation entre la psychologie et la physiologie. La physiologie peut monter jusqu’aux contractions animales mais elle est « obligée de s’arrêter devant les produits d’une force hyperorganique, sur qui elle n’a aucune prise » (DEA, 139). Il est en effet impossible à la physiologie « de reconnaître par aucune observation des organes externes ou internes quels sont les signes ou les conditions originelles d’une volonté libre qui ne se manifeste qu’à elle-même dans son exercice » (DEA, 132). Tout ce que la physiologie peut faire est de déterminer négativement ces conditions originelles. A l’inverse la psychologie commence par l’expérience de quelque chose de plus que le jeu organique, par l’expérience d’une force intérieure que « nous ne pouvons figurer ou représenter » organiquement : « Il entre dans l’exercice de la volonté appliquée à mouvoir le corps quelque chose de plus que dans les fonctions de l’organisme nerveux et cérébral ; et ce quelque chose de plus, sous quelque titre qu’on l’exprime, devra être considéré comme la part nécessaire d’une force hyperorganique/laquelle sera au cerveau et aux nerfs (quant à l’initiative et à la priorité d’action) ce que ces organes sensitifs et moteurs sont aux muscles contractiles et mobiles » (DEA, 158)
••• En recourant au concept d’une force hyperorganique, Biran trace un partage décisif entre psychologie et physiologie, observation intérieure et observation extérieure, manifestation sui juris et conditions organiques et peut conclure : « La psychologie est tout à fait en dehors des doctrines ou expériences physiques et physiologiques » (RPM, 105).
Liens utiles
- Maine de Biran par Georges Le RoyProfesseur à la Faculté des Lettres de Dijon Pour qui s'arrêterait aux apparences, Maine de Biran ne ferait pas figure dephilosophe.
- Maine de Biran Originaire de Bergerac, François-Pierre Gontier de Biran raccourcit sonprénom en Maine, du nom de la propriété de son père notable.
- Maine de Biran (Marie François Pierre Gonthier de Biran.
- Vous examinerez ce jugement de Maine de Biran : « Les philosophes du xviiie siècle n'ont pas connu l'homme»
- Maine de Biran