LULLE (Raymond)
LULLE (Raymond), théologien espagnol (Palma v. 1235 -Bougie? 1315). C’est une figure très originale pour son temps que celle de ce Majorquin qui, après une jeunesse insouciante, n’hésita pas à quitter femme et enfants pour se consacrer à la mission d’évangélisation des infidèles. Il revêtit l’habit franciscain et se fit tertiaire de l’ordre. Il apprit l’arabe pour pouvoir pénétrer dans les pays musulmans et fonda, avec l’aide du prince qu’il avait servi dans sa jeunesse (Jaime II, devenu roi à Majorque), un couvent pour la formation des missionnaires et l’enseignement des langues orientales : ce fut «Miramar». C’est aussi pour ce motif qu’il alla à Rome voir le pape; plus tard, au concile de Vienne, il demanda la création d’universités spécialisées dans cette tâche. Sa connaissance des philosophies arabes, particulièrement celle d’Averroès, de la kabbale, de l’alchimie, lui permit de chercher une méthode universelle pour l’explication des vérités de la foi chrétienne, ce qui paraissait paradoxal : c’est son Grand Art qui le rendit suspect et le fit considérer comme alchimiste. Prouvant que la croisade pacifique était la plus efficace, il fit de très nombreux voyages plus ou moins aventureux sur presque toutes les rives de la Méditerranée, notamment en Terre sainte, prêchant, écrivant, discutant sans cesse. Lors d’un dernier séjour en Algérie, il fut traité de blasphémateur et lapidé. Emporté mourant par des marins génois, il rendit l’âme en vue de son île natale où il repose en paix. L’œuvre de ce «fou de Dieu» reste très discutée. On lui a attribué toutes sortes d’ouvrages. Poète, il le fut dès sa jeunesse et fut tenté par l’amour courtois, puis sa prédilection franciscaine pour la nature lui inspira des poèmes sur la beauté du monde, vers de louange à l’œuvre de Dieu. Il fut un grand mystique et connut un jour une illumination : il se vit entouré d’une grande clarté, eut une immense compréhension du monde, qui Je dirigea désormais dans ses missions et dans ses écrits. En même temps, il ne cessait d’étudier les langues, les dialectes et les philosophies du monde arabe. Appelé «le Docteur illuminé», il ne fut pas toujours bien compris. La plupart des livres qui lui ont été attribués sont actuellement considérés comme apocryphes. Il faudrait donc opposer ce pseudo-Lulle à l’apôtre des musulmans, que son zèle et son mysticisme ont porté jusqu’au martyre et qui n’a pas encore été canonisé.
Franciscain catalan qui aurait d’abord mené une vie dissipée avant sa brusque conversion (1265). Après avoir appris l’arabe, il se lance en 1292 dans un ardent apostolat pour lequel il entreprend de très nombreux voyages (Rome, Montpellier, Paris, Chypre, la Tunisie). L’ensemble de ses écrits est énorme : plus de deux cents titres divers, à travers lesquels court la volonté de convertir les infidèles.
♦ L’échec des croisades amène Lull à penser que la conversion doit être obtenue, non par la force, mais par la persuasion logique. Il comprend cette dernière comme un mélange de syllogismes traditionnels et de calculs frôlant le symbolisme de la kabbale*. L'Ars magna et major (1274) affirme la possibilité, à partir d’une proposition certaine, d’établir des enchaînements contraignants de « moyens termes » grâce auxquels les conséquences pourront également être certaines. Programme dont Bacon, Descartes, plus tard Leibniz, se souviendront.
Mais Lull combine un étrange mixte de logique classique et de théologie, aboutissant à repérer soixante-douze formes de jugements ; ainsi, on doit pouvoir, sur tout problème, inventer des jugements sans effort : la pensée se ramènerait à un mécanisme - dont les livres de Lull fournissent des illustrations partielles (tableaux à colonnes, disques tournants dans les pages...). Cette méthode serait propre aussi bien à inventer qu’à convertir ou éduquer, l'homme n'ayant pas encore pensé à tous les jugements possibles. Lull l'expérimenta publiquement dans plusieurs villes, et fut traité de fou par le pape Benoît VIII - ce qui ne l'empêcha pas de triompher à Tunis des élèves d'Averroès.
On a pu le qualifier d'« utopiste naïf et génial », mais son influence a été considérable, tant dans le domaine de la propagande religieuse que chez les logiciens encyclopédistes du XVIIe siècle. Sans doute sa tentative - même si elle frôle parfois la folie - correspond-elle en effet à un désir profond de l'esprit humain : la volonté d'éprouver ses limites en développant au maximum ses capacités.
Llull [Lulle], Raymond (v. 1232-1315).
Né à Palma de Majorque dans une famille noble, L. est d’abord page à la cour d’Aragon puis sénéchal de l’infant don Jaime. Vers trente ans, il renonce à la vie de courtisan qu’il a menée jusque-là et se consacre tout entier à la foi catholique et à sa propagation chez les Infidèles, qu’il cherche non seulement à convertir mais aussi à comprendre. Pour cela il se consacre à l’étude du latin et surtout de l’arabe. Il parcourt l’Europe, se rend auprès du roi de France Philippe le Bel et auprès du pape pour essayer de faire accepter ses idées qui sont de fonder des collèges orientaux, où les cultures pourraient se rencontrer, d’opérer un rapprochement avec l’Église grecque, de tenter à nouveau la croisade. Grand voyageur, il se rend dans toutes les villes européennes mais aussi en Afrique où il est fait prisonnier. Mais ni le roi de France, pas plus que le pape ou Frédéric II, auquel il est allé demander d’organiser une rencontre entre chrétiens et musulmans, ne prennent ses projets à cœur. Il part pour Tunis une dernière fois pour prêcher. Lapidé et laissé pour mort, il est recueilli par un navire génois, mais il meurt avant de toucher Majorque. Durant sa vie aventureuse, L. écrit un grand nombre d’ouvrages, des encyclopédies, le Llibre de la contemplacio en Deu, le Llibre de meravelles mais aussi un Traité d'astrologie, et des Principes de médecine. Il est aussi considéré comme un grand poète catalan. Parmi ses poèmes, on peut citer le Plant de Nostra Dona Santa Maria, les Hores de Nostre Dona Santa Maria, Lo Cant de Ramon (écrit en 1299 à Paris).