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Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient Denis DIDEROT, 1749, G.-F.

• Publiée au début de juin 1749, cette lettre publique d'une soixantaine de pages valut à Diderot d'être incarcéré le 24 au château de Vincennes d'où il ne fut libéré que le 3 novembre. Elle contenait en effet des idées qui, à cette époque, passaient pour subversives. • En fonction de la théorie sensualiste, proposée par l'Anglais Locke (Essai sur l'entendement humain, 1690), et qui peut se résumer dans la formule : Il n'est rien dans l'entendement qui n'ait d'abord été dans la sensation, les philosophes portaient alors grand intérêt aux aveugles-nés à qui l'opération de la cataracte rendait la vue. Le problème était de savoir si les images qu'ils découvraient coïncidaient avec leur représentation antérieure du monde. Faute d'avoir pu tirer un enseignement d'une opération pratiquée par l'académicien Réaumur, Diderot rapporte une visite faite à un aveugle-né du Puiseaux, près de Pithiviers, puis évoque le cas du mathématicien anglais aveugle Saunderson (1682-1739). Il examine les différences entre les idées des aveugles et celles des gens qui voient, sur le beau, le bien, Dieu et la création, et constate que la preuve de l'existence de Dieu par la perfection de la création ne joue pas pour un aveugle. Mais il va plus loin. Développant à sa façon les propos tenus à son lit de mort par Saunderson, il lui prête une conception évolutionniste du monde qui aboutit au matérialisme et à l'athéisme : dans le commencement où la matière en fermentation faisait éclore l'univers, mes semblables étaient fort communs. Mais pourquoi n'assurerais-je pas des mondes ce que je crois des animaux? Combien de mondes estropiés, manqués, se sont dissipés, se reforment et se dissipent peut-être à chaque instant [...] ? [...] Cherchez à travers ces agitations irrégulières quelques vestiges de cet être intelligent dont vous admirez ici la sagesse! • On reconnaît déjà Diderot dans ces idées audacieuses et dans cette manière d'en attribuer les développements extrêmes à un personnage réel mais librement interprété, qui lui permet de ne pas les prendre tout à fait à son compte.

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