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LES THÈMES DE L’EXISTENCE MORALE

LES PRINCIPES ET LES VERTUS

Lorsque le sujet moral réfléchit sur les raisons de son action et sur les valeurs ou les vertus que son engagement exprime, il aboutit généralement à une valeur ou à une vertu qui lui semble détenir en puissance toute la moralité et être grosse d’une quantité inépuisable d’actions morales. Ces thèmes de l’existence morale sont pratiquement aussi nombreux que les philosophies morales. Nous passerons en revue les principaux, en les groupant selon la tradition en morales de la raison, morales du sentiment, morales du plaisir, morales de la volonté, et nous verrons qu’en fin de compte, elles expriment toutes la même exigence : l’exigence d’un progrès dialectique de la personne et son ouverture sur un horizon humain. Qu’est-ce qu’être humain ? Entendu en compréhension, ce terme vague implique à la fois l’usage de la raison et le goût de l’ordre universel introduit dans les choses par la raison, les sentiments de sympathie, d’amour d’autrui et de solidarité, le respect de la personne humaine en soi et en autrui, et la force d’âme qui implique : la maîtrise de soi, le courage, la victoire sur les éléments et les forces naturelles de la terre, de la société et de l’égoïsme. « Être-humain » est un inépuisable ; c’est un donné et un idéal, un être-là et un devoir-faire. Rien n’est plus difficile aux humains que d'être véritablement humains et à la moindre occasion l’inhumanité des hommes éclate, et l’homme redevient un loup pour l’homme. Il est souvent surhumain d’être simplement humain et il est paradoxalement vrai de dire avec Nietzsche que l’homme doit se surpasser pour mériter d’être un homme.

Peut-on fonder l'existence morale sur la raison ?

Nous étudierons deux morales rationnelles : celle des stoïques et celle de Kant.

— I — La morale stoïcienne. La morale stoïcienne s'exprime comme la morale épicurienne par la formule: Vivre conformément à la nature. Mais le contenu du concept nature n’est pas le même pour les deux écoles. Pour les stoïciens, la nature de l’homme est son essence spécifique et elle est la raison. Par le logos, le sage stoïcien comprend l’Ordre de l’univers et le logos divin, dont la raison en lui-même est une étincelle La raison est sa participation à l’âme du cosmos, et l’attitude morale du sage stoïcien consiste à supprimer en lui tout ce qui risque de perturber cette raison et, en premier lieu, les sentiments. De là l’impassibilité que le langage courant a retenu dans le mot même de « stoïque », et qui est refus volontaire de toutes les émotions, sentiments et passions. Les servitudes réelles de l’homme lui viennent de son affectivité, liée au corps, aux biens, à l’avoir, aux valeurs sociales, aux événements, c’est-à-dire à tout ce qui ne dépend pas de nous. Le stoïcien (comme le reprendra Descartes dans sa 3e règle du Discours de la méthode) cherche à se changer plutôt qu’à changer le cours des choses, donc agit sur ce qui dépend de lui, c’est-à-dire en premier lieu sur son jugement. L’impassibilité stoïcienne exclut la résignation, si l’on implique dans ce mot une tristesse et un abandon à ce qui arrive, mais elle est résignation si l’on implique dans ce mot l’indifférence envers tout ce qui ne peut pas être notre œuvre directe. « Sustine et abstine » (supporte et abstiens-toi) n’est pas en effet, dans le cadre de la philosophie stoïque, l’expression d’un fatalisme passif. Les maîtres du Stoïcisme (depuis Zenon de Cyttium, Chrysippe, au IIIe siècle avant Jésus-Christ..., puis à Rome. Épictéte au Ier siècle après J.-C. et Marc-Aurèle empereur de Rome..., jusqu’au renouveau stoïcien du XVIIe siècle français : Juste Lipse et Guillaume du Vair qui influencèrent Descartes) recommandent de ne pas réagir, de ne pas participer affectivement aux choses qui arrivent ici-bas sans que notre vouloir ou notre responsabilité soit engagé (si la grêle détruit ma récolte, je n’ai pas à gémir ni à maudire le Ciel ni à me pendre..., j’ai à accepter l’actualité avec une froideur attentive et à tirer la leçon de l’événement pour les années prochaines. Si un être cher est enlevé par la mort, le stoïque reste impassible), et de transformer d’abord notre attitude envers le monde (objectivité, rationalité, maîtrise de soi...) plutôt que de vouloir changer le cours de l’Univers et de l’Histoire. Au contraire c’est par la raison que le stoïque pense participer à la loi et à l’ordre du cosmos. Ainsi l’œuvre dont le sage stoïcien se sent pleinement responsable, c’est l’abandon, le dépouillement de tout attachement particulier à ce qui concerne son corps,

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