Les Rougon-Macquart d'Émile ZOLA, 1870-1892

• Vaste fresque romanesque en vingt volumes dont l'unité est indiquée par le sous-titre : Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire. Zola en a conçu le projet dans l'hiver 1868-1869. Sous l'influence de [Introduction à la médecine expérimentale de Claude Bernard et du Traité philosophique et physiologique de l'hérédité naturelle de Pros-per Lucas, il se propose d'ajouter à la méthode de Balzac, qui procède essentiellement en historien, l'étude des données physiologiques héréditaires dans une famille. La préface du premier volume, La Fortune des Rougon, résume sa conception matérialiste des destinées : [...] la famille que je me propose d'étudier a pour caractéristique le débordement des appétits, le large soulèvement de notre âge, qui se rue aux jouissances. Physiologiquement, ils sont la lente succession des accidents nerveux et sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d'une première lésion organique, et qui déterminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette race, les sentiments, les désirs, les passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives dont les produits prennent les noms convenus de vertus et de vices. Historiquement, ils partent du peuple, ils s'irradient dans toute la société contemporaine, ils montent à toutes les situations, par cette impulsion essentiellement moderne que reçoivent les basses classes en marche à travers le corps social [...]. • L'ancêtre qui a marqué cette famille est Adélaïde Fouque, paysanne provençale névrosée, qui a épousé son domestique Rougon, puis a pris pour amant un contrebandier ivrogne, Macquart (La Fortune des Rougon). La dispersion de ses descendants permet à Zola de peindre la société du Second Empire à tous les niveaux : milieux politiques et financiers (La Curée Son Excellence Eugène Rougon, L'Argent), bourgeoisie (Pot-Bouille)-, monde du commerce (Le Ventre de Paris, Au bonheur des dames)-, prolétariat ouvrier (L'Assommoir, Germinal), peuple des campagnes (La Terre). La courtisane (Nana), l'artiste (L'oeuvre), le prêtre (La Faute de l'abbé Mou-ret) ont place dans cet univers. Le thème de l'hérédité est parfois très estompé comme dans Germinal ou La Débâcle, et le lecteur, sinon Zola, le perd de vue pour s'intéresser à la peinture des milieux. Mais il a toute sa signification dans La Bête humaine où est étudiée la destinée d'un criminel, Jacques Lantier, l'un des enfants de Gervaise (cf. L'Assommoir). Bien que l'univers des Rougon-Macquart soit fort sombre, la foi dans la vie vient souvent l'éclairer. Cette foi est l'ultime leçon du dernier roman, Le Docteur Pascal : L'avenir de l'humanité est dans le progrès de la raison par la science[...], et Zola a souligné sa volonté de terminer sur une image de vie et d'espoir, une mère allaitant son enfant. Zola n'a pas rencontré tout de suite le succès. Il y est parvenu seulement avec L'Assommoir (1876) qui a fait de lui le maître d'une nouvelle école, celle des naturalistes, attachés, à son exemple, aux images humbles et aux vérités crues. • Aujourd'hui, Les Rougon-Macquart sont tenus, malgré l'inégalité des parties, pour une construction romanesque d'une puissance exceptionnelle où le don épique s'allie à l'observation pour animer une vision riche et forte de la société française à son entrée dans l'âge industriel et capitaliste moderne.