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LES ANIMAUX PARLENT-ILS ? (Les représentations du monde - L’homme et l’animal)

LES ANIMAUX PARLENT-ILS ? (Cours de spécialité d’humanités, littérature et philosophie)

Les signes linguistiques sont-ils le propre de l'homme ou bien peut-on parler aussi de langage animal ?

  1. L'abeille et le singe.

  1. L'abeille et la « wagging dance » 

Mode opératoire: observer les abeilles à travers une ruche transparente.

Dans « Vie et moeurs des abeilles » (1955), Karl Von Frisch: les abeilles peuvent se communiquer de l'information à l'aide d'un « système de signes différenciés ». Leurs variétés de danses semblent des signes livrant des informations sur la nature, la direction et la distance du butin (pollen). Von Frisch remarque, par exemple, qu'un pot de miel peut rester en plein air des jours entiers sans attirer leur attention. Mais si une seule d'entre elles (éclaireuse) le découvre, au bout de très peu de temps, des douzaines, puis des centaines de ses compagnes de ruche arrivent sur place pour participer au butin.

Les éclaireuses se livrent pour cela à deux sortes de danse. L'une se fait en cercle et annonce que l'emplacement de la nourriture doit être cherché à une faible distance dans un rayon de cent mètres environ de la ruche. L'autre que l'abeille accomplit en frétillant et en décrivant des huit indique que le point est situé à une distance supérieure, au-delà de cent mètres et jusqu'à six kilomètres.

Les travaux de ce savant biologiste ont finalement abouti à montrer que l'abeille peut, à l'aide de ces danses en « 8 », livrer quatre informations à celles de ses congénères qui lui emboîtent le pas (celles-ci maintiennent leurs antennes en contact avec l'abdomen de la danseuse). La danseuse leur indique en effet :

Signifiant: synonyme d'image acoustique: le signe dans sa matérialité. Le son entendu, le signe tracé concrètement.

Signifié: Synonyme de concept, de sens. Le sens auquel il renvoie dans la pensée de celui qui l'émet ou le perçoit.

Le symbole linguistique (= le mot) associe l'idée de la chose (l'idée d'arbre, par exemple) ou signifié avec ce que Saussure appelle l'« image acoustique « ou signifiant (en latin : arbor ; en français : arbre; en anglais : tree ; etc.).

https://1000-idees-de-culture-generale.fr/langue-saussure/

Le mot est donc « une entité psychique à deux faces « (« Cours de linguistique générale », 1915) : il est l'unité du signifiant et du signifié.

Le signifiant est un son (s'il s'agit du langage parlé), les couleurs (s'il s'agit d'un dessin en couleur), les caractéres d'imprimerie et la mise en page (s'il s'agit d'un texte écrit). " Lan " est un signifiant, par exemple, et il deviendra " signifié " (il prendra un sens) selon sa position et son contexte, comme dans les phrases telles que " Il s'approche à pas lents ,,, ou " L'envie lui vint de se balancer ''·

En entendant un signifiant tout seul, vous avez une certaine quantité de signifiés possibles. Le signifié est donc le sens s'ajoutant au signifiant. Il n'y a pas de signifié sans signifiant. Les couleurs et le papier deviennent un signifié lorsqu'elles s'organisent et se disposent pour constituer un tableau ou un dessin, dans un ensemble de rapports spatiaux qui, lui, fait apparaître un sens.Lorsque vous entendez parler quelqu'un dans une langue que vous ignorez, vous ne recevez que des signifiants (des sons et des sonorités sans signification pour vous).

Le signe linguistique est conventionnel et culturel: Aucun rapport entre le son [soer] et le concept: « sœur », fille née de la même mère que moi.

Il est équivoque, sa signification n'est pas unique, mécanique. Le signifiant renvoie à plusieurs signifiés: « Cet avocat est pourri. ». Selon le « référent » (= le contexte), cette phrase prendra un sens particulier et précis.

Par exemple, chaque cri d'un oiseau exprime un besoin ou une situation précise en juxtaposant ses signaux. S'il a à sa disposition 10 coassements différents, il peut exprimer 10 messages différents (faim, besoin sexuel, danger, peur, attaque, douleur physique...), mais pas d'avantage, contrairement à l'être humain qui grâce à la combinaison des sons peut fabriquer des messages en nombre infini.

Émile BENVENISTE, 1962

« Le mode de communication employé par les abeilles n'est pas un langage, c'est un code de signaux.

Jusqu'ici nous trouvons, chez les abeilles, les conditions mêmes sans lesquelles aucun langage n'est possible, la capacité de formuler et d'interpréter un « signe » qui renvoie à une certaine « réalité », la mémoire de l'expérience et l'aptitude à la décomposer. (…)

Mais les différences sont considérables et elles aident à prendre conscience de ce qui caractérise en propre le langage humain. Celle-ci, d'abord, essentielle, que le message des abeilles consiste entièrement dans la danse, sans intervention d'un appareil « vocal », alors qu'il n'y a pas de langage sans voix. (…)

Une différence capitale apparaît aussi dans la situation où la communication a lieu. Le message des abeilles n'appelle aucune réponse de l'entourage, sinon une certaine conduite, qui n'est pas une réponse. Cela signifie que les abeilles ne connaissent pas le dialogue, qui est la condition du langage humain. (…)

On n'a pas constaté qu'une abeille aille par exemple porter dans une autre ruche le message qu'elle a reçu dans la sienne, ce qui serait une manière de transmission ou de relais. On voit la différence avec le langage humain, où, dans le dialogue, la référence à l'expérience objective et la réaction à la manifestation linguistique s'entremêlent librement et à l'infini. L'abeille ne construit pas de message à partir d'un autre message. Chacune de celles qui, alertées par la danse de la butineuse, sortent et vont se nourrir à l'endroit indiqué, reproduit quand elle rentre la même information, non d'après le message premier mais d'après la réalité qu'elle vient de constater. (…)

Si nous considérons maintenant le contenu du message, il sera facile d'observer qu'il se rapporte toujours et seulement à une donnée, la nourriture, et que les seules variantes qu'il comporte sont relatives à des données spatiales. Le contraste est évident avec l'illimité des contenus du langage humain. De plus, la conduite qui signifie le message des abeilles dénote un symbolisme particulier qui consiste en un décalque de la situation objective, de la seule situation qui donne lieu à un message, sans variation ni transposition possible. Or, dans le langage humain, le symbole en général ne configure pas les données de l'expérience, en ce sens qu'il n'y a pas de rapport nécessaire entre la référence objective et la forme linguistique. (…)

Un dernier caractère de la communication chez les abeilles l'oppose fortement aux langues humaines. Le message des abeilles ne se laisse pas analyser. Nous n'y pouvons voir qu'un contenu global, la seule différence étant liée à la position spatiale de l'objet relaté. Mais il est impossible de décomposer ce contenu en ses éléments formateurs, en ses « morphèmes », de manière à faire correspondre chacun de ces morphèmes à un élément de l'énoncé. Le langage humain se caractérise justement par là. (…)

L'ensemble de ces observations fait apparaître la différence essentielle entre les procédés de communication découverts chez les abeilles et notre langage. Cette différence se résume dans le terme qui nous semble le mieux approprié à définir le mode de communication employé par les abeilles ; ce n'est pas un langage, c'est un code de signaux. Tous les caractères en résultent ; la fixité du contenu, l'invariabilité du message, le rapport à une seule situation, la nature indécomposable de l'énoncé, sa transmission unilatérale. Il reste néanmoins significatif que ce code, la seule forme de « langage » qu'on ait pu jusqu'ici découvrir chez les animaux, soit propre à des insectes vivant en société. C'est aussi la société qui est la condition du langage. »

Émile BENVENISTE, « Problèmes de linguistique générale », Gallimard, coll. Tel, 1976, p. 60-62.

  1. Le singe

Tenter d'apprendre à des animaux et plus particulièrement à des singes le langage de l'homme.

Les Premack (John et Mary) mettent à la disposition de leur chimpanzé, Sarah, un matériel symbolique artificiel et simple: des petites pièces de plastique aimanté qui se plaquaient sur un tableau magnétique. En fct de leur forme et leur couleur, ces pièces représentaient:

Sarah sera capable de faire des phrases de ce type:

Idem couple Gardner (Beatrice et Allen) aux États-Unis - Nevada): Faire acquérir à une jeune guenon chimpanzé dénommée Washoe le langage des signes des sourds-muets américains.

Les performances de Washoe:

http://www.futura-sciences.com/planete/actualites/zoologie-washoe-guenon-parlait-morte-13440/

  1. Descartes contre Montaigne

Les animaux parlent-ils conne nous nous parlons ? Sont-ils doués de cette faculté de langage ? Peut-on comparer les performances linguistiques de l'homme et de l'animal ? Pour répondre à ces questions, faisons un retour à la philosophie et au débat entre Montaigne et Descartes.

Citation : « C'est par la vanité de cette même imagination qu'il [l'homme] s'égale à Dieu, qu'il s'attribue les conditions divines, qu'il se trie soi-même et sépare de la presse des autres créatures, taille les parts aux animaux, ses confrères et compagnons, et leur distribue telle portion de faculté et de force que bon lui semble. Comment connaît-il par l'effort de son intelligence les branles internes et secrets des animaux ? Par quelle comparaison d'eux à nous conclut-il la bêtise qu'il leur attribue ?» (Essais, 1580, livre II, chap. 12.).

Explication : Toute la tradition aristotélicienne, et le christianisme à sa suite, attribuait à l'homme seul une âme rationnelle qui faisait de l'homme le supérieur de tous les animaux. Montaigne montre ce qu'il y a d'irrationnel dans cette certitude. Comment saurait-on en effet ce qui se passe dans l'esprit des animaux ? C'est sa vanité et son imagination qui rendent l'homme si présomptueux, et il appelle même la présomption « notre maladie originelle » : Notre ANTHROPOCENTRISME.

L'homme ne possède pas le monopole de l'intelligence mais il la partage avec d'autres animaux, selon des degrés différents. Leur capacité de parler est si grande que les bêtes "s'entr'entendent", comme dit Montaigne, se comprennent non seulement à l'intérieur d'une même espèce mais encore d'une espèce à l'autre. Il attribue donc à la communication animale pleine valeur de langage : « Qu'est-ce autre chose que parler, cette faculté que nous leur voyons de se plaindre, de se réjouir, de s'entr'appeler au secours, se convier à l'amour, comme ils font par l'usage de leur voix ? ». Et si nous ne comprenons pas les animaux, ce n'est pas que les bêtes n'ont pas le langage mais qu'elles et nous ne parlons pas la même langue, quant à « ce défaut qui empêche la communication entre eux et nous, pourquoi ne serait-il pas autant le nôtre que le leur ?(…) Nous ne les comprenons pas plus qu'ils ne nous comprennent. C'est pourquoi ils peuvent tout autant nous estimer bêtes que nous le faisons. » … Affirmation d'une continuité entre les vivants et non la supériorité de l'homme sur l'animal. Montaigne contredit l'affirmation judéo-chrétienne d'une unité et d'une séparation de la nature humaine.

Montaigne va même jusqu'à reconnaître une obligation de « respect », un « général devoir d'humanité non aux bestes seulement qui ont vie et sentiment, mais aux arbres mêmes et aux plantes. ». Montaigne, antispéciste et écologiste, nous met en garde contre la tendance humaine à l'anthropocentrisme comme en témoigne cet extrait touchant : « Quand je joue avec ma chatte, dit-il encore, qui sait si ce n'est pas elle qui s'amuse avec moi plutôt que moi ave elle ? Nous nous divertissons de singeries réciproques. Si j'ai mes heures pour commencer ou pour refuser, elle a aussi les siennes. ». Montaigne reconnaît aimer la chasse à courre mais déteste tuer des bêtes innocente et sans défense.

Mais la thèse de Montaigne inquiète lorsqu'il en vient à placer certains hommes au-dessous de certaines bêtes ! À l'inverse, Descartes, un siècle plus tard, sera méprisant et cruel envers les animaux, certes, puisqu'il établira une coupure radicale entre les animaux et les hommes. Mais, du coup, Descartes affirmera que le bon sens est la chose du monde la mieux partagée entre les hommes, ce qui est quand même la première profession de foi démocratique de l'histoire.

Est dualiste toute théorie selon laquelle la réalité se compose de deux substances absolument hétérogènes (par ex., le dualisme cartésien du corps et de l'âme, le dualisme platonicien du sensible et de l'Intelligible). Opposé à monisme (Epicure, Spinoza, Schopenhauer, Nietzsche, Marx).

La différence entre le langage humain et communication animale n'est pas seulement de degré dans le fait que le langage animal est moins complexe que l'humain mais plutôt de nature, parler c'est avoir l'intention de signifier quelque chose, c'est penser ce qui n'est pas le cas des animaux.

Le perroquet peut très bien proférer des paroles mais ne sait pas ce qu'il dit, il ne le comprend pas. Le "langage" du perroquet ou PSITTACISME = répétition d'une succession de sons sans en comprendre le sens, un peu comme un caméléon pour les couleurs ou un magnétophone pour les sons. Ce n'est pas un langage, mais un simple mimétisme.

Soutenir que le langage est le propre de l'homme, ce n'est pas faire injure au monde animal. C'est seulement faire valoir que parmi tous les systèmes de communication, celui des êtres humains comporte des caractères particuliers et indissociables des autres caractéristiques humaines. Cette thèse est formulée par Descartes dans « Le langage, signe de la pensée ». Pour lui, c'est par l'âme que l'homme se distingue des bêtes. L'action de l'âme consiste dans la pensée, et le langage en est la manifestation. L'homme parle parce qu'il pense.

Dans une remarquable définition, il, montre que le langage ne doit pas être assimilé à la communication, le caractérise par l' « à-propos », la pertinence qui témoigne de la liberté du jugement, et par le recul que donne le signe linguistique. Le langage est bien le propre de l'homme et si les animaux ne parlent pas, c'est faute de penser et non faute de moyens de communication, comme le prouve le fait qu'ils savent fort bien exprimer leurs passions.

Descartes, Lettre à Newcastle : pourquoi les animaux ne parlent pas?

" Enfin, il n'y a aucune de nos actions extérieures, qui puissent assurer ceux qui les examinent, que notre corps n'est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, exceptées les paroles, ou autres signes, faits à propos de ce qui se présente, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos, pour exclure le parler des perroquets sans exclure celui des fous, qui ne laisse pas d'être à propos des sujets qui se présentent, bien qu'il ne suive pas la raison ; et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux ; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse, lorsqu'elle la voit arriver, ce ne peut être qu'en faisant que la prolation de cette parole devienne le mouvement de quelqu'une de ses passions ; à savoir, ce sera un mouvement de l'espérance qu'elle a de manger, si l'on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise, lorsqu'elle l'a dit ; et ainsi toutes les choses qu'on fait faire aux chiens, chevaux et aux singes ne sont que des mouvements de leur crainte, de leur espérance, ou de leur joie, en sorte qu'ils les peuvent faire sans pensée. Or, il est, ce me semble, fort remarquable que la parole étant ainsi définie, ne convient qu'à l'homme seul. Car bien que Montaigne et Charron aient dit qu'il y a plus de différence d'homme à homme, que d'homme à bête, il ne s'est toutefois jamais trouvé aucune bête si parfaite qu'elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d'autres animaux quelque chose qui n'eût point de rapport à ses passions, et il n'y a point d'homme si imparfait qu'il n'en use ; en sorte que ceux qui sont sourds et muets, inventent des signes particuliers, par lesquels ils expriment leurs pensées. Ce qui me semble un très fort argument, pour prouver que ce qui fait que les bêtes ne parlent point comme nous, est qu'elles n'ont pas de pensées, et non point que les organes leur manquent. Et on ne peut pas dire qu'elles parlent entre elles, mais que nous ne les entendons pas ; car, comme les chiens et quelques autres animaux nous expriment leurs passions, ils nous exprimeraient aussi bien leurs pensées, s'ils en avaient."

Existe-t-il une preuve à la fois visible et irréfutable de la présence en nous de la faculté de penser? Existe-t-il, a contrario, des preuves tout aussi certaines de l'absence de cette faculté chez les autres animaux? A ces questions, la philosophie rationaliste propose une seule et même réponse : seuls les hommes parlent et manifestent, ce faisant, l'existence en eux d' « une âme qui a des pensées ».

1. Constat : les hommes se servent de paroles pour communiquer entre eux.

2. Analyse : alors que les animaux n'expriment que des besoins, des sentiments ou des « passions », les hommes sont en plus capables de se communiquer les uns aux autres leurs pensées.

3. Deux types d'objections sont possibles mais faciles à rejeter:

a) Certains oiseaux sont capables comme nous d'articuler des sons; mais il faut les dresser pour qu'ils parlent. Ce qu'ils disent n'est donc sensé qu'en apparence, puisqu'en réalité ils ne font que réagir à des stimuli sans rapport avec le contenu des paroles qu'ils répètent mécaniquement.

b) Les fous et les sourds-muets sont différents des autres hommes: en apparence seulement. Ceux-ci disposent de systèmes de signes particuliers pour exprimer leurs pensées, ceux-là tiennent de véritables discours, même lorsque leurs propos sont à nos yeux déraisonnables.

Exemple du paranoïaque qui va interpréter le réel de manière délirante, idem pour le jaloux pathologique [*].

4. Conclusion : le langage, indissociable de la pensée, est donc bien le critère fondamental de l'humanité.

[*]: Notes sur la jalousie: Pourquoi ne serait-on pas jaloux d'une table?!

Freud: « Sur quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l'homosexualité » :

« Sur la jalousie normale il a peu de choses à dire du point de vue analytique. Il est facile de voir qu'elle se compose essentiellement du deuil, de la douleur causée par l'objet d'amour que l'on croit avoir perdu, et l'humiliation narcissique, pour autant que ce dernier élément se laisse séparer des autres; elle comprend encore des sentiments hostiles dirigés contre le rival qui a été préféré, et un apport plus ou moins grand d'auto critique qui veut rendre responsable le moi propre de la perte d'amour. »

Proust: « Il vaut mieux ne pas savoir, penser le moins possible, ne pas fournir à la jalousie le moindre détail concret. »

  1. Dualistes (spécistes) contre Continuistes (ou gradualistes,

LES DUALISTES, PARTISANS DE LA FRONTIERE HOMME-ANIMAL (spécistes)

LES CONTINUISTES, OPPOSANTS À LA FRONTIERE HOMME-ANIMAL (anti-spécistes)

LA GENESE: C'est dans l' « Ancien Testament » qu'on trouve, avec la Création, le fondement théologique de la séparation entre l'homme et l'animal. Au quatrième jour. Dieu crée les animaux aquatiques et les oiseaux ; au cinquième jour, les animaux terrestres. Le lendemain, « Dieu dit: Faisons l'homme à notre Image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer; sur les oiseaux du ciel sur le bétail sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre » (1. 20-27).

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sp%C3%A9cisme#Arguments_religieux

ARISTOTE (384-322 av. J.-C.): Pour les Grecs antiques, tout ce qui vit est pourvu d'un principe vital, la « psyché », terme que nous traduisons par « âme », du latin anima, d'où dérive « animal ». Dans le « Traité de l'âme », Aristote explique que la plante, qui n'est capable que de se nourrir et de se reproduire, est douée d'une lime végétative; l'animal, qui possède sensation, désir et mouvement, a une âme sensitive; l'homme, enfin, a une pensée, donc une âme intellective. De la plante à l'animal et à l'homme, il y a à la fois continuité et hiérarchie. De plus, l'homme appartient aux espèces grégaires et se donne une organisation sociale, c'est pourquoi il est un « animal politique » (« Politique »).

LE STOICISME: Pour les stoïciens, l'homme

est capable d'actions produites par sa raison et sa volonté, alors que l'animal est toujours contraint par la nécessité naturelle, par l'« instinct ». Certes, capable de sensations, l'animal reste exclu, de Chrysippe à Sénèque, de la société des êtres de raison qui regroupe les hommes et les dieux.

PLUTARQUE (50-125): Il s'est opposé aux théories stoïciennes sur la prééminence de l'homme. D'après ses observations, les animaux font des actions qui témoignent d'une intelligence et d'une réflexion similaires à celles de l'homme. Dans le dialogue « Que les bêtes brutes usent de raison » (Œuvres morales), Il conclut à la supériorité de celles-ci sur le plan de la fidélité, de la tempérance ou encore de l'amour pour leur progéniture.

RENE DESCARTES (1596-1650): Jusqu'à Descartes, personne ne nie que les bêtes aient

une âme : la querelle porte sur la faculté de l'âme des bêtes à accéder aux plus hautes fonctions de la raison humaine. Chez Descartes, l'âme n'a plus de fonction vitale, son seul attribut est la pensée. Il assimile donc les animaux à des machines très sophistiquées, produites par Dieu. Seul l'homme est doué d'une raison, dont la parole est la manifestation.

MONTAIGNE (1533-1592): Dans son « Apologie de Raymond Sebond » (« Essais » Il, 12), Montaigne remet en cause la prétendue supériorité de l'homme sur les animaux et évoque la profonde parenté entre les deux règnes. Il soutient que les bêtes manifestent une certaine capacité à apprendre, à raisonner, et même à discourir. En attestent l'habileté avec laquelle l'araignée tisse sa toile ou l'aisance avec laquelle le merle siffle.

EMMANUEL KANT (1724-1804): Dans la « Critique de la raison pratique », Emmanuel Kant fait de la moralité le critère de la différence radicale qui sépare l'homme de l'animal. L'homme, contrairement l'animal, est capable de choix rationnel et d'action morale. Kant fonde l'humanité sur la loi morale, qui est comme la marque de Dieu en l'homme et lui confère sa dignité.

CHARLES DARWIN (1809-1882): Onze ans après De l'origine des espèces (1859), qui fonde

la théorie de l'évolution et de la sélection naturelle, Charles Darwin provoque de vives polémiques en publiant « La Filiation de l'homme ». Il s'appuie sur des comparaisons anatomiques pour démontrer le rattachement généalogique de l'homme à la série animale. et sa filiation à partir d'un ancêtre lié aux singes catarhiniens de l'Ancien Monde.

MARTIN HEIDEGGER (1889-1976):

L'homme n'est pas un animal « plus » (langage, raison…), c'est un existant, « toujours déjà » projeté dans un monde. L'animal reste

« pauvre en monde », qui ne se représente pas

le monde dans son ensemble, mais évolue

dans un « environnement ». « La pierre est

sans monde, l'animal est pauvre en monde,

l'homme est configurateur de monde » (« Les

Concepts fondamentaux de la métaphysique »).

SIGMUND FREUD (1856-1939): Dans « Malaise dans la civilisation », la séparation de l'homme d'avec son animalité se poursuit encore. Nous sommes toujours, pour Freud, des animaux. Ce processus inachevé de « désanimalisation », ce processus de civilisation, passe par un refoulement de plus en plus fort de nos pulsions. Indispensable à une vie citadine, à la division du travail et à l'économie de marché, ce renforcement du surmoi a son envers : l'intériorisation des contraintes produit culpabilités et névroses.

Conclusion: Descartes a sans doute sous-estimé les aptitudes des animaux. Montaigne a sans doute surestimé les performances animales.

On reste loin chez Sarah de la volubilité du langage humain. Peu d'initiative symbolique chez les chimpanzés. Sarah et Washoe vont laborieusement d'apprentissage en apprentissage. On la récompense lorsqu'elle forme une phrase correcte sur son tableau magnétique. Peut-être la punit-on?

Il est vrai que, devant le triangle bleu (le « mot » pour la pomme), Sarah réussit à choisir les jetons indiquant la rougeur, la rondeur et la présence d'une queue, alors que le symbole de la pomme ne possède aucun de ces traits : elle se représente bien certaines caractéristiques de l'objet quand elle a affaire à son symbole, qui fonctionne donc comme un substitut représentatif. Mais en irait-il de même pour tous les jetons qu'elle manipule, en particulier, pour ceux qui correspondent à des abstractions d'un ordre supérieur ? Concepts moraux, métaphysiques ou esthétiques. Le langage animal reste très pauvre et limité, sans aucune possibilité d'abstraction.

Ni les Premack ni les Gardner n'ont prétendu assimiler les systèmes de communication maîtrisés par les singes au langage proprement dit. Des recherches comme celles que nous avons mentionnées établissent la présence chez certains primates de capacités de représentation et de communication bien plus déliées que celle qu'on leur prêtait habituellement. Elles montrent que le langage humain se développe sur un terrain auquel ne sont pas étrangers les animaux les plus proches de nous, sans faire disparaître pour autant son originalité spécifique. Existence chez les mammifères supérieurs d'une protoculture, d'un protolangage. Il n'en demeure pas moins que parler de langage animal est bien un abus de langage. L'expression « langage humain » est redondante.

Le langage n'est jamais qu'une propriété de la pensée. Il en exprime une des caractéristiques essentielles.

 

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