LE, LES (étymologie)
LE, LES, comme la (voir ce mot) sont soit des pronoms, soit des articles. Ces mots sont des formes proclitiques, c'est-à-dire non accentuées, employées en liaison avec un mot qui les suit (nom ou verbe, par exemple), sur lequel elles s'appuient comme pour former un seul mot portant un seul accent : le mur, je le vois. Ils ont été empruntés au pronom démonstratif latin (illum, illam, illos) et sont devenus en français, devant les noms, des articles, alors que les articles n'existaient pas en latin. Les est un affaiblissement de los = «(il)los». Même fait avec mes, tes, ses pour mos, tos, sos. Le pronom le, placé comme complément derrière un impératif, est devenu accentué (prend-le!) alors qu'il était autrefois enclitique : il s'appuyait sur prends, qui le précède (alors que le proclitique s'appuie sur le mot qui suit, l'enclitique s'appuie sur le mot qui précède). Quand le était enclitique, il pouvait encore s'élider, et Molière pouvait écrire sans entorse aux règles du rythme poétique Prenez-l(e) un peu moins haut, alors qu'aujourd'hui son vers serait faux : l'hémistiche aurait sept syllabes et un hiatus. La langue française ne connaît plus d'enclitiques sauf je dans certains cas (dis-je). Ilium murum (cas régime latin du pronom démonstratif ille) a donné en bas latin illu muru. L'accent s'est porté sur la seconde syllabe lu, entraînant la disparition de la première. D'où : lu muru. L'accent a même disparu de lu, se reportant sur le mot auquel lu s'appuie (muru). Lu s'est ainsi affaibli, passant à lo, puis à le. Par contraction avec des prépositions, on obtient des formes comme des (de les), au (à le), etc. Le même emploi proclitique explique le démonstratif ce, non accentué, affaiblissement de l'ancien français ço = « (ec)ce-hoc».