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L'AN QUARANTE

« S 'en moquer comme de l 'an quarante » est une expression proverbiale dont l'origine n'est pas élucidée et dont, par conséquent, le sens n 'est pas clair. De quel an quarante parle-t-on ? La seule certitude est qu 'il ne s 'agit pas du tragique été de 1940. Celui-ci inspirerait plutôt la colère et les larmes que l'indifférence. L ' expression est d'ailleurs beaucoup plus ancienne. C'est ici qu 'interviennent les étymologistes pour nous dire qu 'il faut comprendre que l'an quarante serait une altération de l'alcoran. L 'al-Qur'an (lecture), francisé en Coran, est le livre où le musulman se doit de lire l 'enseignement de la religion comme le juif ou le chrétien lisent la Bible (biblos = « livre»). Mais beaucoup refusent cette interprétation... coranique, malgré une allusion contenue dans une lettre écrite en 1748 par une correspondante du philosophe Helvétius. Ladite personne, Madame de Graffigny, écrit en effet : « Quoique je n'y croie pas plus qu'à l'Alcoran... » Cependant ne pas croire ne signifie pas nécessairement se moquer. Nous pouvons à tout le moins nous approcher d'une explication en signalant l'importance du nombre quarante dans la culture humaine. Il a quelque chose de sacré, caractère qui remonte bien avant l'invention de l'Académie française avec ses quarante fauteuils. Quarante jours, ce fut par exemple la durée du jeûne que le Christ s'imposa dans le désert avant le commencement de sa vie publique. On citerait de multiples autres témoignages qui inclinent à penser que le quarante de notre proverbe est bien... un an quarante. Ce serait, paraît-il, l'an 1840. Dans cette période assez dure de notre histoire, après de redoutables épidémies, en un temps où la société était troublée par de fréquents mouvements de révolte populaire, les pauvres gens s'attendaient, déjà ou une fois de plus, à la fin du monde. La date fatidique étant passée, les esprits plus sereins auraient exorcisé rétrospectivement leur peur en la tournant en dérision.