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La musique dans la Grèce antique

musique. Elle occupait la plus grande place dans les manifestations de la vie grecque. Nous en connaissons les éléments grâce aux ouvrages ou aux fragments qui nous ont été conservés des théoriciens. Aristoxène de Tarente (ive s. av. J.-C.) a laissé des Éléments harmoniques en trois livres, et des fragments sur « le Rythme » ; Plutarque (IIe s.) est l’auteur d’un Traité de la musique; le Traité de la musique d’Aristide Quintilien (IIe s.) est le plus important ouvrage sur la musique grecque que nous possédions; c’est par l'Introduction à la musique d’Alypios (ive s.) que nous connaissons le procédé d’annotation des Grecs. Claude Ptolémée a aussi composé un traité d’harmonie. Par ailleurs, l’archéologie nous a rendu quelques fragments d'œuvres : deux hymnes delphiques à Apollon, une épitaphe, l’hymne au Soleil, de Mésomède de Crète (IIe s.), cinq fragments de préludes citharodiques (Ier s.), quelques lignes du chœur de l'Oreste d’Euripide. La notation, assez complexe, se faisait avec vingt-quatre lettres de l’alphabet ionien ou quinze signes issus d’un alphabet primitif, selon qu’on voulait annoter de la musique vocale ou instrumentale. C’est d’Asie Mineure que les Grecs reçurent leurs éléments musicaux. Terpandre de Lesbos (viie s. av. J.-C.) est considéré comme le père de la musique grecque ; le premier, il classa les mélodies populaires et, après les avoir constituées en système régulier, inventa une notation et fixa les modes et les genres ; il fut appelé par les Spartiates pour régler la technique des chœurs. Il est le créateur de la citharodie, genre dans lequel le musicien chante en s’accompagnant de la cithare, et qui fut porté à sa perfection par Phrynis et par son brillant élève Timothée de Milet (446-357 av. J.-C.). Sparte était le grand centre dorien de la musique; après Terpandre, Thalétas de Gortyne fixa à Sparte les rapports de la danse et de la musique; Polymnestos de Colophon (v. 660 av. J.-C.), installé à Sparte, y apporta l’aulodie, musique de flûte accompagnée de chant. Vers la même époque, Alcman, d’origine lydienne, mais naturalisé Spartiate, y introduisit le lyrisme choral. Cette musique ignorait la polyphonie; la mélodie était chantée à l’unisson, accompagnée par l’aulos et la cithare; Alcman donna une forme savante aux chants populaires et à la poésie chorale, raison pour laquelle on en fait le père du lyrisme choral. L’Athénien Tyrtée, pendant la deuxième guerre de Messénie, vint enfin apporter à Sparte les mâles hymnes militaires qui relevèrent le courage des guerriers. C’est toujours au cours de ce fécond VIIe s. av. J.-C. qu’Archiloque de Paros inventa le mélodrame en s’accompagnant d’un instrument pour déclamer et non chanter ses vers iambiques ; c’est la parakatalogê qui, d’abord isolée, fut introduite ensuite dans la tragédie et le dithyrambe. Olympos, musicien originaire de Phrygie (peut-être son nom cache-t-il une confrérie ou un groupe de musiciens phrygiens) introduisit l’aulétique, genre dans lequel l’aulos était joué en solo ; il fut inscrit en 582 aux jeux Pythiques ; Olympos est l’inventeur du mode armatien, mélopée plaintive jouée sur la flûte. Le lyrisme choral fut perfectionné et illustré par Clonas, Stésichore, Ibycos, Bacchylide et surtout par Simonide et par Pindare, dont les odes triomphales (Épinicies) étaient chantées. Car les poètes grecs dont nous possédons encore les poèmes ne nous révèlent par ceux-ci qu’un aspect de leur génie; poètes d’une part, ils étaient aussi musiciens et écrivaient eux-mêmes la musique qui accompagnait leurs poèmes, que ceux-ci fussent chantés (lyrisme) ou déclamés avec accompagnement musical (mélodrame). Ainsi, la tragédie et la comédie connaissaient des intermèdes chantés, psalmodiés et dansés, lorsque sont intervenus le chœur et le coryphée ; cette musique était souvent écrite par les poètes eux-mêmes. Le dithyrambe était uniquement chanté, et les deux plus grands poètes musiciens qui l’illustrèrent furent, aux Ve et IVe s. av. J.-C., Mélanippide de Mélos, qui vécut à la cour de Perdiccas de Macédoine, et Philoxène de Cythère, qui fleurit à la cour de Denys de Syracuse. Ainsi, ce furent les poètes grecs qui constituèrent sa musique et en établirent les règles. À l’époque hellénique, celle-ci a atteint sa perfection. Alors que nous n’utilisons plus que deux modes, le majeur et le mineur, les Grecs en connaissaient sept, trois principaux et quatre complémentaires, chaque mode étant caractérisé par différentes successions de tons et de demi-tons ; c’étaient le dorien, le lydien, le phrygien, l’hypodorien, l’hypolydien, l’hypophrygien, le mixolydien. Chaque mode possédait un caractère et un emploi qui lui étaient propres : le dorien, viril, grave ou belliqueux, était utilisé dans les hymnes lyriques, les choeurs tragiques, la citharodie; le lydien, doux, dolent, funèbre, et qui correspond à notre mode majeur, était utilisé dans le lyrisme apollinien, la tragédie et l’aulétique, mais il tomba en désuétude au ive s. av. J.-C., le phrygien, vif, bruyant, bachique, était employé dans l’aulétique, la citharodie, le dithyrambe, la tragédie; l’hypodorien, qui correspond à notre mode mineur, était plus actif que le dorien, majestueux et hautain, utilisé dans le dithyrambe, les monodies tragiques, la citharodie, le lyrisme apollinique; l’hypolydien, voluptueux et propre à l’aulodie, était aussi abandonné dès le ive s. av. J.-C. ; l’hypophrygien, plus actif que le phrygien, servait pour les scolia, l’aulétique, la citharodie, le dithyrambe ; le mixolydien, de caractère pathétique, était employé par les chœurs tragiques et pour le mode citharodique. La progression mélodique distinguait trois genres : le diatonique, le chromatique, l’enharmonique, caractérisés par les différentes successions de tons, du grave à l’aigu ; l’enharmonique, qui a disparu de notre musique, était caractérisé par les quarts de ton. À côté des manifestations de caractère religieux, la musique ainsi structurée resta comme un genre propre, et les Grecs qui, dès leur enfance, recevaient une éducation musicale très poussée, se révélèrent comme de fins amateurs de concerts. Ceux-ci se donnaient à Athènes dans l’Odéon. Comme à notre époque, les musiciens, compositeurs et interprètes soulevaient des enthousiasmes ou recueillaient de violentes réprobations. Timothée de Milet, en apportant des révolutions dans la musique, choqua les Athéniens par ses audaces, mais Euripide l’encouragea et sut voir en lui le génie novateur. Un autre Timothée, joueur de flûte thébain du temps d’Alexandre, recevait des fortunes pour paraître dans des concerts. On voit par là combien était important l’art de la musique chez les Grecs ; il ne le cédait en rien à la peinture et à la sculpture, et nous fait d’autant plus regretter la perte irréparable de ses magistrales créations.

musique (instruments de). Les Grecs connaissaient les instruments à cordes, à vent et à percussion. Ils ignoraient les instruments à archets, et les cordes étaient soit touchées avec un plectre, petit instrument en forme de T ou de crochet, avec lequel on frappait les cordes, soit avec les doigts. Les deux principaux instruments à corde étaient la lyre et la cithare. Quoiqu’on en attribue l’invention à Hermès, la lyre était un instrument associé au culte d’Apollon, ainsi que la cithare. À l’origine, la lyre possédait trois cordes; Terpandre en porta le chiffre à sept, et, à l’époque hellénistique, on faisait des lyres à quinze cordes. La cithare est un perfectionnement de la lyre en cela qu’on y adjoignit une caisse de résonance en bois. C’étaient les instruments utilisés dans les concours et dont l’étude faisait partie de l’éducation. C’est au maniement de ces deux instruments qu’était en général destiné le plectre. Le barbitos, peut-être d’origine orientale, utilisé par les lyriques ioniens et éoliens, semble être une grande lyre d’une résonance plus pleine et plus grave. Le psaltérion était formé d’une boîte en bois et d’un long manche, entre lesquels étaient tendues les cordes, que l’on grattait avec les doigts, d’où son nom (de psallô, faire vibrer), qui a été donné à la famille des harpes, dont les variétés étaient le trigonon et la magadis (qui semble être la même chose que la pec-tis). La sambuque était la grande harpe empruntée aux Égyptiens. Le nabla semble être l’adaptation du nebel, d’origine phénicienne, instrument à dix ou douze cordes, de forme rectangulaire, sur lequel on jouait avec tous les doigts.

L’instrument à vent par excellence était l'autos, non générique pour désigner plusieurs espèces de flûtes ou hautbois. Le plus simple était le monaulos, petit cylindre en buis semblable à notre moderne flageolet; le plagiaulos était une flûte oblique semblable à notre basson, et dont on attribue l’invention à Pan ou à Midas, mythique roi de Phrygie ; la zeugé était la flûte double, composée de deux chalumeaux, de longueurs parfois différentes, dont on attribue l’invention à Athéna, mais qui était surtout utilisée dans les cérémonies dionysiaques. Le gingras, d’origine phénicienne, était une sorte de fifre au son plaintif et nasillard ; l'elymos, emprunté aux Phrygiens, était une sorte de flûte à embout de cuir, recourbée à son extrémité et utilisée plus particulièrement dans le culte de Cybèle. L’ascaulos, qui n’apparaît qu’à une époque tardive, est une sorte de cornemuse composée de deux chalumeaux joints à un soufflet en peau, qui est comprimé par le musicien pour en tirer le vent, qui remplace le souffle humain. La syrinx, ou flûte de Pan, était formée de roseaux de longueurs différentes, assemblés côte à côte. Elle est à l’origine de l’hydraulos, orgue hydraulique inventé par les Alexandrins, dans lequel l’eau actionnait un soufflet. Le type des instruments en cuivre est la salpinx, utilisée dans les processions religieuses, cette trompette droite, au pavillon épanoui, avait un pouvoir magique; elle tint une grande place dans l’armée à partir de l’époque hellénistique pour transmettre les ordres pendant les combats ; des sonneries militaires se constituèrent alors et on institua des concours de trompettes. Les instruments à percussion possédaient en général un caractère religieux : le tympanon, notre moderne tambourin; les cymbales, deux demi-sphères de cuivre qu’on frappait l’une contre l’autre et utilisées dans les cultes de Cybèle et de Dionysos ; le sistre, sorte de crécelle en métal usitée dans les mystères d’Isis; les croumata étaient des castagnettes, ainsi que le crotalon, constitué par une sorte de fourche courte dont une des branches, rendue mobile grâce à une charnière, frappait l’autre lorsqu’on secouait l’instrument; ce dernier était particulièrement utilisé dans les cérémonies de Cybèle.

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