La marine dans la Grèce antique
marine. Elle occupa la plus grande place chez un peuple qui vivait en contact continuel avec la mer, de laquelle dépendait en partie sa prospérité. Les nécessités du commerce développèrent des flottes marchandes, et la marine de guerre se créa autant pour défendre les voies de commerce que pour les entreprises de piraterie ou le transport des guerriers. À l’époque homérique, les bateaux qui faisaient le commerce étaient en même temps armés pour les combats. Les vaisseaux des Achéens ne servaient qu'à transporter les guerriers qui allaient assiéger Troie : c’étaient des navires à un rang de rames, non pontés, et suffisamment légers pour pouvoir être tirés sur le sable. Aux périodes suivantes, les marines vont se perfectionner et se développer au point que certaines cités exerceront une véritable hégémonie sur les mers, constituant des thalassocraties, dont Athènes, qui mérita le surnom de « Reine des mers », fut la plus brillante. Le modèle du bateau de guerre est la trière, ou trirème. Thucydide en attribue l’invention au Corinthien Aminoclès, à la fin du VIIIe s. En réalité, ce type de vaisseau de guerre n’apparaît qu’au vie s. en Ionie. Jusqu’alors, le vaisseau de combat était la pentécontore, galère à cinquante rames. C’est une centaine de vaisseaux de ce type que possédait Polycrate de Samos vers 530 av. J.-C., lorsqu’il commença, le premier semble-t-il, à s’équiper de trières. La pentécontore sera complètement éliminée à la fin de ce même siècle au profit de la trière : les Ioniens n’utilisent plus que ce dernier type de vaisseau à la bataille de Ladé, petite île au large de laquelle ils furent battus par les Perses, ce qui mit fin à leur révolte —► médiques, guerres. Ce sont deux cents trières que, sous l’impulsion de Thémistocle, les Athéniens vont construire entre 483 et 480, date de la bataille de Salamine. On construisit aussi des monorèmes ou des birèmes, à un ou deux rangs de rames, mais c’étaient des bateaux trop légers ou trop lents ; à l’époque hellénistique, on fit des tétrères (quadrirèmes) et des pentères (quinquerèmes). Il semble que ces deux types de vaisseaux aient été inaugurés par Denys de Syracuse au début du ive s. ; mais ils étaient trop lourds et pas assez maniables. Ils étaient pourvus d’une artillerie destinée à démanteler la ligne ennemie. Suivait l’abordage, comme dans la tactique maritime de nos XVIIe et XVIIIe s. Telle est la tactique qu’employa Démétrios Poliorcète en 306 lorsqu’il affronta la flotte égyptienne commandée par Mélénas, frère de Ptolémée Sôter. La trière athénienne mesurait 35 à 40 m de long sur 5 à 6 m de large, et calait environ 2 m; elle était mue par 170 avirons (plus 30 de rechange), dont la longueur varie entre 4,20 et 4,40 m, et armée à la proue d’un puissant éperon de bronze ; les voiles servaient lors de la navigation courante et reposaient les rameurs, mais, dans les combats, le navire était uniquement mu par les rameurs, les voilures étant souvent laissées à terre pour ne pas gêner la manœuvre et alourdir le navire. Entre la fin du Ve s. et le milieu du siècle suivant, on est certain que la trière possédait deux mâts (grand mât et mât aka-teios). Il semble qu’après 330 av. J.-C. il ne soit plus resté que le grand mât. Jusqu’au Ve av. J.-C., on combattait sur mer comme sur terre ; les vaisseaux s’abordaient et on tentait d’éliminer l’équipage adverse; c’est ainsi que luttèrent encore Corinthiens et Corcyréens à la bataille de Sybota (432 av. J.-C.). Ce sont les Athéniens qui inventèrent et portèrent à sa perfection la stratégie navale : par d’habiles manœuvres, ils brisaient les lignes ennemies en évitant le contact, puis ils utilisaient le diekplous et le périplous ; la première tactique consistait à longer le navire adverse pour briser ses rames; le périplous était l’éperonnage du bateau, qui coulait sans que le vainqueur perdît de combattant. Sur les deux cents hommes composant l’équipage de la trière athénienne, 170 servaient de rameurs ; c’étaient des mercenaires, des métèques ou des thètes, parfois des zeugites ; les thètes recevaient un salaire ; dix épibates, soldats de marine, étaient des hoplites pris sur les listes régulières ; 13 matelots étaient chargés des manœuvres et du maniement des voiles ; le ou les triérarques qui commandaient le vaisseau étaient les citoyens qui avaient assuré la liturgie de l'équipement du bateau ; ils étaient secondés par un kybernètès, homme de métier, peut-être était-il chargé de tenir le gouvernail, longue rame placée à l'arrière, sur le côté de la poupe ; le kéleuste, chef des rameurs, modulait le rythme des rameurs au son du hautbois du trièrautès. Les rameurs étaient ainsi répartis : sur le banc supérieur, soixante-deux thranites ; sur le banc intermédiaire, cinquante-quatre zygistes; sur le banc inférieur, cinquante-quatre thala-mites. La flotte, dans son ensemble, était commandée par un ou plusieurs stratèges chez les Athéniens ; certaines cités séparaient les commandements terrestres et maritimes, et confiaient les flottes aux navarques. À Sparte, qui ne fut jamais une puissance maritime, l'équipage des navires se recrutait parmi les hilotes et les périèques ; le navarque était désigné par les éphores et ne conservait qu’un an son commandement, qu’on évitait de lui renouveler.