La globalisation financière a profondément modifié le fonctionnement de l’économie mondiale
La globalisation financière a profondément modifié le fonctionnement de l’économie mondiale
Le changement de siècle a été dominé par la montée en puissance de la finance mondialisée. Cette transformation porte un nom : la globalisation financière, définie comme la création d’un marché unique de l’argent au niveau planétaire. En principe, la création d’un marché planétaire de l’argent doit entraîner une meilleure allocation du capital dans les secteurs et les pays qui composent l’économie mondiale. Mais on constate simultanément que les mutations financières se sont traduites par une instabilité accrue avec des crises boursières et de change récurrentes.
Tout en étant liée à la mondialisation des échanges de biens et services, la globalisation a été beaucoup plus importante dans le domaine financier. Pour certains, la sphère financière se développerait d’une manière autonome par rapport à la sphère réelle de l’économie. Cette interprétation est erronée. En fait, la finance est au cœur de l’économie, avec des conséquences considérables sur la croissance, l’accumulation productive et la répartition des richesses dans le monde.
La création d’un marché planétaire des capitaux
La libéralisation financière qui s’est produite depuis les années 1980 a entraîné l’abolition des frontières entre des marchés jusque-là séparés : ouverture à l’extérieur des marchés nationaux, mais également, à l’intérieur de ceux-ci, éclatement des compartiments existants : marché monétaire (argent à court terme), marché financier (capitaux à plus long terme), marché des changes (échanges des monnaies entre elles), marchés à terme, etc. Désormais, celui qui investit (ou emprunte) recherche le meilleur rendement en passant d’un titre à l’autre, ou d’une monnaie à l’autre, ou d’un procédé de couverture à l’autre : de l’obligation en euros à l’obligation en dollars, de l’action à l’option, de l’option au future... Au total, ces marchés particuliers (financier, change, marché à terme...) sont devenus les sous-ensembles d’un marché financier lui-même devenu mondial.
Le système financier international prend désormais la forme d’un méga-marché unique de l’argent, qui se caractérise par une double unité. Unité de lieu, car les places sont de plus en plus interconnectées grâce aux réseaux modernes de communication, et unité de temps, en raison du fonctionnement en continu du marché sur les places financières d’Extrême-Orient, d’Europe et d’Amérique du Nord. Sur ce marché, les entreprises multinationales industrielles et financières peuvent emprunter ou placer de l’argent sans limites où elles le souhaitent, quand elles le souhaitent, en utilisant tous les instruments financiers existants.
L’économie mondiale dominée par la finance internationale
La globalisation financière est allée de pair avec la montée en puissance des acteurs financiers, au premier rang desquels les investisseurs institutionnels, notamment les fameux fonds de pension anglo-saxons. Ces investisseurs gèrent un portefeuille d’actifs qui était estimé à près de 30 000 milliards de dollars en 1998, ce qui dépasse le PIB global des principaux pays industrialisés. Ces actifs sont inégalement répartis selon les pays : 60 % sont détenus aux États-Unis, contre seulement 11 % pour le Japon, 10 % pour le Royaume-Uni, 6 % pour la France et 5 % pour l’Allemagne.
En prenant des participations importantes dans les entreprises, ces investisseurs exercent une grande influence sur la sphère productive de l’économie. On estime ainsi qu’en France les investisseurs étrangers détiennent plus de 40 % des grandes sociétés figurant à l’indice CAC 40. En tant qu’actionnaires, les fonds de pension américains imposent une gestion gouvernée exclusivement par l’augmentation de la rentabilité des fonds propres et la maximisation de la valeur actionnariale. L’objectif prioritaire n’est plus d’assurer la croissance de l’entreprise, comme dans la période fordiste, mais de réaliser des gains de productivité, et éventuellement de réduire les capacités et de fermer des unités de production pas assez rentables par rapport aux normes imposées par les investisseurs [voir « Un nouveau capitalisme s’affirme, mondialisé et dominé par la finance »]. Dans ce nouveau contexte, la taille de l’entreprise et l’emploi salarié deviennent des variables d’ajustement. Le paradoxe est que les salariés, qui sont frappés par cette insécurité croissante du capitalisme financier international, sont par ailleurs les propriétaires des portefeuilles gérés par les fonds de pension.
Les investisseurs internationaux ont également une grande part de responsabilité dans les crises financières qui ont secoué les pays émergents [voir « Une réforme du Système financier international s’impose d’urgence »], que ce soit au Mexique (fin 1994), en Asie du Sud-Est (1997) au Brésil (1999) ou en Argentine (2001). À la recherche de gains spéculatifs, et suivant un comportement grégaire, ils investissent massivement sur les marchés financiers de ces pays, puis n’hésitent pas à se désengager brutalement lorsqu’ils perdent confiance. Ces comportements ont causé des dégâts économiques et sociaux considérables. La Banque mondiale a ainsi estimé que la chute de l’activitééconomique occasionnée par ces crises en 1997-1998 a eu pour conséquence le doublement du nombre de pauvres, qui a atteint quatre-vingt-dix millions de personnes en Indonésie, en Thaïlande, en Malaisie et aux Philippines.
Le système financier international est-il devenu plus efficace ?
Selon la théorie économique orthodoxe, la création d’un marché mondial des capitaux concurrentiel, fonctionnant sans entraves, doit accroître l’efficacité du système financier, en permettant une réduction du coût des financements et une meilleure allocation des capitaux entre pays et entre secteurs d’activité. De quoi apporter plus de croissance à l’économie mondiale. L’observation de la réalité conduit à des conclusions plus nuancées. En effet, les financements internationaux se dirigent vers un petit nombre de pays : d’une part, les principaux pays industrialisés et, d’autre part, les pays en voie d’industrialisation, une vingtaine au total, comprenant essentiellement la poignée de pays émergents d’Asie, d’Amérique latine et d’Europe centrale. Au total, selon la Banque mondiale, les pays industrialisés (15 % de la population mondiale) ont reçu en 2000 plus de 90 % des flux financiers internationaux privés, dont environ 84 % des investissements directs.
Le paradoxe est qu’une partie de ces pays n’ont pas véritablement besoin de recevoir des financements internationaux dans la mesure où ils bénéficient d’une épargne nationale élevée et suffisante pour financer leurs investissements. Ce phénomène est particulièrement net pour les « dragons » asiatiques, notamment l’Indonésie, la Corée du Sud et la Malaisie, dont les taux d’épargne nationaux (environ 35 % du PIB) sont parmi les plus élevés du monde.
En revanche, la grande majorité des pays en développement, dont les besoins de financement sont importants, ne bénéficient que d’une faible part de ces apports de capitaux et restent tributaires des financements publics internationaux [voir « Malgré ses évolutions, le financement du développement reste inadapté aux besoins des pays pauvres »]. On ne peut donc affirmer, si l’on se situe dans une optique de croissance à long terme et de réduction des inégalités entre pays, que la finance internationale contribue efficacement à l’allocation des ressources financières à l’échelle de l’économie mondiale.
Un dernier problème soulevé par la finance globalisée est celui de la démocratie. À la suite de la libéralisation financière, qui a réduit au maximum l’intervention des États, les marchés supplantent désormais la régulation publique dans le fonctionnement du système financier international. Cela se traduit concrètement par le fait, constaté tous les jours, que les gouvernements démocratiquement élus sont placés sous la surveillance d’un petit nombre d’acteurs privés qui ne sont responsables que devant leurs actionnaires. Cela pose évidemment la question de la légitimité des décisions et conduit à un déficit de démocratie.
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