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KANT (Emmanuel)

KANT (Emmanuel). Célèbre philosophe allemand (1724-1804), né à Königsberg. Après avoir fait ses études en gagnant sa vie comme précepteur, il devint professeur à l'université de Königsberg et y enseigna jusqu'en 1796. Il avait déjà écrit de nombreux ouvrages lorsqu'il publia, en 1781, la Critique de la Raison pure, suivie, en 1783, des Prolégomènes à toute métaphysique future. En 1788 paraît la Critique de la Raison pratique et, en 1790, la Critique de la faculté de juger. Ce sont les quatre livres qu'il est nécessaire de retenir et par lesquels Kant a révolutionné la pensée de son temps et influencé durablement le développement ultérieur de la philosophie. Sur son tombeau, à Koenigsberg, est gravée une maxime qui le dépeint bien : « Deux choses ont rempli mon cœur d'une admiration croissante (...) le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale au-dedans de moi. »
La philosophie de Kant s'appelle criticisme. « Critique » veut dire examen. Kant a examiné notre raison comme faculté de connaître, notre conscience qui nous commande, notre faculté de juger qui se prononce sur des sujets comme le beau et la finalité. Il s’est demandé ce que valaient ces facultés, si nous pouvions nous y fier et si elles nous donnaient des certitudes. La philosophie critique date de 1770. Pendant vingt ans Kant, qui avait été formé au rationalisme de Leibniz et de Wolf, s’est progressivement orienté vers l’empirisme. Dans une dissertation de 1770 il énonce deux idées essentielles : les rationalistes qui se sont situés dans la ligne de Descartes ont commis une grave erreur en se défiant de la connaissance sensible. L’empirisme, de son côté, a ruiné la valeur de la science. La question critique que Kant pose dès lors est la suivante : Comment peut-on prétendre connaître un objet a priori comme le font les métaphysiciens qui parlent de Dieu, de l’âme, les moralistes qui parlent du bien et du mal, comme on le fait aussi en esthétique quand on parle du beau ? La Critique de la Raison pure étudie les conditions d’acquisition d’une connaissance intellectuelle. Connaître ne signifie pas laisser passivement impressionner sa conscience par un apport expérimental. Il y a des conditions a priori de la représentation (l'espace et le temps), des conditions a priori de l’intellection (les catégories de l’entendement) ; enfin, il faut que je rapporte toutes mes représentations à un sujet personnel, il faut que je sois capable de dire « je pense ». Ce que je connais ainsi, ce sont des phénomènes. Les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes, les « noumènes », sont hors de l'expérience possible. Mais elles existent. Il n’y aurait pas de phénomènes s’il n’y avait pas de noumènes. C’est pourquoi l’on peut dire que le système de Kant est un idéalisme transcendantal, doublé d'un réalisme empirique. La science est possible, mais la métaphysique ne l'est pas. On peut acquérir un savoir, trouver un objet à un concept et énoncer des jugements à son sujet quand l'objet est construit dans l’intuition sensible a priori ; c’est le cas des objets mathématiques. Le concept peut encore avoir un objet quand il donne une règle a priori qui permet de lier le divers de l’expérience. C’est ce que permettent les concepts de cause, de substance etc., avec lesquels s'effectuent les jugements synthétiques a priori de la physique. Mais les objets de la métaphysique (l’âme, le monde et Dieu) ne se rencontrent pas dans l'intuition sensible, ne sont pas des objets d'expérience. La métaphysique fait faire à l'entendement une besogne pour laquelle il n'est pas fait. Elle n’aboutit jamais à des conclusions certaines mais à des antinomies, c'est-à-dire à des propositions contradictoires, à des paralogismes, fautes de raisonnement, à des démonstrations invalides. La Critique de la Raison pratique expose la morale de Kant. Les jugements moraux doivent être considérés dans leur forme : c'est leur forme et non leur contenu qui est universelle. La caractéristique formelle de la conduite morale est la bonne volonté, c'est-à-dire la volonté de faire son devoir, parce que c'est le devoir. Si vous soulagez votre prochain par pitié ou par amitié, vous n'avez pas fait un acte moral. Kant est, à la fois, formaliste et rigoriste. Le devoir est l’impératif catégorique, qui commande sans condition. La conscience n’a pas à fournir de motifs : elle ordonne. Le seul mobile qui nous aide à faire notre devoir est le respect. Mais il faut bien voir que, si le devoir commande universellement, c'est parce qu'il est rationnel. Puisque, par la conscience, c'est la raison qui commande, en lui obéissant, chacun n’obéit qu'à soi-même. Il est donc autonome. Les maximes essentielles de l'action font apparaître le caractère universel et rationnel de la loi morale. Elles font aussi apparaître la valeur absolue de la personne humaine qui ne peut jamais être traitée comme un moyen. Enthousiaste devant la Révolution française et admirateur de Rousseau, Kant a tenu à « honorer les hommes ». L'impératif catégorique a des conséquences de grande portée, dont la liberté : « Tu dois, donc tu peux. » Kant ne veut pas que, par le biais de la raison pratique, la métaphysique retrouve des droits que la Critique de la Raison pure théorique lui a enlevés. L’affirmation de la liberté n'est pas une connaissance, mais un des trois postulats de la raison pratique. Les deux autres sont l'immortalité de l’âme et l'existence de Dieu : il faut que, dans la vie future, la nature s'accorde avec la loi de la justice, que l'homme vertueux soit heureux, que l’homme injuste soit puni. L’existence de Dieu comme souverain juge est nécessaire. Ces postulats sont l'objet d'une « foi morale ». La Religion dans les limites de la raison, parue en 1793, est un ouvrage très rationaliste, favorable à la « religion naturelle », critique à l'égard des enseignements des Églises. En 1795, Kant a écrit un Traité sur la paix perpétuelle dans lequel il proposait déjà la création d'une société des nations et posait les principes d'un État de droit. La Critique de la faculté de juger offre d'abord une réflexion sur le beau. Il n'y a pas de réalité objective du beau. Nous n'en avons pas de concept. Dans l'art se produit un jeu libre de l'imagination. La critique de Kant porte sur toute esthétique qui voudrait donner des règles aux Beaux-Arts. Le sublime pose un problème auquel Kant s'est heurté. Il semble difficile de le réduire à un simple jeu de l'imagination. Kant dira que le sublime est au beau comme les idées de la raison aux concepts de l'entendement. La seconde partie de l'ouvrage est une réflexion sur la finalité dans les organismes vivants.


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