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KANT : BEAU ET AGREABLE

KANT : LA DISTINCTION DU BEAU ET DE L'AGREABLE
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Quand nous disons « c'est beau », signifions-nous seulement « c'est beau pour moi » ? Non, répond Kant, le jugement esthétique, qui est désintéressé, se pose comme universel, même s'il n'y a pas de règle pour définir la beauté.

« Pour ce qui est de l'agréable chacun se résigne à ce que son jugement, fondé sur un jugement individuel, par lequel il affirme qu'un objet lui plaît, soit restreint à sa seule personne. [...] L’un trouve la couleur violette douce et aimable, un autre la trouve morne et terne ; l'un préfère le son des instruments à vent, l'autre celui des instruments à cordes. Discuter à ce propos pour accuser d'erreur le jugement d'autrui, qui diffère du nôtre, comme s'il s'opposait à lui logiquement, ce serait folie ; au point de vue de l'agréable, il faut admettre le principe : à chacun son goût (il s'agit du goût des sens). Il en va tout autrement du beau. Car il serait tout au contraire ridicule qu'un homme pensât justifier ses prétentions en disant : cet objet (l'édifice que nous voyons, le vêtement qu'untel porte, le concert que nous entendons, le poème que l’on soumet à notre jugement) est beau pour moi. Car il ne suffit pas qu'une chose lui plaise pour qu'il ait le droit de l'appeler belle ; beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et de l'agrément, personne ne s’en soucie, mais quand il donne une chose pour belle, il prétend trouver la même satisfaction en autrui ; il ne juge pas seulement pour lui mais pour tous et parle alors de la beauté comme si elle était une propriété des objets ; il dit donc : la chose est belle, et s'il compte sur l'accord des autres avec son jugement de satisfaction, ce n'est pas qu'il ait constaté à diverses reprises cet accord mais c’est qu'il l'exige. Il les blâme s'ils jugent autrement, il leur dénie le goût tout en demandant qu'ils en aient ; et ainsi on ne peut pas dire : à chacun son goût. Cela reviendrait à dire : il n’y a pas de goût, c'est-à-dire pas de jugement esthétique qui puisse légitimement prétendre à l'assentiment universel. »
KantCritique du jugement, § 7.


ordre des idées

1) Analyse du jugement : “c'est agréable”, a) Il dépend du désir individuel, qui varie selon les êtres (cf. “ça me plaît”). L'agréable est plaisir intéressé, b) Exemples de tels jugements, illustrant leur variabilité, c) Conséquence : il faut, sur ce plan, admettre l'opinion courante : à chacun son goût. (Cf. “ne pas discuter des goûts et des couleurs”).
2) Par opposition, analyse du jugement : “c'est beau” (ou jugement de goût proprement dit), a) Il prétend être universel, c'est-à-dire pose qu'un objet devrait être source de plaisir pour n'importe quel être humain, b) Conséquence : le jugement de goût affirme la beauté de la choses elle-même, comme si elle était objectivement belle. (En fait, aucune démonstration scientifique ne peut ici être avancée. L'universalité du goût est subjective, non objective. Elle repose sur un plaisir désintéressé, dont l'origine n'est pas le désir, mais la libre activité des facultés de notre esprit)




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