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Jules Roy

Jules Roy est né à Rovigo, en Algérie, le 22 octobre 1907, dans une famille paysanne de petits colons. Après des études secondaires au séminaire lazariste Saint-Eugène, à Alger, il choisit la carrière militaire. D'abord incorporé au 1er régiment des tirailleurs algériens de Médéa, il entre en 1930 à l’Ecole de Saint-Maixent. Il publie quelques articles avant la guerre, notamment une étude sur Montherlant dans les Cahiers du Sud. En 1942, il rallie l’Angleterre et s'engage dans les bombardiers lourds de la R.A.F., expérience qui lui inspire l’année suivante son premier récit, Ciel et Terre. Il effectue, entre 1943 et 1945, 37 raids aériens. A la fin des hostilités, il collabore à Combat à l’invitation d’Albert Camus. Le Monde publie en 1945 La Vallée heureuse en feuilleton, récit qui obtiendra l’année suivante le prix Renaudot. Chef des services d’information de l’Armée de l’Air, puis colonel en Indochine, il démissionne en 1953. En 195 7, il se voit attribuer le Grand Prix littéraire de Monaco et en 1958, le Grand Prix de littérature de l’Académie française. En 1960, il participe à la campagne anticolonialiste de L’Express et publie un pamphlet, La guerre d’Algérie, qui suscite quelques remous. Après quelques nouveaux voyages en Indochine et en Chine, il s’installe dans le Morvan et commence une longue chronique romanesque sur la présence française en Algérie. Jules Roy a reçu en 1969 le Grand Prix national des lettres pour l’ensemble de son œuvre. Chants et prières pour des pilotes, un recueil de poèmes publié en 1943, et La Vallée heureuse, récit publié à la fin de la guerre, révélèrent un écrivain proche de Saint-Exupéry — auquel il consacrera plus tard un essai — par la mythique de l’action, la morale de l’héroïsme, la fascination de la mort. A ces thèmes d’un autre âge — celui des exploits solitaires des pionniers de l’aviation — il en ajouta deux autres, nés de sa propre expérience de la guerre : la solidarité de l’équipage au combat, et ce que l’on pourrait appeler la « robotisation » — ou l’aveuglement — du héros moderne par les nouvelles techniques de navigation et la programmation millimétrée des vols. L'héroïsme, dans ces conditions, a changé de nature, perdant un peu de son esprit chevaleresque et se chargeant de peur au ventre. Ces deux aspects cohabitent dans l’œuvre de Jules Roy. « Je crois, écrit-il dans Passion et mort de Saint-Exupéry, à la chevalerie. J’y croirai tant qu’il y aura des hommes et des guerres. Tant qu’il y aura, du moins, des guerres qui permettront aux hommes l’exercice de la chevalerie. » Mais il note ailleurs, évoquant le visage de ses compagnons au retour de leurs raids sur la Ruhr : « Ce n 'était pas la victoire qu’ils éprouvaient dans le secret de leur âme, mais le soulagement de leurs nerfs, la légèreté de la bête ailée échappée au dragon, le repos fragile de l’homme écarté d’un danger mais promis à d’autres dangers du même ordre, régis par l’obscure et stupide loi des proportions. » Interrogation du destin, mise en scène romantique des partages hasardeux de la vie et de la mort, l’œuvre de Jules Roy est celle d’un moraliste fraternel et désenchanté, d’un chevalier gagné par la nostalgie au spectacle du mercenariat, cherchant en vain des réponses aux questions que l’époque ne se pose plus, et, parfois, le salut dans la désobéissance. Les tragédies ne sont plus ce qu’elles étaient et le destin, soumis aux chronomètres de la diplomatie et du machinisme, bafoue l’idéal : Jules Roy, ou comment être Vigny dans un siècle de servitudes. L’amour — qu’il a évoqué dans Les Flammes de l'été et aussi dans la fresque algérienne des Chevaux du soleil — paraît être le seul repos de cet écrivain-guerrier, même s’il semble y chercher encore, avec la fièvre tourmentée d’un janséniste, une irréalisable perfection mystique. Ce que Jules Roy a dit un jour de Richard Hillary, on pourrait le dire de lui-même, écrivain d’une « chevalerie sans foi et sans espérance, à l’image du siècle, et qui n’a dans le cœur qu’un amour irraisonnable et sans avenir. »