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José Cabanis

Né le 24 mars 1922 à Toulouse. Issu d'une vieille lignée de notaires, il fait une licence de philosophie et de droit, mais en 1943, est enrôlé au S. T.O. en Allemagne. A son retour, à la Libération, D.E.S. de philosophie et doctorat de droit. Avocat, il démissionnera du barreau dix ans plus tard pour se consacrer, selon sa propre confidence, le jour à l’expertise près les tribunaux et la nuit à son œuvre littéraire.
1960 : Prix des Critiques pour le Bonheur du jour. 1962 : Prix des Libraires et Plume d’or du Figaro littéraire pour les Cartes du temps. 1966 : Prix Renaudot pour la Bataille de Toulouse. 1976 : Grand Prix de Littérature de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre.
Dans un entretien avec Jean-Louis de Rambures (le Monde du 28 mai 1976), José Cabanis expliquait que son travail d’écrivain avait toujours été lié à une double solitude, celle de la province et celle de la nuit. Et le point commun de toutes ses œuvres — qu’elles appartiennent au cycle romanesque de la peinture des mœurs provinciales avec ses premiers romans ou au cycle plus autobiographique du Bonheur du jour à la Bataille de Toulouse — c’est qu’au départ, il y a toujours un élément autobiographique: « L’âge ingrat, c’était mon aventure de jeunesse. L’Auberge fameuse m’a été inspirée par les affaires de délinquance juvénile avec lesquelles j’avais été confronté dans mon métier d’avocat. La mort de mon père a été à l’origine du Fils. » L’œuvre de José Cabanis se caractérise, en effet, par la recherche, réalisme autobiographique aidant, d’une mémoire heureuse. L’auteur à l’instar de ses personnages semble avoir besoin de dresser incessamment le bilan de sa vie. Dans le Bonheur du jour, l’oncle Octave, par exemple, fait le point avant de mourir. Influencé par Jouhandeau, attiré vertigineusement par Proust, fasciné par Saint-Simon à qui il devait consacrer une étude, Cabanis a toujours voulu, par le truchement de l’œuvre littéraire, se retrouver, se reconnaître, parvenir à s’identifier à soi-même, à ressouder les deux faces de sa personnalité entre lesquelles il a toujours été tiraillé : son désir de bonheur et son rigorisme janséniste. Les premières lignes des Cartes du temps sur Saint-Simon s’appliquent, bien sûr, à Cabanis lui-même : «Je pense souvent à ces personnages de Saint-Simon, qui ont résolu de mettre un intervalle entre la vie et la mort. Ils sont estimés de la Cour, pourvus de charges et de bénéfices, et soudain, sans en parler à qui que ce soit ni prendre congé de personne sinon du roi, ils montent dans leur carrosse, et partent pour une retraite d’où ils ne sortent plus. Ils quittent la vie à temps, et j’imagine ces années de solitude qu’ils se sont ménagés, pour accueillir la mort et se reconnaître, grand mot de Saint-Simon. » Grand mot de Cabanis également... Dualité du doute et de l’inquiétude face au désir d’un amour noble et pudique. Le temps historique (le récit de la Bataille de Toulouse opposant Wellington et Soult où transparaît le Cabanis historien et auteur d’un Sacre de Napoléon) ainsi que le discours de l’écrivain s’opposent au temps et au discours de l’amour et de la solitude. La Gabrielle aimée et aimante des Jeux de la nuit quitte ici le narrateur. Le dernier livre de José Cabanis est, à cet égard, plein d’enseignements. Pour la première fois, il y abandonne tout à fait les masques de la fiction pour la forme radicalement autobiographique du Journal. Les Profondes Années, ce sont les années 39-40 et 44-45. Cet autoportrait de l’écrivain jeune est aussi, et encore, le bilan d’une vie. Les lectures du jeune homme nous indiquent bien les aspirations contradictoires qui ont traversé cette existence et que nous avons ci-dessus soulignées : Stendhal et Mauriac. 44-45 : Cabanis est dans un village d’Allemagne, dans une usine où travaillent les requis par le S.T.O. Là, il vit une période difficile. L’amour d’une de ces compagnes de travail mêlé au souvenir de l’amour filial qu’attise la distance et l’absence, la foi religieuse de l’enfance ranimée par la crainte de la mort et de la solitude, font qu’il résiste aux force de destruction et de désunion spirituelles qui l’assaillent. Et dans cette lutte intime, l’auxiliaire privilégié, encore une fois, c’est la lecture. Utilisant une forme classique, styliste brillant d’un roman d’analyse quelque peu délaissé aujourd’hui, José Cabanis n’en a pas moins rejoint une certaine modernité par son incessant recours aux miroirs littéraires pour retrouver tout à la fois le moi et le temps perdus.


► Bibliographie
Tous les titres ont été publiés par Gallimard. Romans : l'Age ingrat, 1952 ; l'Auberge fameuse, 1953; Juliette Bonviolle, 1954 ; le Fils, 1956 ; le Bonheur du jour, 1960 ; les Cartes du temps, 1962 ; les Jeux de la nuit, 1964 ; la Bataille de Toulouse, 1966 ; Des jardins en Espagne, 1969. Essais : Jouhandeau, coll. la Bibliothèque idéale, 1960 ; Plaisir et lectures !, 1964 ; Plaisir et lectures H, 1968 ; Saint-Simon, les Profondes années, journal 1939-1945, 1976. Histoire : le Sacre de Napoléon(Trente journées qui ont fait la France); Charles X, roi ultra ( Leurs figures).