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HUSSERL (vie et oeuvre)

Philosophe allemand. Fondateur de la phénoménologie, qui revendique en philosophie un « retour aux choses mêmes », telles qu'elles apparaissent à la conscience qui, en se projetant vers elles, les fait surgir comme phénomènes. Principaux écrits : Recherches logiques (1900-1901), Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures (1913), Méditations cartésiennes (1929), La Crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale (1934-1937).
Père fondateur de la phénoménologie, Edmund Husserl est,
avec Martin Heidegger, son élève, un des «monuments»
de la pensée du XXe siècle. Sa pensée est une des références
majeures à partir desquelles s'est constituée
la philosophie contemporaine.

VIE

L'époque de Husserl est celle d'un positivisme triomphant, déniant à la philosophie le droit de s'exprimer à propos de la vérité. La vie de Husserl est l'histoire d'une pensée qui va rendre à la philosophie sa véritable place.

L'élève médiocre et la vocation scientifique
Edmund Husserl naît le 8 avril 1859, à Prosznitz (Moravie), d'une famille israélite de moyenne bourgeoisie. En 1870, il entre au lycée d' Olmütz. C'est un garçon «blond, pâle de teint, mais au bon appétit», un peu rêveur, inattentif pendant les cours. C'est à l'étonnement de ses maîtres qu'il passe honorablement l'examen de fin d'études, le 30 juin 1876. A l'Université de Leipzig, puis à celle de Berlin, Edmund Husserl se passionne pour les mathématiques et prépare une thèse sur le calcul des variations, qu'il soutient en 1883.

L'orientation philosophique
En 1884, Husserl rencontre le philosophe Franz Brentano et se convertit à la «psychologie descriptive». En 1900 paraît la première partie des Recherches logiques: la phénoménologie vient de naître. En 1924, la célébrité du philosophe est à son apogée. En 1933, le régime national-socialiste le fait radier du corps des professeurs d'université. Il s'éteint le 27 avril 1938, à l'âge de 79 ans.

OEUVRES

Husserl a beaucoup écrit, ainsi qu'en témoignent les trente volumes des oeuvres complètes éditées à ce jour. Mais il a peu publié de son vivant et n'a quasiment rien fait paraître de son propre chef.

Recherches logiques (1900-1901)
Si l'on conçoit la logique comme dépendant de la forme de notre esprit, on aboutit à un relativisme qui détruit l'idée même de vérité. Contre ce «psychologisme», Husserl met en évidence le fait qu'il y aura toujours une différence incommensurable entre un jugement empirique reflétant une croyance, et un jugement reconnaissant la vérité absolue et démontrable d'une proposition. Si les propositions logico-mathématiques sont «vraies», c'est parce que ces propositions parlent de quelque chose d'autre que des processus naturels, des états d'âme ou des processus mentaux, elles parlent des «choses elles-mêmes».

La philosophie comme science rigoureuse (1911)
Dans cette oeuvre, Husserl critique la position des partisans d'un naturalisme scientifique faisant de la philosophie un savoir parmi d'autres et celle des tenants de l'historicisme qui la ramènent à une simple vision du monde. La philosophie doit être phénoménologie, c'est-à-dire saisie du sens des phénomènes.

Idées directrices (1913-1928)
La phénoménologie doit comprendre comment le flux de l'activité intentionnelle de la conscience construit la signification des différentes sphères de la réalité. La temporalité propre à la vie intentionnelle est l'élément même de cette construction des significations. La recherche de la vérité apparaît comme une tâche infinie d'approximation d'un idéal . La constitution du monde présuppose, comme son fondement, la construction d'une intersubjectivité qui est la base même de toute universalité possible.

Méditations cartésiennes (1931)
Il s'agit de la publication de conférences prononcées à la Sorbonne en 1929. La philosophie, se Proposant d'atteindre la vérité apodictique ne peut la rencontrer que dans le cogito énoncé par Descartes (»Je pense, donc je suis»). Mais le cogito husserlien diffère du cogito cartésien: je me saisis comme pensant quelque chose et c'est ce qui rend possible la réalité du monde. L'intersubjectivité constitue ensuite le monde empirique.

EPOQUE


La naissance de la phénoménologie
La fin du XIXe siècle en Allemagne marque la fin des grands systèmes spéculatifs comme ceux de Hegel et de Schopenhauer. Marx et Nietzsche sont pratiquement ignorés des philosophes universitaires dont l'attention se porte sur l'extraordinaire essor des mathématiques. La phénoménologie prend son départ dans des réflexions sur l'arithmétique et la logique. Son esprit est celui d'une description authentique du vécu, libre de tout présupposé métaphysique.

Les contradictions du psychologisme
Les «psychologues» affirment que la logique est dépendante de la nature humaine et de la constitution de notre esprit. Ils nient ainsi l'idée de vérité et s'enferment dans le relativisme. Contre les psychologues, Edmund Husserl va montrer que les concepts et les lois mathématiques ne sont pas du ressort de la psychologie quoiqu'ils soient accessibles au moyen d'actes psychiques.

APPORTS

L'oeuvre philosophique de Husserl est l'une des oeuvres majeures du XXe siècle, ainsi qu'en témoigne sa postérité. Martin Heidegger, Maurice Merleau-Ponty, Jean-Paul Sartre, Emmanuel Lévinas, et bien d'autres, ont puisé à sa source.

L'intersubjectivité. Husserl a posé un problème capital que Descartes et Kant avaient ignoré dans leur théorie de la connaissance: c'est le problème d'autrui. De même que toute conscience est conscience de quelque chose, de même notre conscience reconnaît l'existence d'autres consciences dans une expérience originaire de coexistence, que Husserl appelle l'intersubjectivité. Autrui n'est pas seulement celui que je vois, c'est aussi celui qui me voit et qui confère à mon monde toute l'étendue des savoirs qu'il énonce et de l'assurance qu'il me donne.
Actualité - Postérité. La pensée de Husserl a relevé le défi que la science triomphante du début du XXe siècle avait adressé à la philosophie. Elle lui a ainsi redonné une place en instituant selon les termes mêmes de Husserl) la philosophie comme «science rigoureuse» dans un contexte de crise, crise concernant à la fois le fondement des mathématiques et celui de la philosophie. Grâce à Husserl, la philosophie n'a pas plus été réduite au silence par un positivisme qui voulait ne chercher la vérité que du côté des sciences. Husserl a montré que l'ambition du philosophe, qui est de comprendre l'ensemble des productions de l'esprit, est toujours d'actualité. Il faut réhabiliter le vécu et le concret sans renoncer pour autant à la rigueur rationnelle.

La phénoménologie : « Le retour aux choses mêmes. »

Le terme de « phénoménologie »n’est pas nouveau en philosophie lorsque Husserl décide de s’en servir pour désigner son entreprise de philosophie comme science rigoureuse, c’est-à-dire de savoir réflexif se fondant sur lui-même. Kant s’était servi du terme et Hegel lui avait donné ses lettres de noblesse en philosophie en en faisant le titre d’une de ses oeuvres majeures, La Phénoménologie de l'esprit, où il décrit les étapes ou figures que l'esprit absolu prend dans son mouvement d’auto-manifestation. La phénoménologie telle que l’envisage Husserl se veut d’abord une analyse descriptive des phénomènes, c'est-à-dire des choses dans leur apparaître spécifique. Ainsi, il s’agit de rompre avec un certain état de la science et de la philosophie où l’on a oublié le moment de la phénoménalité : il faut en finir avec les « théories absurdes » et « en revenir aux choses mêmes. » Ce souci est motivé par le besoin d enraciner l’activité rationnelle dans une expérience originaire de la vie de la conscience, dont on s’efforce de dégager les structures intentionnelles propres : ainsi la raison ne fonctionne pas « à vide » et ne risque pas d’édifier des théories coupées de l’expérience. Avant d’être une philosophie constituée ou même une simple méthode, la phénoménologie exprime une maxime que l’on peut formuler ainsi : « droit aux choses mêmes », contre toutes les constructions gratuites, les trouvailles fortuites, contre l’usage des concepts qui n’ont été démontrés qu’en apparence, contre les fausses questions qui se sont érigées au cours des siècles à la hauteur de problèmes.» (Heidegger, Être et Temps, § 7). Les choses se compliquent toutefois lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui est, au sens propre, phénomène. Husserl, Heidegger, Scheler, Lévinas, Sartre, Merleau-Ponty, bien que d’accord quant au projet descriptif, diffèrent sur la détermination de ce qui est au sens propre phénomène, d’où l’émergence d’une pluralité d’écoles phénoménologiques, un peu contradictoire avec l’idéal de la phénoménologie.

HUSSERL (1854-1938)


« Débrouiller tout le réseau des opérations de la conscience en vue d’aboutir à la constitution d’un monde possible […], telle est la tâche d’ensemble de la phénoménologie constitutive. »

L’un des thèmes que l’on peut retenir de l’activité philosophique de Husserl est la mise en lumière du caractère intentionnel de la conscience. Brentano, qui fut son professeur à Vienne de 1883 à 1886, divisait les phénomènes en deux classes, les phénomènes physiques d’une part et les phénomènes psychiques d’autre part : il a nettement mis en lumière les traits d’essences de ces derniers , qui ont pour caractéristiques d’être « orientés vers », « dirigés sur » un objet corrélat de leur activité intentionnelle. Cet objet intentionnel n’est pas nécessairement réel, il peut être imaginaire , objet d’un désir, etc. Ce que Husserl reprend à son compte lorsqu’il souligne que « toute conscience est consciente de quelque chose », c’est-à-dire vise d une certaine manière son objet intentionnel. Je peux ainsi voir de diverses manières un même contenu. La tour Eiffel, par exemple, est susceptible d’être prise en vue de diverses manières : je peux me rapporter à elle lorsque je la perçois effectivement et actuellement ; je peux l’imaginer à partir des représentations que je m’en fais ; je peux énoncer un jugement sur elle ; je peux, comme Verlaine, me rapporter à elle dans une relation marquée par l’affectivité (… le poète ne voulait pas voir la tour qu'il considérait comme défigurant Paris !) ; je peux me rapporter à la tour Eiffel dans le cadre d’un acte de remémoration, etc. ; à chaque fois, quelque chose est respectivement perçu , représenté en image, jugé, haï, remis en mémoire, etc. Toutefois, la plupart sinon tous les actes psychiques et les vécus de conscience sont des actes et des vécus complexes, où se superposent dans un même acte des intentions de perceptions, de représentations, de jugements. C’est pourquoi la tâche des phénoménologues est d’abord de débrouiller et d’analyser ce qui est mêlé, recouvert et pour ainsi dire écrasé dans le flux de la vie intentionnelle de la conscience. Dès les Recherches logiques, Husserl se donne pour tâche d'analyser ces complexités, afin d’en dégager les caractères intentionnels primitifs qui structurent la vie de toute conscience.

Ce souci de description des phénomènes dans leur modalité spécifique d’apparition conduit Husserl à passer de l’intuition individuelle ou singulière de cette chose dans sa présence « en personne » pour ainsi dire, à une intuition d’essence, qui est intuition de l’eidos, de l’essence de la chose visée. C’est ainsi que s’ouvre pour Husserl, un vaste domaine d’objets d’un autre ordre que les objets de l’expérience courante. Ces objets sont aussi susceptibles d’être « donnés en personne », originairement. C’est la méthode de vision des essences, parfois appelée idéation, qui doit permettre au phénoménologue de « passer » de la saisie intuitive au sens habituel, à cette vision des essences dont le phénomène est la manifestation. Le point important, ici, est que la vision des essences est un acte de la conscience qui livre son objet en puissance, ce qui lui permet de faire varier par l’imagination les possibilités concrètes des phénomènes analysés.

Textes importants de Husserl




[…] Toute conscience est conscience de quelque chose (Husserl) […]


[…] utilisé par Husserl puis par la phénoménologie après lui pour définir la conscience comme […]


Husserl : 1859-1938. Naquit en Moravie. Après des études scientifiques il s'orienta vers les mathématiques et la logique et fut nommé professeur à l'université allemande de Göttingen en 1906. En 1907 parut Idée de la phénoménologie qui inaugura la nouvelle méthode philosophique. En 1916, il fut nommé à l'université de Fribourg-en-Brisgau où il eut pour élève M. Heidegger. En 1936 il fut dépossédé de sa chaire par le régime hithlérien en raison de ses origines juives. Œuvres principales : Idées directrices pour une phénoménologie pure, 1913 ; Logique formelle et rranscendantale, 1929 ;Expérience et Jugement, 1939.

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