Databac

Grande-Bretagne

Grande-Bretagne. 1. La Grande-Bretagne avant la conquête romaine. C'est au ve siècle av. J.-C. probablement que la Grande-Bretagne fut connue du monde méditerranéen grâce aux Phéniciens de Carthage, grands commerçants et voyageurs du monde antique, le sud-ouest de la Grande-Bretagne étant l'une des rares sources occidentales d'étain, tout à fait indispensable à la fabrication du bronze, très parcimonieusement réparti dans la zone méditerranéenne. Aux Grecs du Ve siècle ne parvinrent que de vagues rumeurs sur les « îles d'Etain» (Cassi-térides), jusqu'à ce que, à la fin du IVe siècle, un voyageur grec de Massilia (Marseille), Pythéas, visitât la Cornouailles et le gisement d'étain du mont Saint-Michel au cours de son voyage autour de la Grande-Bretagne. (Il se peut que ce soit Pythéas qui ait consigné ce pays sous le nom d'«îles Prétanniques », dont l'origine est incertaine ; on peut le faire remonter au nom latin Picti c'est-à-dire «peint» ou «tatoué». Le mot pretan qui signifie «étain» se trouve apparemment pour la première fois dans des papyrus démotiques égyptiens.) Au IIe siècle av. J.-C., des itinéraires commerciaux réguliers furent établis entre la Grande-Bretagne et la Méditerranée ; des marchands gaulois, et en particulier la tribu des Vénètes, du sud de la Bretagne firent fonction d'intermédiaire, jusqu'à ce que Jules César désorganisât ce commerce en 56 av. J.-C. On s'explique mal le motif pour lequel César envahit la Grande-Bretagne en 55 av. J.-C. après qu'il eut conquis et pacifié la Gaule. Il y eut certainement d'autres relations que le commerce entre la Grande-Bretagne et la Gaule: des Bretons de Grande-Bretagne s'étaient battus dans les armées gauloises, et des Gaulois rebelles avaient trouvé refuge en Grande-Bretagne. Celle-ci était la source du druidisme que César considérait comme la force politique la plus puissante des Gaules. Il se peut qu'il ait eu l'impression que la Gaule ne serait guère sûre s'il n'y avait au moins un semblant de force romaine en Grande-Bretagne et qu'il n'ait pas eu l'intention de la conquérir. On admet aujourd'hui que César a trouvé en Grande-Bretagne une culture de l'âge du fer qui n'était pas radicalement différente de celle de la Gaule. Il apparaît que le fer a été utilisé initialement en Grande-Bretagne à la fin du viie siècle av. J.-C., apporté, pensent certains, par plusieurs vagues d'envahisseurs venues au cours des siècles successifs. La preuve d'une invasion ennemie n'a pas été clairement apportée; il est possible également que le passage à l'usage du fer ait été une innovation adoptée pacifiquement par une population établie depuis longtemps, sous l'influence des cultures de l'âge du fer du continent. Il existe des témoignages plus probants d'une pénétration massive de peuples venus de Belgique à la fin du IIe siècle av. J.-C., dont nous ne savons pas avec certitude si elle a été possible ou non. Dans sa Guerre des Gaules, César note que la partie de la Grande-Bretagne « tournée vers la mer» était peuplée grâce à ces immigrations plus récentes. Les Belges, qui vivaient dans le nord de la France et dans les Pays-Bas, furent probablement contraints de pénétrer en Grande-Bretagne sous la pression de plus en plus irrésistible des tribus germaniques (Cimbres et Teutons) qui, à la fin du IIe siècle av. J.-C., menacèrent même l'Italie. Le mode de vie que les Romains découvrirent en Grande-Bretagne n'était nullement homogène, mais variait tout naturellement avec les caractéristiques physiques et le climat. La campagne dans les basses terres du Sud et de l'Est convenait aux implantations et à l'agriculture; les communications à l'intérieur des terres et avec le continent étaient relativement faciles et la région ouverte à la fois aux nouveaux colons et aux nouvelles idées. Dans les hautes terres de l'Ouest et du Nord, il y avait probablement peu de cultures ; les habitants menaient une vie pastorale et peut-être semi-nomade. César qui ne s'enfonça jamais assez pour juger par lui-même était néanmoins bien informé quand il écrivit qu'ils « ne semaient pas de blé, mais vivaient de lait et de viande et s'habillaient avec des peaux de bêtes ». Ces Bretons vivaient en tribus distinctes et autonomes, n'envisageant qu'avec peine d'agir en commun, et étant loin de concevoir la moindre forme de gouvernement centralisé. Les forts tribaux installés sur des collines, qui étaient certainement une caractéristique de la vie britannique depuis l'âge du bronze et remontaient peut-être au néolithique, semblent avoir servi diversement de refuges en temps de guerre, et d'implantations en temps de paix. Pendant le Ier siècle av. J.-C., parmi les peuplades du sud et de l'est, peut-être parmi l'ensemble des envahisseurs belges, un mode de vie nouveau et plus moderne semble s'être développé, dont témoigne une occupation agricole plus dense des vallées fertiles, avec des prairies closes et des frontières fixes, dont tous les éléments laissent imaginer une propriété du sol plus sédentaire. Les occupations s'étaient spécialisées et organisées; il se peut même que l'on ait utilisé le travail servile. Dans les forts des collines, là où un système rudimentaire de rues existait parfois, et dans les implantations installées dans les vallées plus larges, on peut détecter les signes d'une urbanisation. L'art de cette période, vu à travers la métallurgie des armes, des miroirs et des ornements personnels, est d'une grande beauté et d'une exécution technique élaborée ; le fait qu'il nous soit parvenu en faible quantité suggère que l'art était limité à la classe aristocratique. La toponymie et la langue ne laissent apparaître pratiquement aucune trace d'éléments antérieurs au celtique ; tous les emplacements cités par César portent des noms celtiques. Ce fait suggère qu'à l'époque de la conquête romaine l'usage de la langue celtique était généralisé, même dans le grand nord de l'Écosse et en Irlande, ubiquité que nos sources actuelles n'expliquent qu'imparfaitement. 2. Les invasions romaines de 55 et de 54 av. J.-C. La première invasion fut plutôt une incursion de reconnaissance au cours de laquelle les Romains subirent plusieurs revers. Les soldats débarquèrent sur les plages qui entouraient Deal dans le Kent, ne faisant face à l'ennemi qu'à contrecœur au moment où le porte-étendard sauta le premier dans la mer. Les difficultés atteignirent leur point culminant lorsque de sévères dégâts furent infligés à la flotte à l'ancre, en raison d'une tempête et de la marée haute. César retira ses forces à la fin de l'été, après avoir acquis une expérience utile, mais aucun avantage durable. L'invasion de l'année suivante fut une affaire plus sérieuse. Une flotte de plus de huit cents vaisseaux transporta cinq légions et deux mille cavaliers en un point de débarquement qui se situait à peu près dans la même région que la fois précédente. Au cours des opérations qui suivirent, César traversa la Tamise (Tamesis, ou Tamesa) pour attaquer le chef britannique Cassivellaunus, roi des Catuvellauni, la plus puissante des tribus du Sud. Le fait que les Britanniques nommèrent un chef suprême indique l'étendue de leur inquiétude. César traversa la Tamise au seul endroit où on pouvait la traverser à gué, en un point jusqu'alors inconnu. Les tribus favorables à Rome dévoilèrent le lieu où se trouvait la forteresse de Cassivellaunus, peut-être à Whea-thampstead dans le Hertfordshire ; César l'attaqua et s'en empara, forçant Cassivellaunus à accepter des conditions modérées : donner des otages et payer un tribut. César se retira ensuite en Gaule où il redoutait un soulèvement. 3. La conquête et l'occupation de la Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne était désormais une partie reconnue du monde romain, bien que Rome ne dût pas l'envahir à nouveau pendant un siècle. Dans les années 20 et 30 av. J.-C., les poètes latins Virgile et Horace s'expriment quelquefois comme si l'empereur Auguste avait été sur le point d'annexer la Grande-Bretagne, mais il n'en fut rien. Sous son règne et sous celui de son successeur Tibère, l'attention des forces armées romaines était dirigée ailleurs. La connaissance que nous avons de la Grande-Bretagne pendant le siècle qui va de 54 av. J.-C. à 43 apr. J.-C., est infiniment plus précise que pour le siècle précédent, tant grâce aux témoignages laissés par les inscriptions et les pièces de monnaie qu'à la littérature et à l'archéologie en général, si bien qu'il est possible de tracer une carte raisonnablement complète des tribus et de se faire une idée de la politique de leurs chefs. Dans le Sud-Est, ce fut une époque de luttes politiques compliquées. Vers 15 av. J.-C., les Catuvellauni étaient gouvernés par un certain Tasciovanus, personnage dont un membre de la famille, Cunobelinus (le Cymbeline de la légende médiévale et de Shakespeare) battit monnaie à Colchester (Camulo-dunum), autrefois forteresse de la tribu des Trinovantes. Ces derniers et les Catuvellauni étaient maintenant unis sous un seul roi. Le commerce établi entre cette région et Rome, attesté par les nombreux produits ouvrés que l'on y découvre, donne à penser qu'on ne ressentait aucune hostilité déclarée contre Rome. On a soutenu qu'il régnait une plus grande inimitié en Grande-Bretagne occidentale. En l'année 39-40 apr. J.-C., Cunobelinus bannit son fils Adminius qui s'enfuit sur le continent et se rendit aux Romains. L'empereur Gaius (Caligula) salua cet événement comme une grande victoire, c'est peut-être alors qu'il conçut l'idée d'une invasion. Il réunit ses troupes sur la côte de la Manche avant d'abandonner la tentative pour des raisons restées inconnues. Cunobelinus mourut entre 40 et 43 apr. J.-C. et ses fils Togodumus et Caratacus (en gallois, « Caradoc ») lui succédèrent ; Claude, nommé empereur en 41 apr. J.-C., succéda à Gaius. Peu après, les rivalités entre les chefs de tribus britanniques prirent l'allure de guerres déclarées; l'éventualité qu'une partie importante de la Grande-Bretagne soit unie sous les fils de Cunobelinus se présenta alors, ce qui était contraire aux intérêts de Rome. Claude lui-même souhaitait vivement un triomphe militaire pour renforcer sa position. C'est pourquoi, en 43, il réunit sur la côte de la Manche une armée redoutable de quatre légions, la 2e, la 9e, la 14e et la 20e, et d'auxiliaires sous les ordres d'Aulus Plautius, et de quelques chefs légionnaires expérimentés (l'un d'entre eux était le futur empereur Vespasien). La force totale était peut-être de 40 000 hommes. Les hommes commencèrent par refuser d'embarquer, car ils avaient l'impression qu'on les envoyait au-delà du monde connu, et il fallut que Narcisse, l'affranchi de l'empereur, spécialement envoyé de Rome, les convainquît. Une partie de l'armée débarqua à Richborough (Rutupiae) où on peut encore voir des vestiges du grand camp, et une autre probablement près de Chichester (Noviomagus Regen-sium, dont on parle parfois sous le nom de Regnum). L'intention de Plau-tius était de soumettre le royaume des fils de Cunobelinus. Il gagna une bataille décisive sur la Medway, et Togo-dumus fut tué peu après. Ce revers raffermit la résistance des Britanniques à un point tel que Plautius s'en alarma, et, la chose est rapportée, envoya chercher Claude, ce qu'on lui avait ordonné de faire, s'il rencontrait des difficultés. Cela a paru incroyable à certains historiens, mais Claude arriva par la suite avec des renforts, prit Colchester — on débat du point de savoir s'il prit lui-même une part active au combat — et reçut la soumission de nombreuses tribus. Caratacus s'enfuit, finissant par rejoindre les Silures des Galles du Sud, afin d'encourager la résistance à Rome. Le pays de Cunobelinus fut transformé en province romaine, avec Colchester comme capitale, et la 20e légion y fut postée en garnison. On construisit un fort à Saint Albans (Verulamium). Claude poursuivit la politique qui consistait à avoir des royaumes-clients tout autour de la province : c'est ce que furent les Iceni de Norfolk, et les Brigantes dans le Nord, bien que ces derniers se sentissent largement indépendants. Un important roi-client fut Cogidubnus, dont les terres avaient pour centre la région de Chichester, dans le Sussex de l'Ouest (le palais mis à jour par des fouilles à Fish-boume est presque certainement le sien). Plautius fut nommé gouverneur de la province et reçut l'ordre de s'assurer du reste du pays. Son général, Vespasien, réussit plusieurs campagnes dans le Sud et l'Ouest, pénétrant peut-être jusque dans le Devon et la Cornouailles, et acquérant une réputation qui allait lui être précieuse ultérieurement, lorsque se posa la question de la succession au trône impérial. En 47, le temps de gouvernement de Plautius était arrivé à son terme, la 9e légion avait repoussé la frontière jusqu'à la Humber et au-delà, et les Romains étaient les maîtres des basses terres du Sud et de l'Est. La route connue sous le nom de Foss(e) Way, de l'embouchure de la rivière Axe, à l'est d'Exe-ter (Isca Dumnoniorum) à Lincoln (Lindum) indique probablement la limite d'ensemble de l'autorité romaine. Ostorius Scapula, le nouveau gouverneur, dut contrer des attaques de tribus à l'extérieur de la province dès qu'il prit son commandement. En 49, il implanta une colonie de vétérans de l'armée à Colchester (c'est à peu près à cette époque que l'administration du gouverneur se déplaça à Londres [Londinium]) et, en 51, il battit Caratacus qui était devenu le chef de l'opposition contre Rome, et s'enfuit après la bataille auprès de Cartimandua, reine des Brigantes. Mais Cartimandua s'était soumise à Rome et elle le remit aux Romains qui lui ménagèrent une captivité honorable. Les Silures n'étaient pourtant pas vaincus, et ils continuèrent à causer de sérieux ennuis aux Romains. 4. 58-96 apr. J.-C. (mort de l'empereur Domitien). En 58, C. Suetonius Paulinus, général distingué, devint gouverneur de la Grande-Bretagne et réussit deux campagnes militaires, probablement dans les Galles du Nord, puisqu'on 60 il livra l'assaut à Angle-sey, un refuge de rebelles, et eut à affronter des hordes de soldats féroces, de femmes frénétiques, et de druides. Il en vint à bout, mais fut rappelé d'Anglesey dans la province à cause de la nouvelle d'une rébellion. Prasu-tagus, roi des Icènes, était mort, laissant l'empereur (Néron) cohéritier en même temps que ses deux propres filles. Les officiers du gouverneur, et en particulier le secrétaire financier (procurator) de la province, se conduisirent comme si le territoire tout entier était tombé entre les mains de Rome, pillant, évinçant les indigènes, les traitant comme des esclaves, pour finalement fouetter la reine Boudicca et violer ses filles. La révolte (qui débuta probablement en 60) qui éclata chez les Icènes gagna rapidement les Innovantes, qui avaient perdu leurs terres au bénéfice des colons de Colchester, ainsi que les tribus voisines. Colchester tomba presque immédiatement et fut détruite les Britanniques se tournèrent vers le centre commercial florissant de Londres. En route, ils rencontrèrent Q. Petilius Cerialis à la tête d'une partie de la 9e légion. Sa cavalerie et lui s'échappèrent, mais l'infanterie fut anéantie. Suetonius galopa en toute hâte avec la cavalerie en direction de Londres, mais, n'ayant pas assez de troupes, il n'essaya pas de la défendre : Londres et Saint Albans furent mises à sac et incendiées. Soixante-dix mille habitants furent tués dans les trois villes. Suetonius rejoignit son infanterie quelque part dans les Midlands, et avec dix mille hommes il affronta la force de beaucoup supérieure de Boudicca et la détruisit complètement. La reine mourut peu après, ayant peut-être avalé du poison. Suivit alors la destruction impitoyable des terres de toutes les tribus impliquées, mais le nouveau procurateur, Julius Classicianus, s'arrangea pour remplacer Suetonius par un gouverneur beaucoup plus modéré, Petro-nius Turpilianus. Sa nomination marqua une longue période de stabilité dans le Sud. On a trouvé à Londres la tombe massive de Classicianus qui est à présent au British Museum. En 71, Cerialis, le commandant militaire mentionné plus haut, fut nommé gouverneur de Grande-Bretagne. De puis qu'il avait survécu à la défaite de la 9e légion, il s'était distingué en étouffant la rébellion de Civilis, chef des Bataves, sur le Rhin. Il conquit alors la plus grande partie du territoire des Brigantes où la révolte avait éclaté, et où Cartimandua avait perdu son trône; il installa la 9e légion à York (Eburacum), qui devint le principal centre militaire romain du nord de l'Angleterre. Son successeur en 74, Sextus Julius Frontinus, soumit les Silures et construisit une nouvelle forteresse à Caerleon-on-Usk (Isca Silurum). On établit désormais des communications faciles avec les Galles. Gnaeus Julius Agricola qui succéda à Frontinus en 78 (probablement) anéantit presque les Ordoviciens et annexa Anglesey (Mona). En 79, Agricola pacifia le nord-ouest de l'Angleterre et, la saison de la campagne achevée, entreprit de rendre la civilisation romaine avec tout son apparat désirable aux indigènes. L'année suivante, il envahit les basses terres d'Écosse et atteignit la ligne du Forth et de la Clyde. En 83, il fit mouvement plus loin vers le nord afin de prévenir une révolte possible des tribus du Nord, et, en 84, il infligea une défaite célèbre aux Calédoniens, au mont Graupius, dont l'emplacement a fait l'objet d'amples débats. On fit faire à la flotte le tour de la Grande-Bretagne, et on confirma ainsi qu'il s'agissait bien d'une île. On devait installer des garnisons en Écosse orientale, au nord du Forth, mais on en était maintenant à la fin de la saison des campagnes. Agricola fut rappelé à Rome après avoir été gouverneur pendant plus de six ans. On retira une légion, et à la fin du siècle, ou peu après, on abandonna l'Écosse au-delà de la ligne du Forth et de la Clyde. L'occasion ne se représenta jamais d'englober l'ensemble de l'île dans une seule province. 5. 96-286 apr. J.-C. Pendant les quelque quarante années qui suivirent le rappel d'Agricola, aucune source littéraire n'existe sur l'histoire de la Grande-Bretagne, et il nous faut compter sur l'archéologie. Au cours des premières années du IIe siècle, la malheureuse 9e légion cessa d'exister à York et on pensait généralement que ses hommes avaient été réformés après une défaite honteuse. Il apparaît maintenant qu'elle fut retirée de Grande-Bretagne avant de disparaître finalement de la scène de l'histoire. Sous l'empereur Trajan (98-117), il semble que se soit effectué un retrait du sud de l'Écosse, et qu'une nouvelle frontière ait été créée le long de la ligne qui joint le golfe de Solway à la Tyne, ce qui fut confirmé par l'empereur suivant, Hadrien (117-138), avec la frontière la plus élaborée de tout le monde romain. Elle fut construite après la visite de l'empereur en 122. Le «mur d'Hadrien», dont une grande partie est toujours visible, allait de Wallsend-on-Tyne à l'est, à Bowness-on-Solway à l'ouest, faisant 118 kilomètres en tout. Il fut bâti en pierre, sur 2,50 mètres à 3 mètres d'épaisseur, et environ 6 mètres de hauteur, parapet compris ; une section de l'extrémité occidentale, là où le calcaire est rare, fut construite en tourbe, et convertie en pierre quelques décades plus tard. Vers le nord, il était doté d'un fossé de largeur et de profondeur variables, et renforcé par des forts munis de garnisons, d'ouvrages tous les miles, et de tourelles. Sur l'arrière, vers le sud, il y avait un autre fossé (le vallum), et, plus tard, une route militaire. La construction de cette vaste fortification fut compliquée et il fallut la plus grande partie de la décade pour la terminer. Elle servait de base de départ aux patrouilles, elle isolait les pillards du Nord et procurait au Sud des conditions de sédentarisa tion qui permirent à l'économie et aux arts pacifiques de s'épanouir. Sous Hadrien, la romanisation de la province progressa rapidement; les cités étaient ornées de grands édifices publics de même que de grandes maisons citadines et la complexité sans cesse croissante de l'administration locale impliqua une beaucoup plus grande partie de la population dans le mode de vie romain. Peu après son intronisation, Antonin le Pieux inaugura en 138 un nouveau changement de politique. Le gouverneur de la Grande-Bretagne Quintus Lollius Urbicus avança une fois de plus dans le sud de l'Écosse, reconquit les basses terres, et construisit un nouveau mur-frontière en tourbe, avec un fossé devant, joignant le golfe du Forth à la Clyde, de 60 kilomètres de long, moins élaboré que le mur d'Hadrien, mais doté du même plan de base, avec une alternance de forts et de postes plus petits. On a peu de renseignements directs sur la raison pour laquelle la frontière fut déplacée, mais la province devait probablement sembler plus sûre si l'Écosse du Sud se trouvait sous contrôle romain, et une frontière plus courte autorisait une plus forte concentration de troupes. Si les Romains comptaient sur la paix pour réaliser la romanisation de cette région, ils furent déçus ; ils semblent avoir été durement éprouvés par une révolte dans les années 150, même s'ils remportèrent finalement la victoire. L'histoire de cette période est confuse, le mur d'Antonin semble cependant avoir été abandonné vers 163. Peu après 180, la guerre qui est décrite comme la plus importante du règne de l'empereur Commode eut lieu en Grande-Bretagne. Des tribus venues du Nord franchirent irrésistiblement le mur d'Hadrien, se livrèrent à des ravages et détruisirent une force romaine. Une campagne punitive, victorieusement menée en 184, fut suivie par une retraite jusqu'au mur. L'influence romaine fut acceptée dans les basses terres, mais les tribus demeurèrent autonomes. Après l'assassinat de l'empereur Commode en 192, Clodius Albinus, gouverneur de Grande-Bretagne, devint le rival du nouvel empereur, Sep-time Sévère, et finit par réclamer le trône. En 196, il passa en Gaule avec une armée, il y fut battu par Sévère en 197 et se suicida. Le retrait de troupes qu'il effectua de Grande-Bretagne fournit l'occasion à ceux qui détestaient Rome, en particulier à ceux qui se trouvaient au-delà du Mur, de se livrer au vandalisme et au pillage ; mais les réparations importantes effectuées dans les forts et particulièrement celles du Mur, qui eurent lieu dans les premières années du règne de Sévère, semblent, à la lumière de preuves récentes, avoir succédé à des années de négligence, plutôt qu'être le résultat d'une rébellion ou d'une invasion importante, ainsi qu'on l'avait cru jusque-là. En 208, Sévère lui-même arriva en Grande-Bretagne (accompagné par ses fils et sa redoutable femme Julia Domna) afin de mener une expédition punitive contre l'Écosse. Celle-ci fut exécutée sans obtenir de victoire décisive, et Sévère méditait une nouvelle campagne lorsqu'il mourut en 211. La frontière britannique n'en resta pas moins inviolée jusqu'en 296. Vers le début du IIIe siècle, la Grande-Bretagne fut divisée en deux provinces, celle du Nord qui avait son centre à York et celle du Sud à Londres. Elle demeura relativement calme pendant le reste du siècle et connut une prospérité modérée, qui n'avait rien de typique si on la compare aux convulsions qui se produisirent ailleurs dans l'Empire au cours de cette période. 6, 286-336 apr. J.-C. Au début du règne de Dioclétien (284-305), les maraudeurs saxons et francs commencèrent à devenir gênants sur les côtes du nord de la Gaule. Carausius, habitant des Pays-Bas, fut mis à la tête de la flotte. Il s'occupa avec succès des maraudeurs, mais conserva le butin pour lui-même. On ordonna son arrestation et son exécution, sur quoi il se déclara lui-même empereur, et s'empara des provinces de Grande-Bretagne en 286 ou 287, rendant l'île indépendante du gouvernement central de Rome. On laissa quelque temps la paix à Carausius qui gouverna la Grande-Bretagne de façon efficace et heureuse (voir Dioclétien pour la division de l'Empire en quatre régions militaires). Mais en 293, César Constance lui infligea de notables défaites sur ses bases continentales, et peu après Carausius fut assassiné par l'un de ses principaux alliés, Allectus, qui s'empara lui-même des provinces de Grande-Bretagne. On a souvent mis au crédit de Carausius la construction des forts de la côte saxonne édifiés à la fin du IIIe siècle, mais ils furent probablement construits par l'empereur Probus (276-282). En 296, Constance déclencha une invasion contre Allectus, et ce dernier fut tué lors de la bataille. Constance récupéra ainsi les provinces qui avaient besoin de reconstructions considérables. On entreprit une expédition contre les tribus au-delà du Mur. En 306, lorsque Constance devint le premier des Augustes (empereur), il fut rejoint par son fils Constantin afin de se livrer à une autre invasion de l'Écosse, et remporta une grande victoire. Il mourut peu après à York et son fils lui succéda comme César. Constantin dut bientôt partir pour la Gaule, mais, pendant la première moitié du ive siècle, la Grande-Bretagne jouit de la paix et de la prospérité. Constantin devint un chrétien enthousiaste, attribuant à l'intervention du dieu chrétien sa victoire au pont Milvius en 312, et, en 313, l'édit de Milan accorda à l'Église chrétienne la liberté de culte (voir christianisme). En 314, trois évêques de Grande-Bretagne assistèrent au concile d'Arles. 7. 337-370. Après le chaos qui suivit la mort de Constantin en 337, son fils Constantin II lui succéda. Il eut sous son commandement la Grande-Bretagne, la Gaule, et l'Espagne. Il envahit l'Italie, domaine de son frère Constant, en 340, et fut tué pendant la bataille. Une crise sur laquelle on ne sait rien ramena inopinément Constant en Grande-Bretagne en 343, peut-être des attaques des Pictés et des Scots au-delà du Mur, ainsi que des maraudeurs saxons et francs dans le Sud. En 368, la menace contre la sécurité des Britanniques se fit inquiétante, et, au cours de cette année, une attaque concertée fut menée par les tribus du Nord, de la côte Ouest, et du Sud-Est. Le pays fut submergé et Londres menacée. Il fallut deux ans avant qu'un commandant militaire, Théodose (l'Aîné), un Espagnol, envoyé par l'empereur Valentinien, pût rétablir l'ordre. Il chassa les envahisseurs, et répara à nouveau le Mur. Une fois de plus, la Grande-Bretagne avait un gouvernement ferme et des défenses assurées, mais il n'allait s'écouler que quarante ans avant qu'elle cessât de faire partie de l'Empire romain. 8. La fin de la Grande-Bretagne romaine. En 370, la Grande-Bretagne paraissait prospère et à l'abri du danger, mais la puissance grandissante des Barbares à l'extérieur de l'Empire menaçait toute l'Europe. De 383 à 407, non seulement on retira fréquemment des troupes de Grande-Bretagne, mais l'armée qui y résidait suscita des prétendants au trône qui emmenèrent de grandes forces de l'autre côté de la Manche pour soutenir leurs prétentions. En 383, quand l'empereur Gra-tien perdit la faveur de la Grande-Bretagne, l'armée donna son appui à Maxime (Magnus Clemens), que la mémoire populaire celtique célébra longtemps comme un héros. Il emmena une armée en Gaule, dégarnissant pour cela les défenses. Gratien fut tué et Maxime devint en fait le chef de l'Empire occidental. En 388, il fut battu et mis à mort par l'empereur Théodose Ier (fils de Théodose l'Aîné : voir 7, supra). Après sa mort, les raids maritimes des Pictés, des Irlandais et des Saxons contre la Grande-Bretagne se poursuivirent jusqu'à ce qu'en 396-398 on envoyât contre eux des expéditions navales sous le commandement de Stilicon, régent du jeune empereur Honorius, et une certaine sécurité fut à nouveau rétablie en 399. Mais on continua à retirer des troupes, dont beaucoup provenaient de la population indigène, pour la défense de l'Italie et, en particulier, pour la guerre contre Alaric, chef des envahisseurs wisigoths. En 406, survint une invasion de la Gaule par les Barbares qui, vers la fin de l'année, avaient traversé en grand nombre le Rhin gelé. Certains généraux se rendirent compte qu'il serait impossible de défendre la Grande-Bretagne si la Gaule tombait, et un nouveau prétendant au trône, Constantin III, traversa la Gaule avec une armée en 407, y reconquérant le pouvoir, ainsi qu'en Espagne, l'année suivante. Le désordre se répandit bientôt à nouveau, sous forme de rébellions en Espagne et en Gaule. Une lettre de l'empereur Honorius, en 410, l'année où Alaric et ses Wisigoths mirent Rome à sac, est souvent interprétée comme un conseil aux Britanniques, qui avaient souffert de graves incursions des Saxons depuis 408, de veiller eux-mêmes à leur propre défense. Le gouvernement romain cessa d'être en vigueur en Grande-Bretagne et ne devait plus jamais être imposé à nouveau en permanence. Aux environs de 450, les Barbares étaient en Grande-Bretagne et devaient y rester. Tant que l'on s'attendait à ce que Rome assumât à nouveau le commandement, il y eut probablement peu de changement politique. Peu après 400, l'occupation du Mur d'Hadrien avait cessé. Nombre de villas continuèrent à être occupées pendant encore quelques années; certaines disparurent dans la violence, d'autres tombèrent en ruines ; très peu se transformèrent en manoirs saxons. L'industrie déclina brutalement et la frappe de la monnaie se fit plus rare. Les villes également tombèrent en décadence, mais certaines reçurent des colons germains et continuèrent à être occupées. Ce n'est qu'à la fin du IVe siècle que le christianisme devint une force de quelque importance; ce fut alors la principale religion, et elle acquit de l'influence grâce aux monastères qui furent des centres d'érudition aussi bien que de dévotion. 9. La Grande-Bretagne sous les Romains. La romanisation affecta tous les aspects de la vie britannique. Son instrument principal fut peut-être la langue latine, la lingua franca dans un pays qui allait contenir tellement de nationalités, en particulier dans l'armée. Comme la langue celte était presque exclusivement une langue parlée, quiconque voulait écrire, devait le faire en latin. Pour beaucoup de gens, le latin n'était rien de plus qu'une seconde langue, mais Agricola veilla à ce que les fils des chefs britanniques reçoivent une éducation romaine traditionnelle et absorbent ainsi la culture latine. L'une des caractéristiques les plus marquées de l'occupation romaine fut le développement de cités convenablement planifiées dans un pays qui jusqu'alors n'avait rien de plus que des villages (la mention des collines dominées par des forts). Le processus fut rapide et, à la fin du Ier siècle, il y eut de nombreuses cités, des capitales tribales (civitates) telles que Winchester (Venta Belgarum), Chichester, Cirencester (Corinium), et Dorchester (Dumovaria) et des implantations de soldats vétérans (colo-niae) à Colchester, Gloucester (Gle-vum) et Lincoln; York, bien que fondation du Ier siècle, devint ultérieurement une colonia. Saint Albans, fondée à la même époque, fut peut-être la seule cité britannique à être instituée en municipium avec le statut privilégié qui accompagnait ce titre. Les petites villes étaient elles-mêmes souvent construites selon un système de quadrillage. Presque toutes les villes possédaient des aménagements qui amenaient l'eau aux bains publics (une nécessité pour les Romains) et aux fontaines, quelquefois à des maisons individuelles, avec également des canalisations et des égouts. Au centre de la ville se trouvaient le forum et la basilique (hôtel de ville), et à l'extérieur des murs (dont toutes les villes étaient entourées), des arènes pour la présentation des jeux. La ville de Bath (Aquae Sulis) était le centre d'un important culte guérisseur, et également un lieu de villégiature pour les Romains et les Britanniques riches. À partir de la moitié du Ier siècle apr. J.-C., Londres fut un centre commercial et militaire important et devint bientôt la capitale administrative de la province tout entière, bien que l'on ne puisse indiquer la date à laquelle elle reçut formellement ce titre. Dans le domaine de l'agriculture, il se peut que les Romains n'aient pas introduit de progrès techniques, mais il est certain que, dans la Grande-Bretagne romaine, l'agriculture devint beaucoup plus intensive. Les trois quarts au moins de la population doivent s'être livrés au fermage, mais il leur fallait subvenir, outre à leurs propres besoins, à ceux d'une population non agricole beaucoup plus importante qu'à l'âge du fer. L'armée du Mur et des forteresses des hautes terres était probablement approvisionnée en céréales par les ressources de la culture des terres arables de ces régions, et les vastes troupeaux de bétail qui paissaient là fournissaient les énormes quantités de cuir dont on avait besoin.

Liens utiles