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Georges Simenon

Romancier belge d’expression française né le 13 février 1903. Ecrivain prodigieusement fécond dont les œuvres se comptent par centaines. A commencé par écrire sous divers pseudonymes (Georges Sim, Gom Gut, Christian Brûlis etc.) des romans populaires et d’aventures, avant de créer en 1931 son célèbre personnage de Maigret. Puis il s'est consacré à des romans plus ambitieux ainsi que, ces dernières années, à des œuvres autobiographiques. Elu à l’Académie royale de Belgique en 1952, traduit dans toutes les langues, Simenon a été adapté au cinéma par une pléiade de réalisateurs (Duvivier, Carné, Decoin, Renoir, Verneuil, Granier-Defferre...) et son héros, Maigret, a donné lieu à de multiples séries télévisées.

L’œuvre de Simenon possède, extraordinairement, le double privilège d’être l’une des plus « populaires » du XXe siècle et aussi l’une des plus vantées par l’establishment littéraire. Comment expliquer, par exemple, que Gide ait pu dire de lui : « le plus grand romancier de tous, le plus vraiment romancier que nous ayons en littérature. » ? Si nous entendons par romancier chroniqueur balzacien, sociologue de la littérature se préoccupant d’abord du « contexte », du « milieu » économico-géographique, il se peut que l’on puisse accorder quelque crédit au jugement outrancier de Gide. En effet, que ce soit dans la série des Maigret ou dans ses romans dits « sérieux » ou « durs », Simenon décrit toujours une humanité moyenne, composée essentiellement de petits-bourgeois médiocres et confrontés, un beau jour, à une certaine angoisse existentielle que provoque un drame, un « fait-divers inattendu ». Maigret, plus qu’il ne se livre à une enquête policière, hante, erre le long des quais, des canaux, des ports, et des âmes. Le criminel ne l’intéresse pas en soi, cé qui compte c’est l'atmosphère.« Je veux des personnages ordinaires, avec lesquels tout le monde puisse se confondre. » Simenon refuse le pittoresque et l’exotisme. Et cela est vrai de ses livres de reportage également, dont l’un, au moins, porte un titre significatif : A la recherche de l’homme nu. L’intrigue policière n’est qu’un prétexte. C’est pourquoi l’écrivain utilise de façon systématique un ton dédramatisé, une voix neutre, sans style, presque blanche et anonyme. Cet aspect, auquel on pourrait ajouter le thème de l’incommunicabilité entre les êtres, pourrait faire passer Simenon pour quelque précurseur génial du Nouveau Roman. Mais ce serait ignorer le pathos qui règne dans toutes ses œuvres, y compris les meilleures. Ne s’est-il pas lui-même comparé à une « éponge » qui « absorbe les souffrances des petites gens, (ses) semblables. » ? Nous avons affaire à un romancier simplement réaliste qui s’est servi de son expérience de journaliste, de ses nombreux voyages à travers le monde, pour camper les « décors » de ses intrigues. Belgique pour La Maison du Canal, France pour Le Haut Mal, Afrique pour Le Coup de Lune, Polynésie pour Le passager clandestin, etc. Comme Stevenson qu’il admire, Simenon se veut d’abord un « raconteur d’histoires ». Et à cet égard, la séparation de son œuvre en genres ou périodes ne se justifie pas. Il n’y a pas Maigret et les « autres... » mais une seule et même chronique de son temps, des êtres qu’il regarde, avec humanité, tendresse et lucidité. Pourquoi vouloir faire de Simenon plus qu’il n’est et souhaite être ? La référence « balzacienne » a-t-elle encore aujourd’hui beaucoup de sens ? Que signifie donc la notion de petit chef-d’œuvre que l’on peut, à juste titre, appliquer à certains de ses romans (La vérité sur Bébé Donge, La neige était sale, Cour d’assises ou La Veuve Couderc...) ? N’est-il pas plus mesuré et adéquat de relire Simenon à travers ce jugement porté sur Maigret par Miller : « Ni optimiste ni pessimiste, mais quelqu’un qui voit clair, et loin, et large; quelqu’un qui ne juge ni ne condamne, qui est constamment en accord avec le rythme de sa vie » ?

SIMENON Georges. Écrivain belge. Né le 13 février 1903 à Liège. Fils du comptable d’une compagnie d’assurances, il fait des études secondaires comme boursier, éprouve un moment la tentation d’entrer dans les ordres, et renonce, à la fin de la Première Guerre mondiale, à ses études : il est alors âgé de quinze ans. Il exerce divers métiers, celui d’apprenti pâtissier, de commis en librairie dans sa ville natale. Il entre ensuite à La Gazette de Liège et commence une carrière de journaliste reporter, spécialiste des petits crimes, des « chiens écrasés ». Il découvre dans ce métier modeste, mais qui le passionne, de nombreux aperçus des décors, des milieux sociaux et aussi des caractères psychologiques particuliers qu’il utilisera bientôt dans ses romans. En effet, avant de signer sous son vrai nom plus de 300 romans, il publie avant l’âge de vingt ans, alors qu’il se trouve à Paris en qualité de garçon-coursier (1922), de nombreux romans-feuilletons et des nouvelles qu’il signe sous différents pseudonymes, Aramis, Plick et Plock, Jean Sandor et, le plus connu, Georges Sim. Le Matin, Sans Gêne, Frou-Frou, Le Merle blanc, Eve, Paris-Plaisirs, Le Sourire, Ric et Rac en particulier accueillent les feuilletons de Georges Simenon qui peut ainsi tout en apprenant son métier d’écrivain, obtenir déjà un succès d’estime. Jusqu’en 1929, il écrira ainsi plus de mille nouvelles et plus de deux cents romans policiers, psychologiques et d’aventures dans lesquels il semble souvent s’inspirer d’Edgar Poe et où il montre un goût pour les intrigues inextricables que domine la fatalité. Ce succès de feuilletoniste permet à Georges Simenon d’acheter un bateau et, comme il est issu d’un pays d’eaux et de canaux, il entreprend une sorte de tour de France par les voies navigables, ce qui lui inspirera de nombreux romans qui ont pour cadre les fleuves, rivières, canaux, écluses du nord de la France en particulier, et mettent en scène la vie des bateliers. D’autres voyages sur les fleuves américains, sur les océans et les mers du Sud avec son propre bateau ou sur des navires de ligne et de croisière lui permettront de trouver des inspirations nouvelles et exotiques pour ses romans. En 1929, Georges Simenon crée le personnage du commissaire Maigret, dont la célébrité a maintenant fait le tour du monde. Il est vrai que Maigret, depuis cinquante années ne vieillit pas. Il a simplement troqué le chapeau melon pour le chapeau mou, mais il a gardé sa célèbre pipe et ses méthodes d'investigations restent toujours les mêmes. Ses enquêtes le conduisent au milieu de drames et de crimes qui sont souvent commis par des êtres solitaires, privés d’affection, brisés par la vie et par la médiocrité de leur profession ou par une existence sentimentale ratée. Le commissaire Maigret est ainsi confronté au sordide, à des milieux sociaux misérables, étriqués, carcéraux, ou mesquins quand il s’agit de la bourgeoisie. Dans cette sorte de microcosme d’un monde souvent en marge et de personnages broyés par des destins excessifs, Maigret apparaît non seulement comme un commissaire qui traque, certes, les criminels, en saisissant leurs motivations, mais aussi comme un psychologue, qui médite, qui se met à la place du criminel, qui se replace dans le climat où il a commis son assassinat. Mais c’est surtout l’humanité du commissaire Maigret (son indulgence parfois évidente pour ses victimes) qui est la plus visible, ce qui n’exclut chez lui, ni la colère brusque, ni la fermeté. Maigret est lui-même un Français moyen, un petit-bourgeois du boulevard Richard-Lenoir qui vit entre sa femme et quelques amis, parmi lesquels le docteur Pardon, ou avec ses subordonnés — tels Janvier et Lognon. Sa célébrité (amplifiée par de nombreux films de cinéma et de télévision) a fait de Maigret un personnage presque vivant, à la manière de Sherlock Holmes ou de Hercule Poirot ': on lui a même élevé une statue en Hollande où se passent quelques-unes de ses enquêtes ! Maigret reste une des plus remarquables créations du roman policier, mais aussi et surtout un type littéraire parmi les plus attachants du XXe siècle. Des nombreux romans où le commissaire Maigret révèle sa personnalité . subtile sous une pesante apparence physique, il faut citer : Maigret (1934), Maigret revient (1942), Les Nouvelles Enquêtes de Maigret, (1942), La Pipe de Maigret (1947), Maigret et l’inspecteur malchanceux (1947), Maigret à New York (1947), Maigret se fâche (1947). La Première Enquête de Maigret (1949), Mon ami Maigret (1949), Maigret chez le coroner (1949), L’Amie de Mme Maigret (1950), Maigret en meublé, Maigret et la vieille dame (1950), Les Mémoires de Maigret (1951), Maigret au Picratt’s (1951), Un Noël de Maigret(1951), Maigret et l’homme du banc (1953), Maigret a peur (1953), Maigret se trompe (1953), Maigret à l’école (1954), Maigret et la jeune morte (1954), Maigret tend un piège (1955), Maigret chez le ministre (1955), Maigret et le corps sans tête (1965), Un échec de Maigret (1956), Maigret s’amuse (1957), Les Scrupules de Maigret (1958), Maigret voyage (1958), Maigret et les témoins récalcitrants (1959), Une confidence de Maigret (1959), Maigret aux assises (1960), Maigret et les vieillards (1960), Maigret et le voleur paresseux (1961), Maigret et les braves gens (1962), Maigret et le client du samedi (1962), Maigret et le clochard (1963), Maigret se défend (1964), Maigret et le fantôme (1964), Les Vacances de Maigret (1968), Maigret et son mort (1968). Mais le personnage de Maigret ne doit pas nous faire oublier l’autre face romanesque de Georges Simenon, tout aussi capitale. La genèse de cette œuvre est née des nombreux reportages que Georges Simenon accomplit pour Paris Soir avant la guerre. C’est ainsi qu’il voyagea sur presque tous les continents, qu’il visita Léon Trotski, en 1933, qu’il enquêta en 1934 sur l’assassinat du conseiller Prince, et qu’il fit le tour du monde en 1935. Il s’installe aux Etats-Unis et y séjourne, notamment à Tucson en Arizona, avant de se fixer en 1959 en Suisse, près de Lausanne. Ainsi, Georges Simenon accomplit pendant près de cinquante ans un véritable tour du monde de la condition humaine et ses romans trouvent leur cadre aussi bien dans des pays européens qu’exotiques. De son immense production romanesque, qui constitue un cas en littérature (comme l’avait noté André Gide qui appelait Georges Simenon « notre Balzac »), nous nous bornerons à citer quelques romans, dans lesquels l’écrivain montre à la fois sa sobriété, son intuition, ce qu’on a pu appeler son impressionnisme, son sens proustien du passé et du souvenir, ses dons de peintre des conflits moraux et sociaux, en plaçant des personnages dans des situations insurmontables où ils s’embourbent et dont ils ne peuvent souvent sortir que par le crime, la fuite, ou la mort. Parmi ses romans les plus connus, nous pouvons citer : La Tête d'un homme (1930), Le Pendu de Saint-Pholien (1930), Pietr le Letton (1930), Le Charretier de la Providence (1930), Monsieur Gallet décédé (1930), Le Chien jaune (1931), Un crime en Hollande (1931), La Danseuse du Gai Moulin (1931), La Guinguette à deux sous (1931), La Nuit du carrefour (1931), Au rendez-vous des Terre-Neuvas (1931), L’Ombre chinoise (1931), Le Port des brumes (1931), Les Suicidés (1932), Les Pitard (1932), Le Locataire (1932), Liberty-bar (1932), Le Fou de Bergerac (1932), L’Affaire Saint-Fiacre (1932), Chez les Flamands (1932), Le Coup de lune (1933), L’Ecluse n° 1 (1933), Les Fiançailles de M. Hire (1933), Les Demoiselles de Concarneau (1936), Le Testament Donadièu (1937), Faubourg (1937), Le Blanc à lunettes (1937), Le Cheval blanc (1938), Trois Crimes de mes amis (1938), Les Sœurs Lacroix (1938), La Marie du port (1938), L’Homme qui regardait passer les trains (1938), Le Coup de vague (1939), Chez Krull (1939), Malempin (1940), Les Inconnus dans la maison (1940), Le Voyageur de la Toussaint (1941), Cours d’assises (1941), Bergelon (1941), La Vérité sur Bébé Donge (1942), Oncle Charles s’est enfermé (1940), Le Petit Docteur (1943), Les Dossiers de l’agence O (1943), L’Aîné des Ferchaux (1943), Signé Picpus (1944), Je me souviens (1945). La Fenêtre des Rouet (1945), Trois Chambres à Manhattan (1946), Lettre à mon juge (1947), Le Destin des Malou (1947), Pedigree (1948), La neige était sale (1948), Le Temps d’Anaïs (1951), L’Horloger d’Everton (1954), Le Petit Homme d’Arkhangelsk (1956), Le Fils (1957), Le Président (1958), Les Anneaux de Bicêtre (1963), Le Confessionnal(1966). Georges Simenon a décidé dans les années 1970 de ne plus écrire de romans. Mais il n’en reste pas moins l’un des écrivains les plus traduits dans le monde et sans doute l’un des plus célèbres. On a parlé de lui pour le Prix Nobel de Littérature ce qui le consacrerait comme un écrivain à part entière et le libérerait de l’injuste qualification de « romancier pour feuilleton » qu'on lui a parfois attribuée.




♦ « Un Balzac sans longueur. » Marcel Aymé. ♦ « Ce qui me plaît en vous, c’est « l’homme dans la foule », cette manière unique de voir l’être dans la fourmilière humaine, qui ne peut venir que d’un très grand esprit...» Max Jacob. ♦ «Plusieurs années, Georges Simenon se consacra à la peinture étouffante d'êtres amorphes, perdus dans les grandes cités... Petit à petit, l’oxygène semblait manquer à ses ouvrages qui rappelaient une sorte de Mauriac sans la grâce, de Julien Green sans démons. » Robert Brasillach. ♦ « Il reste le peintre souvent admirable de cette masse ballottée, indécise, indessinée, tiraillée d’aspirations inconciliables, oscillant d’un embourgeoisement désiré à une prolétarisation redoutée. » Claude Roy. ♦ « Toujours, j’ai considéré, Georges Simenon comme un véritable écrivain. Quand Simenon décrit, peint un paysage, il a la sûreté d’un peintre japonais. C’est un psychologue, un policier de l’âme. » Robert Kemp. ♦ «Beaucoup d’auteurs font dormir, Simenon fait rêver. » Roger Nimier.

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