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femmes, condition des

femmes, condition des. 1. En Grèce. Homère et les tragédiens grecs dépeignent les personnages de femmes — Pénélope, Nausicaa, Andromaque, Hélène, Clytemnestre, Électre, et d'autres — comme jouissant d'une existence sociale relativement libre, mais la conduite de ces héroïnes est naturellement conditionnée par les conventions littéraires, et il ne faut pas les considérer comme tout à fait réalistes. Il est pourtant clair qu'à Lesbos, au viie siècle av. J.-C., la poétesse Sapho a joui d'une liberté sociale considérable à l'intérieur de son cercle de connaissances féminines, quelles qu'aient pu être les restrictions apportées à certains autres aspects de sa vie ; d'après certaines indications, dans les familles des tyrans, ou dans les familles aristocratiques, les femmes jouissaient d'une certaine indépendance. Un aperçu intéressant en est donné par Plutarque dans sa Vie de Cimon où il mentionne Elpinicè, sœur de celui-ci. Cela reflète probablement le rôle social de ces femmes dans le contexte des grandes familles pour lesquelles les alliances par mariage avaient une importance considérable. Dans la démocratique Athènes, les droits des femmes étaient rigoureusement limités (dans certains autres États, leur condition était quelque peu meilleure). Elles n'avaient absolument pas de droits politiques, elles ne pouvaient pas participer à la marche de la cité, activité qui prenait une si grande partie du temps des hommes de leur famille. La loi laissait très peu de place à une action indépendante de la femme. Son mariage était arrangé par son père ou son parent mâle le plus proche. Elle ne pouvait hériter, ou détenir de biens, ni participer à une transaction qui portait sur une valeur de plus d'un boisseau de grain. Toute affaire qui la concernait devait être traitée pour son compte par son mari, son père, ou son tuteur. Si elle n'avait aucun frère qui puisse hériter des biens de son père, en tant qu'héritière (epiklêros), elle «allait avec la propriété » (c'est le sens littéral du mot grec), c'est-à-dire que le parent mâle le plus proche qui héritait des biens devait l'épouser, en divor çant de sa femme précédente s'il en avait une, à moins qu'il ne renonce à l'héritage. L'héritière elle-même pouvait être obligée de divorcer d'avec son mari pour obéir aux lois (en fait nous ne connaissons aucun cas de recours aussi rigoureux). Les femmes étaient enfermées à la maison, bien que les comédies d'Aristophane apportent un contrepoids à la déclaration de Périclès dans son Oraison funèbre (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, liv. II) selon laquelle la meilleure réputation que peut acquérir une femme est de n'être jamais louée ni blâmée. À Athènes, les femmes avaient leurs quartiers d'habitation séparés où les jeunes filles demeuraient sous la stricte surveillance de leurs mères, afin que, selon Xénophon, « elles puissent voir, entendre, et s'interroger sur aussi peu de choses que possible ». Dans le domaine religieux cependant, les femmes avaient un rôle très important à jouer dans les rites familiaux (mariages, funérailles) et lors des fêtes publiques. De fait, toutes les femmes qui avaient le statut de citoyennes étaient mariées, et ce, très jeunes (à environ quinze ans), à des hommes beaucoup plus âgés qu'elles (probablement aux environs de trente ans); elles étaient considérées comme responsables de l'organisation du ménage y compris des esclaves, des soins aux enfants, et de l'aide des femmes esclaves qui filaient, tissaient et faisaient les vêtements nécessaires à la maisonnée. Elles quittaient rarement la maison et, si elles la quittaient, elles étaient toujours accompagnées par une esclave. Les femmes pauvres, en particulier les veuves pauvres, sortaient pour travailler, elles vendaient souvent des marchandises sur la place du marché (ce fut une plaisanterie trop souvent répétée dans les comédies, que de dire que la mère d'Euripide avait été marchande des quatre-saisons). Des enfants trouvés, des femmes étrangères, et des esclaves (mais pas des citoyennes) étaient souvent prises pour concubines (une catégorie qui avait une définition légale et des droits spécifiques) ou devenaient hétaïres ; ces dernières avaient souvent de l'éducation, et ce d'autant plus qu'elles avaient la faculté de se joindre à la compagnie des hommes, à des festins par exemple, et elles ont pu jusqu'à un certain point contrôler leurs biens. Dans la République, Platon suggéra une société radicalement différente dans laquelle la famille serait chassée de sa position centrale, mais il revint à une vue plus traditionnelle dans Les Lois. Lui-même et Aristote, qui acceptèrent la famille comme l'unité de base de la société, estimaient que les hommes et les femmes devraient recevoir la même éducation et le même entraînement. Les philosophes cyniques tels que Cratès rejetaient totalement le mariage et la vie familiale. Pendant la période hellénistique, plusieurs femmes macédoniennes puissantes exercèrent une grande autorité dans leurs propres royaumes (voir macédoine 4). Le stoïcisme joua également un rôle en encourageant à l'indépendance des femmes, en fournissant une base philosophique à l'idée de l'égalité des sexes. À Alexandrie, il semble que les femmes aient joui d'une certaine liberté. Des découvertes de papyrus comportent nombre de lettres privées écrites par des femmes, qui témoignent d'un degré d'instruction répandu : à cette époque, l'éducation était nettement à leur portée. 2. À Rome. Dans les premiers temps de Rome, le paterfamilias avait toute autorité sur sa femme et sa famille, mais, en général, le droit romain laissait plus de droits aux femmes que le droit grec. Au tout début, il devint possible, et à la fin de la République, courant, qu'une femme se mariât sans passer entièrement sous l'autorité de son mari. Dans ce cas, il était néanmoins nécessaire à la femme d'avoir un tuteur par l'entremise duquel elle menait ses affaires, et, jusqu'à l'époque d'Auguste, seules les Vestales faisaient exception à cette règle. Par la suite, les femmes qui avaient trois enfants devinrent indépendantes. A Rome, les femmes mariées ont toujours eu une condition de plus grande dignité et un rôle public plus grand à jouer qu'en Grèce. Elles ne vivaient pas enfermées, et prenaient leurs repas avec leur mari ; le symposion composé exclusivement d'hommes n'était pas le centre social de la vie de la classe supérieure romaine comme il l'était en Grèce. Les Romaines étaient libres de sortir de la maison (en portant la stola matronalis) et de se rendre non seulement dans des boutiques mais aussi dans des endroits publics tels que des théâtres ou des tribunaux. Beaucoup de Romaines des classes supérieures avaient de l'influence et prenaient une part active aux affaires qui se discutaient dans leurs maisons. Elles avaient de l'éducation, étaient intelligentes, et de bonne compagnie ; certaines maniaient ouvertement le pouvoir; d'autres demeuraient à l'arrière-plan (voir cornélie, mère des Gracques). Sous l'Empire, le mariage perdit de sa séduction, et il fallut prendre des mesures pour l'encourager en pénalisant les personnes non mariées (voir jus trium liberorum). À cet égard, Suétone note dans sa Vie d'Auguste (40 apr. J.-C.) que l'empereur recommanda la lecture par les Romains d'un discours célèbre prononcé au Sénat en 131 av. J.-C. par le censeur Caecilius Metellus Macedonius, prônant le mariage obligatoire pour encourager les naissances : « Si nous pouvions, Romains, nous passer d'une femme, nous éviterions tous ces ennuis, mais puisque la nature a décrété que nous ne pouvons ni vivre aisément avec elles ni vivre du tout sans elles, nous devons songer à notre bien-être durable plutôt qu'au plaisir du moment.» Si on considère les Satires de Juvénal comme un commentaire social sérieux du début de l'Empire, celles-ci indiquent à cette époque une démoralisation d'au moins une partie des femmes de Rome. Par ailleurs, on trouve des preuves dans la littérature qu'il existait des mariages heureux où les deux partenaires faisaient preuve d'un égal intérêt l'un pour l'autre, même si les responsabilités de la femme étaient cantonnées au foyer. L'exemple le plus frappant est l'éloge amoureux conservé par une inscription (celle que l'on appelle Laudatio Turiae), qui est censée être celle d'un certain Lucretius Vespillo (qui servit sous Pompée en 48 av. J.-C. et fut consul sous Auguste en 19 av. J.-C.) à sa femme Turia. L'inscription raconte comment elle cacha son mari pendant les proscriptions (de 43-42 av. J.-C.) jusqu'à l'obtention de son pardon, et combien elle fut loyale à la fois lorsqu'ils furent fiancés et durant les romantiques et dangereuses aventures de leurs quarante et une années de vie conjugale.

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