Exotisme (thème littéraire)
Dans ce qui est exotique, c'est-à-dire étranger au climat, aux moeurs et à la culture de la région du monde où l'on vit, on cherche une évasion et un divertissement parmi de nouveaux décors et de nouvelles façons de vivre. 1 Exotisme africain et oriental (depuis toujours) : chaleur, couleur, paysages insolites, oasis, désert, jungle, bestiaire merveilleux, moeurs nonchalantes et violentes, Maures, Noirs, Turcs, Persans, etc. La Chanson de Roland; Joinville, Histoire de saint Louis; Molière, Le Bourgeois gentilhomme; Montesquieu, Lettres persanes; Voltaire, Zadig, Candide; Hugo, Les Orientales, La Légende des Siècles; Leconte de Lisle, Poèmes antiques, Poèmes barbares; Flaubert, Salammbô; Baudelaire, Les Fleurs du Mal; Verne, Le Tour du monde en 80 jours; Gide, Les Nourritures terrestres, L'Immoraliste, Si le grain ne meurt; Claudel, Connaissance de I'Est. 2 Exotisme américain (à partir du XVIe siècle) : mythe du bon sauvage, terres vierges, Indiens. Montaigne, Essais, I, 31 ; Voltaire, Candide; Prévost, Manon Lescaut; Chateaubriand, Atala; Verne, Le Tour du monde en 80 jours; Supervielle, Gravitations. 3 Exotisme tahitien (XVIIIe siècle) ; douceur de vivre : Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville. 4 Exotisme imaginaire, inspiré des précédents : Rabelais, Le Quart Livre; Lautréamont, Les Chants de Maldoror; Michaux, L'Espace du dedans. 5 Réaction contre le mirage de l'exotisme : Lévi-Strauss, Tristes Tropiques.
EXOTISME nom masc. - Caractère de ce qui relève d’une culture différente de la nôtre. ÉTYM. : dérivé de « exotique » venu du grec exôtikos = « du dehors », « extérieur ».
En littérature, l'exotisme consiste à évoquer des pays lointains et peu familiers au lecteur. Leurs paysages, leurs coutumes, leurs habitants deviennent alors des éléments plus ou moins importants du récit auquel ils s’intégrent. Ils donnent au texte une sorte de « couleur locale » qui satisfait le désir d’évasion, de dépaysement, du lecteur. Il en va ainsi, par exemple, avec certains romans de Jules Verne. Le projet de l’auteur peut cependant être plus complexe. L’évocation de terres lointaines devient pour lui l’occasion de s’interroger et de faire s’interroger le lecteur sur leur propre culture. Le monde exotique devient alors le contrepoint à partir duquel nous nous jugeons nous-mêmes. L’exotisme des Lettres persanes est à cet égard particulièrement complexe. De manière simple, l’évocation de la Perse permet à Montesquieu de donner un peu de « couleur locale » à son texte. Le lecteur a, en particulier, l’impression d’entrer dans le monde interdit des harems. Mais, de plus, les Persans, par leur fausse innocence, nous découvrent les aspects scandaleux ou étranges de notre monde, aspects auxquels l’habitude nous a rendus aveugles. De manière plus évidente encore, tout le mythe du bon sauvage participe de cet exotisme qui permet à l’auteur de dénoncer les travers de sa propre société. L’histoire de l’exotisme est indissociablement liée à celle de la découverte des autres cultures. L’Odyssée d’Homère, en un sens, et aux yeux des Grecs, était déjà un récit exotique, puisque, au cours de son périple, Ulysse découvre des terres hostiles et mystérieuses. Pourtant, l’exotisme ne prend véritablement son sens qu’avec Père des grandes découvertes. A mesure que l’Occident prend contact, de manière violente ou pacifique, avec des continents jusque-là insoupçonnés, prennent place dans la littérature l’Orient, l’Afrique et le Nouveau Monde. Il faut retenir parmi les premières réussites de l’exotisme littéraire Paul et Virginie (1787) de Bernardin de Saint-Pierre. Mais c’est le XIXe siècle - siècle de l’expansion coloniale - qui fut véritablement celui de l’exotisme. Rares sont les grandes œuvres qui ne sacrifient pas à ce goût. On signalera essentiellement Les Natchez et le Voyage en Amérique de Chateaubriand, Salammbô de Flaubert et, sur un autre plan, les romans de Pierre Loti. L’exotisme reste-t-il aujourd’hui encore possible ? Malgré certaines réussites - tels les romans de Le Clézio -, on peut en douter. La terre a été pour l’essentiel explorée et ne contient plus de territoires vierges où s’aventurer. La « civilisation » chaque jour s’étend et le monde s’uniformise comme le constatait avec désenchantement l’ethnologue Claude Lévi-Strauss au début de ses Tristes Tropiques (1955). L’exotisme en viendra peut-être à se réfugier dans la littérature d’anticipation. Phénomène récent, l’« autre », le « sauvage », n’est plus seulement vu et présenté aujourd’hui par un voyageur occidental. Il prend la parole et, face à cet exotisme que représente à ses yeux l’Occident, il entre comme acteur dans le jeu littéraire. Ce renversement est, par exemple, évoqué dans Montaigne et le mythe du bon sauvage de l'Antiquité à Rousseau de Bernard Mouralis (Pierre Bordas et Fils, collection « Littérature vivante »).
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