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Ésemplasie (Ineinsbildung) - Schelling

Ésemplasie (Ineinsbildung)

• Uni-formation, ou formation en un du fini et de l’infini, du réel et de l’idéal dans l’œuvre d’art. •• Ésemplasie est le terme de Coleridge pour rendre l’allemand Ineinsbildung, à partir du grec eis hen plassein, forger ou façonner en un. Ce pouvoir unifiant est reconnu à l’art pour autant que l’œuvre d’art, en sa singularité insulaire (le tableau dans son cadre, la statue sur son socle), reflète quelque chose d’infini vers quoi elle constitue une échappée. La beauté elle-même se définit comme « l’infini représenté comme fini ». Le terme Ineinsbildung est suggéré à Schelling par le terme allemand Einbildungskraft, qui signifie « imagination » : Schelling interprète en effet ce terme au sens littéral, comme signifiant une force d’uni-formation {Ein-Bildung). ••• La détermination schellingienne de l’imagination comme force ésemplastique — pour reprendre le terme de Coleridge {esemplasy) acclimaté en français par Gabriel Marcel, auteur d’un mémoire sur Schelling et Coleridge— semble concerner surtout la Philosophie de l’Art pour autant qu’elle met à contribution la force esthétique {ästhetische Kraft) de l’imagination. À vrai dire, l'Ineinsbildung (avec les variantes : Einbildung, Hineinbildung) reprise d’Œtinger appartient par définition à la philosophie de l’identité, elle équivaut à l'universio (« version à l’unité ») des Aphorismes de 1805 : en ce sens, c’est dans la philosophie de l’art qu’elle est un transfuge. Et en même temps, il s’agit d’une variation sur l’un des termes fondamentaux de la pensée germanique depuis les grands mystiques rhénans, Paracelse et Jacob Boehme. De cette définition de l’imagination, on retiendra qu’elle souligne en celle-ci une faculté au sens fort du terme, une force, un pouvoir — ce que Fichte avait souligné dès la Grundlage de 1794 en définissant « le pouvoir de l’imagination » comme « cet échange (Wechsel) du moi avec lui-même et en lui-même, où il se pose en même temps comme fini et comme infini. » D’où le « flottement », ou Schweben, propre à l’imagination, selon le terme que Fichte et Schelling tiennent de Kant, notamment dans l’analyse de cet « art caché dans les profondeurs de l’âme humaine » qu’est le schématisme transcendantal. On se souviendra que Kant avait établi une distinction entre imagination productive (ou originaire) et imagination reproductive (ou dérivée), appelant encore celle-là dichtend, ce qui la rapproche de Dichtung (poésie). En déclarant que « le philosophe doit posséder autant de force esthétique que le poète », l’auteur du Plus ancien programme systématique de l’idéalisme allemand pourrait bien retrouver l’imagination conçue comme pouvoir originaire, souche commune de la sensibilité et de l’entendement.

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