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élégance

L’élégance est proprement une qualité du style. On la rapprochera du caractère convenant. Elle est à coup sûr un des moyens de plaire. On peut essayer de mesurer la portée du concept en réfléchissant sur son émergence par rapport à d’autres concepts rhétoriques. L’élégance est liée à la question du naturel, c’est-à-dire de l’artifice. Le style élégant joue sur la sélection de certains mots et sur l’arrangement des phrases ; donc, c’est essentiellement une question d’élocution. En ce qui concerne le choix des mots, l’élégance tient au terme propre, juste (et bien évidemment pur). La phrase fait l’objet d’une attention, d’une recherche même, particulières; on soigne spécialement la composition, dans le sens des liaisons agréables, des suites sonores reçues comme douces, d’une atténuation des marquages de ligature, d’une tendance à l’équilibre de membres peu longs, aux symétries courtes, aux clausules peu massives, aux chutes éventuelles tempérées, avec un emploi à la fois distingué et retenu des figures et des ornements. L’élégance est liée aussi à la clarté. Tout cela signifie que ce critère d’élégance est peu intégrable à la hiérarchie des niveaux et des genres. En effet, toujours favorablement connotée, l’élégance répugne aux déterminations fondamentales du style élevé et du grand style, dans la mesure où elle n’est pas vraiment du côté de l’abondance, mais bien plutôt du côté de la brièveté. Elle s’apparente donc à la tradition du style attique ; or l’évaluation de l’atticisme au cours de l’histoire de la rhétorique, on le sait, déclenche une véritable subversion de l’axiologie, dans la mesure où l’on peut être conduit à qualifier le style attique de bas ou d’humble. C’est que la situation est délicate. Une certaine conception de l’élégance mène à sélectionner des mots rares, ou originaux, c’est-à-dire à afficher non seulement une certaine distinction, mais aussi une distinctivité certaine, une différence, une singularité. Simultanément, la recherche systématique du toujours plus poli, du toujours plus brillant, du toujours plus étincelant peut infléchir aussi bien une critique de la grâce et du je ne sais quoi, ou une pratique de l’excessif raffinement dans le léger et l’aérien. Et parallèlement, selon une autre voie, l’élégance peut porter à favoriser une esthétique de l’apparent naturel, du faux spontané, du camouflage de tout appareil ornemental, de la nouveauté superficiellement facile. L’élégance nous apparaît ainsi comme une des possibilités de la rhétorique, une sorte de trait régulateur, plus ou moins actif, et certainement l’un des plus vivaces, de nature à pouvoir sans cesse régénérer les figements de l’académisme. Mais cette catégorie, qui désigne à la fois une inflexion stylistique et un sentiment à réception, n’est pas non plus invulnérable, par sa puissance même : nous savons bien ce que l’axiologie de l’élégance peut avoir d’étriqué dans le jugement de goût. Cependant, l’élégance est charme : son essence rhétorique, si amorale, éclate justement dans la séduction qui persuade sans technique apparente, tout simplement par ce qu’elle est.

=> Style, niveau, genre; plaire; élocution, composition; ornements, figure, chute, clausule; bas, élevé; attique; qualités; clarté, pureté, abondance, brièveté, grand style; naturel, convenant, variation.

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