Doriens
Doriens. Selon la tradition légendaire, l’ancêtre mythique des Doriens était Doros, fils d’Hellen, lui-même fils de Deucalion et Pyrrha ; Doros était frère d’Éolos et de Xouthos —► Achéens, Éoliens, Hellade, Ioniens. Les questions de l’origine des Doriens, de leurs relations avec les divers autres peuples de la Grèce dont la tradition a fait de proches parents, de leurs rapports réels avec ceux qu’une autre tradition légendaire appelle les Héraclides (ou descendants d’Héraclès, chassés d’Argolide puis revenus dans le Péloponnèse réclamer leur héritage), de la manière dont ils se sont introduits et comportés dans le monde mycénien, restent toujours discutées et en suspens. Ce qui apparaît avec certitude, c’est qu’ils ne surgissent dans le monde mycénien qu’à une époque tardive, qu’ils sont quasiment inconnus des poèmes homériques, et que, à l’orée de la période qu’on peut qualifier d’« historique », soit au début du Ier millénaire, on les trouve solidement établis dans le Péloponnèse, en Crète et ailleurs encore. D’autre part, ils ne semblent pas avoir été les seuls à s’imposer au monde mycénien en déroute. Au début de son Histoire de la guerre du Péloponnèse, Thucydide, dans cette mise en place qu’on a appelée son « archéologie », rend compte, dans une certaine mesure, de ces complexes mouvements de peuples et, s’il nous apprend que les Doriens s’emparèrent du Péloponnèse sous la conduite des Héraclides quatre-vingts ans après la prise de Troie, il note aussi que la Béotie, autrefois appelée Cadméïde, reçut son nom des Béotiens, chassés d’Arné par les Thessaliens soixante ans après la prise de Troie. Les Doriens étaient des Indo-Européens, ou, en tout cas, un peuple ayant adopté un dialecte grec de caractère indo-européen, et semblent avoir formé la dernière grande vague des proto-Grecs. Tandis que les Achéens, les Ioniens et les Éoliens avaient occupé la Grèce primitive, habitée par des populations non indo-européennes, au contact desquelles ils s’étaient affinés, créant ainsi la civilisation dite « mycénienne », les Doriens semblent s’être attardés dans les Balkans et dans les montagnes de l’Épire. Sans doute ils commencèrent par s’infiltrer d’une manière plus ou moins pacifique dans la Grèce achéenne, et il semble que soudainement, vers la fin du XIIe s. av. J.-C., ils envahirent brutalement le Péloponnèse, détruisant la civilisation mycénienne. On leur a, jadis, attribué la destruction des divers palais mycéniens (Pylos, Tirynthe, Mycènes...). En réalité, les destructions des palais et des cités mycéniennes s’étagent sur plusieurs décennies, parfois se renouvellent après des essais de reconstruction, de sorte qu’il est impossible de décider des responsabilités. La tradition dite légendaire, qui a conservé le souvenir des guerres entre les cités mycéniennes (la plus célèbre est celle des Sept contre Thèbes) doit nous porter à supposer que quelques-unes de ces destructions peuvent avoir été dues à des guerres entre cités. Néanmoins, des fortifications comme celles dont on a retrouvé des éléments sur l’isthme de Corinthe permettent de supposer que les Achéens, ou en tout cas les Corinthiens et les Argiens, songèrent par là à se protéger d’un danger venu du nord. Il ne faut pas non plus négliger des traditions comme celle d’Héraclès détruisant Pylos. Ce sont peut-être là des témoignages d’une invasion armée des Doriens. Il reste acquis qu’ils occupèrent la plus grande partie de la Grèce, excepté l’Attique, où se réfugièrent les Achéens, venus de partout, et plus particulièrement de Pylos ; même la Crète, malgré son insularité, ne fut pas épargnée, ni les îles de l'Égée. Les Achéens, comprimés sur le petit territoire de l’Attique, auraient alors émigré par mer vers l’Asie Mineure et fondé les cités de l’Ionie, tandis que les Éoliens, fuyant la Béotie, s’établirent près des Ioniens d’Asie dans ce qui deviendra l’Éolide. Cependant, les Doriens eux-mêmes suivirent les émigrants et donnèrent leur nom à la partie méridionale des côtes d’Asie Mineure, la Doride. Une autre Doride se constituera au sud de l’Œta, voisine de la Béotie et de la Phocide, qui passera pour la « métropole » des Doriens. La force des Doriens tenait à deux choses : c’était un peuple rude et guerrier, mais, surtout, d’une grande supériorité en matière d’armes ; alors que les Achéens ne connaissaient encore que les armes de bronze, les Doriens étaient munis de la lance et de l’épée de fer, sans doute empruntées aux peuples balkaniques (qui eux-mêmes les avaient connues par les armuriers d’Asie Mineure). Néanmoins, si l’archéologie confirme l’apport, dans tout le monde grec, de nouveautés comme les armes et les objets en fer, la fibule, l’incinération des morts et les formes géométriques dans la décoration des céramiques, on ne sait dans quelle mesure ces apports peuvent être attribués aux Doriens. Il semblerait plutôt que les Doriens n’aient fait qu’adopter des modes nouvelles venues des régions balkaniques où ces caractères précèdent leur apparition en Grèce. Les Doriens, tels qu’ils nous sont connus à l’époque historique, étaient divisés en trois tribus (Hylleis, Dymanes et Pamphyloi), qui vont se retrouver dans toutes les cités doriennes, bien que, souvent, ils aient admis les indigènes dans une ou deux tribus nouvelles. Dans les pays conquis, ils formèrent parfois une caste guerrière, et les anciens habitants furent réduits au servage ; ce fut le cas en Crète, en Laconie, en Thessalie; mais, ailleurs, les différences entre maîtres et sujets étaient imperceptibles ou bien le mélange des populations était si intime et les caractères des conquérants et des indigènes s’étaient si profondément amalgamés, que seuls la tradition et des éléments secondaires faisaient assimiler ces peuples aux Doriens : ainsi en Épire, en Étolie, en Phocide, à Égine, où les Doriens devinrent des marins, de même qu’à Corinthe, cité commerçante et peu guerrière. Cependant, les caractères du dorisme étaient suffisamment marqués pour qu’un lien ait subsisté entre les États doriens. La guerre du Péloponnèse apparaîtra comme une lutte entre Doriens et Ioniens. Cette bipolarité dorisme-ionisme se retrouve toujours au sein de l’hellénisme : en architecture, dans les arts plastiques, dans la poésie et la musique, dans les conceptions de l’existence, dans les variétés dialectales. L’invasion dorienne paraît donc liée à un renouvellement de la civilisation de la Grèce. La brillante civilisation créto-mycénienne disparaît, peut-être moins brutalement qu’on a pu le penser, mais ce qui en subsiste en Ionie et parmi les peuples soumis va être puissamment fécondé par le nouvel apport dorien et à la suite d’une période obscure de gestation, qu’on a appelée le Moyen Age grec : c’est le mariage de tous ces possibles qui donnera le jour à cette civilisation grecque qui va atteindre la perfection de son objet.
DORIENS. Envahisseurs grecs venus d'Europe centrale, ils appartiennent à la dernière vague d'Indo-Européens qui envahit la Grèce vers 1200-1100 av. J.-C. Ils dominèrent surtout le Péloponnèse avec pour principaux centres Sparte, Corinthe, Mégare et introduisirent en Grèce la métallurgie du fer. Peuple de rudes guerriers, les Doriens plongèrent le pays dans -des siècles obscurs appelé le « Moyen Âge grec ». Ils détruisirent Mycènes et Tirynthe, provoquèrent le départ de nombreux Achéens, Ioniens, Éoliens vers l'Asie Mineure et les îles de la mer Égée puis s'infiltrèrent dans les Cyclades du Sud, la Crète, Rhodes et la côte méridionale d'Asie Mineure devenue Doride. Leurs trois métropoles fondèrent plus tard des colonies en Italie du Sud et sur les rives de la mer Noire. Voir Dorique (Ordre), Fer (Âge du), Tarente.Une des branches du peuple grec, caractérisée par l'usage du dialecte dorien qui s'est individualisé progressivement au cours de la période dite des âges obscurs (XIe/IXe s.). À l'époque historique, on leur reconnaissait aussi une organisation sociale et politique propre, comme la division en trois tribus (Hylléens, Dymanes et Pamphyles) ou l'existence, dans certaines régions, de groupes sociaux réduits à un état de dépendance spécifique (comme les hilotes et les périèques à Sparte). L'historien Thucydide est à l'origine du thème des invasions doriennes au XIIe et au XIe s. av. J. C., qu'il associe à celui du retour des Héraclides. Au vrai, cette vision des choses servait avant tout à expliquer par l'irréductible opposition entre Doriens et Ioniens l'antagonisme entre Sparte et Athènes. L'historiographie contemporaine n'en a pas moins repris cette tradition : au XIXe siècle, elle alimenta les controverses entre savants français et allemands ; elle a servi d'explication commode à la destruction des sites mycéniens et aux transformations subies par le monde grec au cours des âges obscurs.