DESCARTES : LA PUISSANCE DE BIEN JUGER, ÉGALE EN TOUS
DESCARTES : LA PUISSANCE DE BIEN JUGER, ÉGALE EN TOUS
Ce texte ouvre le Discours de la Méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences (1637). Dans cet ouvrage, Descartes cherche à définir les règles dont le respect permet de construire enfin des jugements indubitables. Il explique d'abord pourquoi de telles règles sont nécessaires.
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d’en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il n'est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n’est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grans vices aussi bien que des plus grandes vertus, et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent et qui s'en éloignent. » Descartes, Discours de la méthode.
ordre des idées
1) Thèse générale : le bon sens est commun à tous les hommes.
— Explication. Par bon sens, Descartes ne désigne pas ici le fait d'être raisonnable dans des circonstances pratiques (où l'on ne peut résoudre les difficultés par un raisonnement purement logique ou scientifique). Il vise la raison, ou puissance de bien juger et distinguer le vrai d'avec le faux. Toutes ces expressions sont ici synonymes. Ce bon sens est la faculté naturelle de percevoir les idées vraies, qui se présentent à l'esprit de manière claire et distincte. Il est tout entier en chaque homme.
2) Justification de la thèse : personne ne se plaint de manquer de raison, non par vanité, mais parce qu'être un homme, c'est posséder cette faculté qui appartient à la nature humaine.
3) Conséquences :
— Explication des différences entre les opinions ou pensées des hommes. Elles ne peuvent résulter de quelque inégalité dans la possession de la raison, mais seulement de la manière dont les hommes se servent de celle-ci. — Nécessité d'une méthode pour progresser dans la connaissance du vrai. Sans elle, la raison s'égare, elle n'est pas bien appliquée (le Discours de la méthode énonce ces règles à suivre dans sa deuxième partie).
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