DESCARTES ET LE LANGAGE
La différence entre le langage humain et communication animale n'est pas seulement de degré mais plutôt de nature.
Soutenir que le langage est le propre de l'homme, ce n’est pas faire injure au monde animal 😉. Thèse est formulée par Descartes : « Le langage, signe de la pensée ». L'homme parle parce qu'il pense. Le langage est bien le propre de l'homme et si les animaux ne parlent pas, c'est faute de penser et non faute de moyens de communication, comme le prouve le fait qu'ils savent fort bien exprimer leurs passions. Pour Descartes, l’homme est le seul vivant parlant. => SPECISME DE DESCARTES.
Descartes, "Lettre à Newcastle" : pourquoi les animaux ne parlent pas ?
« Enfin, il n'y a aucune de nos actions extérieures, qui puissent assurer ceux qui les examinent, que notre corps n'est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu'il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, exceptées les paroles, ou autres signes, faits à propos de ce qui se présente, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix ; et que ces signes soient à propos, pour exclure le parler des perroquets sans exclure celui des fous, qui ne laisse pas d'être à propos des sujets qui se présentent, bien qu'il ne suive pas la raison ; et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux ; car si on apprend à une pie à dire bonjour à sa maîtresse, lorsqu'elle la voit arriver, ce ne peut être qu'en faisant que la prolation de cette parole devienne le mouvement de quelqu'une de ses passions ; à savoir, ce sera un mouvement de l'espérance qu'elle a de manger, si l'on a toujours accoutumé de lui donner quelque friandise, lorsqu'elle l'a dit ; et ainsi toutes les choses qu'on fait faire aux chiens, chevaux et aux singes ne sont que des mouvements de leur crainte, de leur espérance, ou de leur joie, en sorte qu'ils les peuvent faire sans pensée. Or, il est, ce me semble, fort remarquable que la parole étant ainsi définie, ne convient qu'à l'homme seul. Car bien que Montaigne et Charron aient dit qu'il y a plus de différence d'homme à homme, que d'homme à bête, il ne s'est toutefois jamais trouvé aucune bête si parfaite qu'elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d'autres animaux quelque chose qui n'eût point de rapport à ses passions, et il n'y a point d'homme si imparfait qu'il n'en use ; en sorte que ceux qui sont sourds et muets, inventent des signes particuliers, par lesquels ils expriment leurs pensées. Ce qui me semble un très fort argument, pour prouver que ce qui fait que les bêtes ne parlent point comme nous, est qu'elles n'ont pas de pensées, et non point que les organes leur manquent. Et on ne peut pas dire qu'elles parlent entre elles, mais que nous ne les entendons pas ; car, comme les chiens et quelques autres animaux nous expriment leurs passions, ils nous exprimeraient aussi bien leurs pensées, s'ils en avaient. »
1. Constat : les hommes se servent de paroles pour communiquer entre eux.
2. Analyse : alors que les animaux n'expriment que des besoins, des émotions, des sentiments ou des « passions », les hommes sont en plus capables de se communiquer les uns aux autres leurs « pensées ».
3. Deux types d'objections sont possibles mais faciles à rejeter:
a) Certains oiseaux sont capables comme nous d'articuler des sons; mais il faut les dresser pour qu'ils parlent. Ce qu'ils disent n'est donc sensé qu'en apparence, puisqu'en réalité ils ne font que réagir à des stimuli sans rapport avec le contenu des paroles qu'ils répètent mécaniquement. Les « pies » ne savent pas ce qu’elles disent.
b) Les fous et les sourds-muets sont différents des autres hommes: en apparence seulement. Ceux-ci disposent de systèmes de signes particuliers pour exprimer leurs pensées, ceux-là tiennent de véritables discours, même lorsque leurs propos sont à nos yeux déraisonnables.
Exemple du paranoïaque qui va interpréter le réel de manière délirante, idem pour le jaloux pathologique.
4) Conclusion : le langage, indissociable de la pensée, est donc bien le critère fondamental de l'humanité.
Conclusion / Synthèse :
Descartes a sans doute sous-estimé les aptitudes des animaux. Montaigne a sans doute surestimé les performances animales.
Sarah et Washoe vont laborieusement d’apprentissage en apprentissage. On la récompense comme un animal dressé. Peut-être la punit-on?
De tous les jetons que Sarah manipule, aucun ne correspond à des abstractions d'un ordre supérieur (concepts moraux, métaphysiques ou esthétiques).
Ni les Premack ni les Gardner n'ont prétendu assimiler les systèmes de communication maîtrisés par les singes au langage proprement dit. Des recherches comme celles que nous avons mentionnées établissent la présence chez certains primates de capacités de représentation et de communication bien plus déliées que celle qu'on leur prêtait habituellement. Elles montrent que le langage humain se développe sur un terrain auquel ne sont pas étrangers les animaux les plus proches de nous, sans faire disparaître pour autant son originalité spécifique (Montaigne a tort). Existence chez les mammifères supérieurs d’une protoculture, d’un protolangage, d’une protopensée (Descartes a tort). Il n’en demeure pas moins que parler de « langage animal » est bien un abus de langage. Les animaux communiquent mais ne parlent pas. L’expression « langage humain » est redondante.
Si on définit le langage minimalement comme communication d’un message d’un émetteur à un récepteur (comme Montaigne), alors les animaux parlent.
Si on définit le langage de manière stricte comme manifestation de la pensée (comme Descartes), alors les animaux n’ont pas de langage. Seul l’homme parle.
=> Dissertation rédigée sur cette partie : Le langage est-il un signe distinctif de l’humanité ?
Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée.
"Il y a bien des choses que nous rendons plus obscures en voulant les définir, parce que, comme elles sont très simples et très claires, nous ne pouvons mieux les connaître ni les percevoir que par elles-mêmes. Bien plus, il faut mettre au nombre des principales erreurs qui se puissent commettre dans les sciences, l'erreur de ceux qui veulent définir ce qui doit seulement être conçu, et qui ne peuvent pas distinguer les choses claires des choses obscures, ni discerner ce qui, pour être connu, exige et mérite d'être défini de ce qui peut très bien que connu par soi-même.
Je ne crois pas. en effet. qu'il y ait eu jamais personne d'assez stupide pour avoir besoin d'apprendre ce que c'est que l'existence avant de pouvoir conclure et affirmer qu'il existe. Il en est de même pour le doute et pour la pensée. J'ajoute même qu'il est impossible d'apprendre ces choses autrement que par soi-même et d'en être persuadé autrement que par sa propre expérience et par cette conscience ou par ce témoignage intérieur que chacun trouve en lui lorsqu'il se livre un examen quelconque. Si bien que, tout de même qu'il est inutile de définir le blanc pour faire comprendre ce que c'est à un aveugle et qu'il nous suffit d'ouvrir les veux et de voir du blanc pour savoir ce que c'est pour savoir ce que c'est que le doute, et la pensée. il suffit de douter et de penser. Cela nous apprend tout ce que nous pouvons savoir à cet égard et même nous en dit plus que les définitions les plus exactes." DESCARTES
- Parties du programme abordées :
- — Le langage.
- — Le jugement.
- — L'idée.
- — La vérité.
- Analyse du sujet : Un texte qui soulève le problème de l'utilité des définitions. Dans certains cas — par exemple quand nous doutons ou pensons — l'évidence nous en dit davantage que la définition à proprement parler.
- Conseils pratiques : Ce texte, très clair, s'offre à la compréhension du candidat qui en fera une lecture attentive, sans vouloir y introduire artificiellement toutes ses connaissances sur Descartes.
- Difficulté du sujet : **
- Nature du sujet : Classique.