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Colonies

Colonies. La colonie (apoikia) est un établissement autonome, seulement uni à la métropole par un lien religieux ; elle se différencie donc complètement de la clérouquie. La véritable colonisation grecque débute au viiie s. Les guerres entre les cités et les luttes de partis, conduisant à l'exil de groupes, furent, à côté de raisons économiques (famines, recherche de nouvelles terres à cultiver, de mines à exploiter), les causes principales d’émigrations qui se terminèrent par la fondation de colonies. Les Messéniens, chassés de leur pays par les Spartiates, allèrent s’établir en Italie ; les Parthéniens, issus de femmes Spartiates et d’hilotes affranchis, essayèrent de soulever ceux-ci, mais, ayant échoué dans leur tentative, ils durent s’exiler et allèrent fonder Tarente. À Corinthe, le Bacchiade Archias quitta la cité avec ses partisans et s’installa en Sicile, sur l’îlot d’Ortygie, qui allait devenir Syracuse. À Chalcis, en Eubée, c’est à la suite d’une disette que fut décidé le départ de colons pour l’Italie. La recherche de débouchés commerciaux et de terres nouvelles à mettre en valeur reste cependant le facteur le plus important de colonisation : ainsi furent fondés Cyrène et les établissements du golfe de Tarente, et c’est pour atteindre les terres à blé du sud de l’actuelle Ukraine que furent établis les comptoirs des rivages de la mer Noire. S’étant rendues autonomes, des cités coloniales devinrent à leur tour les métropoles de nombreux établissements : Syracuse fonda Camarine, Acræ, Héloros ; Corcyre, autre colonie de Corinthe, fonda Épidamne et Apollonie, et on attribuait à Milet la fondation de quatre-vingt-quinze villes coloniales. Ces colonies diffèrent aussi bien par leur statut que par leur raison d’être du comptoir commercial, emporion, établi dans un territoire étranger, souvent à proximité d’une ville indigène, et destiné à servir d’entrepôt et de point de transit entre des régions présentant un intérêt commercial (mines, richesses agricoles) et la métropole. Enfin, au vie s. av. J.-C., la conquête perse fut cause de l’émigration de Grecs des côtes d’Asie Mineure : les plus célèbres sont les Phocéens, qui allèrent s'établir en Corse et à Massilia, où ils avaient déjà des comptoirs commerciaux (emporia). Avant de décider d’émigrer, on allait consulter un oracle, en général celui de Delphes, parfois celui de Dodone, voire celui de Zeus-Amon en Égypte, et c’est pour avoir négligé de prendre conseil auprès des dieux que le Spartiate Dorieus échoua dans une tentative d’établissement colonial. L’oracle désignait la contrée où devaient se rendre les colons, et l’emplacement où il fallait établir la cité. Si l’émigration était décidée par l’État, on réunissait alors les volontaires : gens nécessiteux, étrangers domiciliés qui, dans le nouvel établissement, deviendraient citoyens à droits égaux — dans les systèmes oligarchiques, le gouvernement désignait souvent ses adversaires afin de les évincer ; quelquefois, on tirait au sort un enfant mâle dans des familles qui en possédaient plusieurs. Un chef de l’expédition, l’œciste, était nommé, auquel on adjoignait des auxiliaires chargés du partage des terres et de l’arpentage, et un ou plusieurs devins. Les émigrants emportaient leur autel domestique et le feu sacré, allumé au feu du prytanée de la cité mère, et qui allait servir à allumer le feu dans le prytanée de la nouvelle cité. Chaque cité avait sa charte particulière, où étaient prescrites les règles de son établissement et les rapports avec la métropole, et peut-être sa constitution. Les circonstances de départ ont sans doute influé sur les caractères de la cité coloniale. Si, dans le cas des départs volontaires, l’œciste reproduit les institutions de la métropole et s’appuie sur une conception aristocratique de la cité, les départs d'exilés ou de bannis ont poussé ceux-ci à rechercher de nouvelles voies politiques. La tradition antique a ainsi souvent retenu les noms de législatures issues de cités coloniales, et dont les lois auraient survi de modèle aux autres Grecs. Les colonies entretenaient en général de bonnes relations avec la cité mère; elles y envoyaient des théores lors des solennités et accordaient des privilèges aux citoyens de la métropole établis chez eux ou envoyés comme ambassadeurs. Ces liens inclinaient à des alliances naturelles, et c’est une des raisons pour lesquelles Syracuse, attaquée par les Athéniens, appela Corinthe à son secours. Cependant on vit Corcyre, trouvant abusive l’intervention de Corinthe, sa cité mère, dans ses affaires, appeler à son secours Athènes et s'engager dans une guerre qui allait épuiser les forces vives de la Grèce. En fait, les rapports entre métro pole et colonie ont été très variés. Les cités établies dans des régions barbares eurent souvent à lutter contre les indigènes. En Sicile, en Italie, malgré des révoltes et parfois l’asservissement des premiers occupants, les relations entre colons et indigènes ont été en général pacifiques, et ces peuples furent gagnés à l’hellénisme. Massilia, en Gaule, fut sans cesse en lutte contre les Ligures et dut se résoudre enfin à appeler les Romains à son aide. Byzance et les cités de l’Hellespont durent se défendre contre les attaques des Thraces, et les relations des cités du Pont-Euxin avec les Scythes ne furent pas toujours pacifiques. En Asie Mineure, en lutte contre de grands États organisés (la Lydie, puis la Perse), les cités grecques se virent soumises et ne furent libérées que par les Grecs d’Europe et par les Macédoniens. Cependant, les établissements coloniaux des Grecs ont été les instruments les plus efficaces de la pénétration sur toutes les côtes du nord de la Méditerranée de l’hellénisme, qui va élaborer toute la culture occidentale.

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