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COCTEAU Jean

COCTEAU Jean. Écrivain français. Né à Maisons-Laffitte (Seine-et-Oise), le 5 juillet 1889, mort à Milly-la-Forèt (Seine-et-Oise) le 11 octobre 1963. Issu d'une famille de la haute bourgeoisie, Cocteau perdit son père à dix ans et vécut dès lors, avec sa mère, son frère et sa soeur, chez son grand-père qui possédait un hôtel particulier à Paris. Il fit ses études au lycée Condorcet, dans un cours privé, puis au lycée Fénelon, cependant qu'il rencontrait les célébrités de l'époque chez son grand-père et que celui-ci lui faisait découvrir les oeuvres de Beethoven, Berlioz et Wagner. Déjà il avait commencé à écrire et le 4 avril 1908 de Max organisa une audition de ses poèmes au théâtre Fémina. Le succès fut immédiat. Cocteau, sacré adolescent prodige, triompha dans les salons où il fréquentait Catulle-Mendès, Lucien Daudet, Edmond Rostand, Anna de Noailles, Jules Lemaître, Marcel Proust. En même temps, il donnait ses premiers recueils : La Lampe d'Aladin (1909), Le Prince frivole (1910), La Danse de Sophocle (1912), dont il devait par la suite interdire la réimpression. Entré en contact avec Diaghilev, pour lequel il composa un argument de ballet : Le Dieu bleu (1912), et avec Stravinski, Cocteau comprit, grâce à leur attention amicale, qu'il faisait fausse route. Il renonça à Paris, au succès trop facile, et retiré à la campagne entreprit la rédaction de Potomak (1919), véritable prise de conscience des sources secrètes et profondes de la poésie. Réformé en 1914, il s'engagea comme ambulancier civil et se fit adopter par les fusiliers-marins de Nieuport. Expulsé par l'autorité maritime, il apprit, le lendemain de cette expulsion, que tous ses camarades avaient péri lors d'un assaut — expérience d'où naîtront les poèmes du Discours du grand sommeil (in Poésies, 1924) et Thomas l'imposteur (1923). En 1915, il se lie avec Roland Garros, qui le fait participer à des vols d'acrobatie et auquel il dédie Le Cap de Bonne-Espérance (in Poésies, 1924); en 1916, il rencontre Picasso et fréquente peintres et écrivains d'avant-garde : Apollinaire, Max Jacob, Reverdy, Cendrars, Modigliani. Le 18 mai 1917, les Ballets russes donnent la première représentation de Parade, ballet réalisé par Cocteau, Satie, Picasso, et qui fait scandale. L'année suivante, Cocteau fonde avec Cendrars les Éditions de la Sirène, qui publieront nombre d'oeuvres remarquables. Par ailleurs, Cocteau devient le porte-parole du Groupe des Six, dont il définit l'esthétique dans Le Coq et l'Arlequin, et il se fait le défenseur de la poésie, de la peinture et de la musique nouvelles dans Carte blanche — ces deux essais recueillis dans Le Rappel à l'ordre (1926). Toujours en 1918, Cocteau fait la connaissance de Radiguet, rencontre qui le bouleverse et le pousse à une nouvelle retraite au cours de laquelle il élabore Le Secret professionnel (1922), art poétique et traite du style d'une intense profondeur. A partir de 1921 commence une nouvelle période extrêmement féconde : Les Mariés de la Tour Eiffel (1924), Antigone et oedipe-Roi (publiés 1928) au théâtre; Plain-Chant (1923), Thomas l'imposteur (1923), Le Grand Ecart (1924) pour la poésie et le roman. La mort de Radiguet, le 12 décembre 1922, jette Cocteau dans une dépression qui l'amène à utiliser l'opium, puis à se rapprocher du catholicisme. En 1924, il rassemble et publie en deux volumes ses Poésies; l'année suivante, il fait une première cure de désintoxication, écrit Orphée (publié en 1927) et les poèmes d'Opéra, Cri écrit, Prière mutilée et L'Ange Heurtebise. En 1926, il compose pour Stravinski le texte d'oedipus-Rex et publie sa Lettre à Jacques Maritain, qui marque sa rupture avec tout dogme religieux, le poète réservant toute son attention à la seule lumière foudroyante de son expérience intérieure. Durant l'hiver 1928-29, Cocteau se libère définitivement de la drogue au cours d'une lutte et de souffrances terribles qu'il décrit dans les notes et les dessins d'Opium (publié en 1930). Et c'est encore en clinique, durant sa cure de désintoxication, qu'il compose, en dix-sept jours, Les Enfants terribles (1929). En 1930, Cocteau tourne son premier film, Le Sang d'un poète, et donne à la Comédie-Française La Voix humaine. Jusqu'en 1946, il va d'ailleurs s'exprimer essentiellement par le théâtre : La Machine infernale (1934), Les Chevaliers de la Table Ronde (1937), Les Parents terribles (1938), Les Monstres sacrés (1940), La Machine à écrire (1941), Renaud et Armide (1943), L'Aigle à deux têtes (1946). Entre-temps, le poète publiera des Portraits-Souvenir (1935), Soixante Dessins pour les Enfants terribles (1935), et le compte rendu d'un tour du monde en quatre-vingts jours accompli pour Paris-Soir à la suite d'un pari : Mon premier voyage (1937). Il se lie avec Jean Marais en 1937 et avec le boxeur Al Brown, qu'il fera remonter sur le ring, l'aidant ainsi à reconquérir son titre de champion du monde. En 1939, Cocteau compose La Fin du Potomak; en 1941, Le Foyer des artistes. Le poète, qui a désormais exploré tous les domaines de la parole, va trouver maintenant un nouveau mode d'expression, la « poésie de film », qui, sans qu'il renie rien de sa rigueur, lui gagnera un public immense. Il réalise successivement : L'Eternel Retour (1943), La Belle et la Bête (1945), Ruy Blas (1948), L'Aigle à deux têtes (1948), Orphée (1950) et Le Testament d'Orphée (1960), oeuvres où se reflète avec de plus en plus d'intensité et de profondeur sa mythologie personnelle. Parallèlement, il compose quelques-uns de ses plus beaux poèmes : Allégories (1941), Léone (1945), Crucifixion (1946), Le Chiffre sept (1952), Appogia-tures (1953), Clair-Obscur (1954), Cérémonial espagnol du Phénix (1961), Requiem (1962); rassemble des souvenirs :La Belle et la Bête, journal d'un film (1946), Maalesh (1950), des chroniques: Reines de la France (1949), La Corrida du premier mai (1957), des conversations : Entretiens autour du cinématographe (1951), donne un Jean Marais (1951) et un Gide vivant (1952), ainsi qu'une Lettre aux Américains (1949) et une dernière pièce : Bacchus (1952), tragédie de la générosité du poète. Il écrit des arguments de ballet : Phèdre (1950), La Dame à la licorne (1953), expose des peintures et des céramiques, décore des chapelles et, au grand effroi des bien comme des mal-pensants, entre à l'Académie royale de Belgique, puis à l'Académie Française (1955). Cependant, ses deux oeuvres les plus significatives de cette période d'après-guerre demeurent sans doute La Difficulté d'être (1947) elle Journal d'un inconnu (1952), car elles nous font découvrir son visage le plus juste et le plus à vif. Cocteau a souffert de n'offrit pas à ses contemporains une apparence entière, d'avoir trop de dons, trop de diversité; sensible à l'enchanteur, on se méfiait de ses enchantements. La mort, en l'immobilisant, va mettre au jour sa forme véritable, et l'unité d'une oeuvre essentiellement tournée vers l'exploration de nos abîmes où règne cette nuit lumineuse chantée par les mystiques. L'époque de la vie du poète n'est qu'un entretemps pour son oeuvre, et il faut que disparaisse sa vie voyante pour qu'apparaisse sa vision. RAYMOND ROLLIN. ? «De la pointe des images jusqu'au bec de la plume, jusqu'au trait des formules-flèches, l'art de Jean Cocteau s'installa une fois pour toutes à-l'extrémité de l'aigu; son menton interrogeant, son regard transperçant, son nez enfer de flèche, ... ses mains affilées, ses cheveux dressés, en toute sa personne Cocteau vécut à la crête de sa vie, “allant jusqu'au bout de lui-même”, disait-il, quand nous lui proposions de prendre du repos; se reposer eût été s'émousser. L'électricité sortait comme d'un paratonnerre de tous les angles de son génie individualisé jusqu'à la rupture. » Paul Morand.

COCTEAU, Jean (Maisons-Laffitte, 1889-Milly-la-Forêt, 1963). Écrivain français. Talent très précoce, Cocteau fut toujours lié au « moderne », séduit par toutes les modes successives à travers lesquelles la littérature et l'art modernes ont trouvé leur voie. Il fut poète, romancier (Thomas l'imposteur, 1923 ; Les Enfants terribles, 1929), auteur dramatique (Les Parents terribles, 1938) et scénariste pour le cinéma (Le Sang d'un poète, 1930 ; La Belle et la Bête, 1945 ; Orphée, 1951). Il s'adonna aussi à la peinture (chapelle Saint-Pierre à Villefranche-sur-Mer, 1957) et illustra par ses dessins de nombreux ouvrages.