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CHURCHILL sir Winston Leonard Spencer

CHURCHILL sir Winston Leonard Spencer. Né le 30 novembre 1874 à Woodstock, comté d'Oxford, au château de Blenheim, mort à Londres le 24 janvier 1965. Il était le fils de Lord Randolph et de Jeannette Jerome, fille d'un hardi homme d'affaires new-yorkais qui, pendant un certain temps, fut propriétaire et directeur du New York. Times. Le patronyme original de la famille était Spencer, celui du gendre de John Churchill, le fameux général du début du XVIIIe siècle qui fonda le duché de Marlborough et mourut sans descendance masculine; les Spencer héritèrent du titre mais ne purent prendre le nom qu'en 1817. Winston fut élevé par une gouvernante, Mrs. Everest, dont il conserva toujours un souvenir touchant; il garda un détestable souvenir des deux années qu'il passa au collège de Saint-Jacques, près d'Ascot; ensuite, on le mit à Brighton et finalement à Harrow, où il resta cinq ans, toujours dernier de la classe, jusqu'au moment où, sans diplôme d'études secondaires, il réussit, à la troisième tentative, à entrer à l'école militaire de Sandhurst, admis dans la cavalerie où, à l'époque, on se souciait assez peu des qualités intellectuelles des candidats, préférant aux forts en thème les jeunes aristocrates qui avaient les moyens d'entretenir leur cheval. Il reste, de cette période, une lettre d'excuses de son père adressée au colonel du 60e régiment de fusiliers : « ... J'aurais désiré que mon fils fût sous vos ordres, mais il est trop bête. » Il demeura dans l'armée jusqu'en 1899, profitant de longs congés ordinaires et extraordinaires pour prendre part à la répression espagnole après la révolte de Cuba (1895), à la campagne de Malakland (1897) contre les tribus de la frontière nord-ouest de l'Inde, et à la campagne de Kitchener (1898) contre les madhistes du Soudan, envoyant des comptes rendus de guerre à des journaux et écrivant deux ouvrages en plus du roman historique Savrola (1900) récemment réédité, à titre de curiosité. C'est durant les périodes de repos entre les combats, particulièrement aux Indes, que Churchill acquit une certaine culture; il était trop tard pour qu'il pût lui donner pour base de classiques humanités et, d'autre part, de ses études de jeunesse, il ne lui restait qu'un élément négatif, le manque de ce quelque chose de brut et de savoureux qui caractérise les autodidactes complets. Bien longtemps après, il compara sa culture à un fromage suisse « lisse a la surface, mais ayant trop de trous à l'intérieur ». Malgré sa notoriété et le succès de ses premiers livres, il fut battu à l'élection complémentaire à laquelle il se présenta quand il quitta l'armée. Il atteignit une renommée nationale grâce à son extraordinaire évasion de prison pendant la guerre des Boers à laquelle il prenait part comme correspondant du Morning Post; cela lui rapporta de l'argent, lui valut des conférences en Angleterre et en Amérique, et le siège conservateur de Oldham à la chambre des Communes (1901). En désaccord avec son parti sur la question sud-africaine, il passa chez les libéraux en 1904, et, dès 1906, à trente et un ans, il occupa son premier poste au gouvernement, dans le cabinet Campbell-Bannerman, comme sous-secrétaire aux Colonies; ministre du Commerce (1908-1910), de l'intérieur (1910-1911) dans le cabinet Asquith, à la déclaration de guerre, en 1914, il était Premier Lord de l'Amirauté (1911-1915). Dans ses postes officiels, il manifesta toujours le souci de se distinguer de la masse en se faisant le champion de causes discutées et parfois discutables, auxquelles il s'identifiait personnellement, l'expédition des Dardanelles (1915), le maintien de la livre à l'étalon-or en 1925, son intransigeance antisyndicale qui mena à la grève générale (1926), des propositions du genre de celle d'un parlement économique, parallèle au parlement politique, de violentes attaques contre Gandhi, son ardente défense d'Edouard VIII pendant la crise de l'abdication (1936), un prosionisme qui l'opposa à ses collègues et son cri d'alarme au sujet du réarmement nazi de l'Allemagne. Après la Seconde Guerre mondiale, son ralliement temporaire à un idéal paneuropéen, sa proposition d'un pacte atlantique lorsque les négociations avec Staline n'avaient pas encore abouti à un échec, celle d'une rencontre avec Malenkov après la mort de Staline, des intuitions géniales quelquefois dangereuses parce que prématurées, quelquefois, au contraire, approuvées trop tard, pour que le désastre puisse être évité, ou bien des initiatives fantaisistes souvent abandonnées avec autant de désinvolture qu'elles avaient été prises, tout cet ensemble de causes a fait que Churchill est une réserve utile pour les conservateurs dans les rangs desquels il est rentré, après vingt ans de libéralisme, de discussions avec les chefs, de défaites électorales jusqu'au moment où Baldwin le nomma Chancelier de l'Echiquier (1924-1929); il fut ensuite tenu à l'écart pendant dix ans, puis, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, grâce à lui, ses collègues de parti purent, sans rompre leur unité, reconnaître leurs fautes, paresse et imprévoyance, et ils lui fournirent, d'abord en tant que Premier Lord de l'Amirauté et, ensuite, comme Premier Ministre, l'occasion de se surpasser jusqu'à devenir le représentant de la défense britannique, et de la conscience morale et libérale du monde. Durant ces longues absences tourmentées du pouvoir, Churchill a traduit son impatience et ses ressentiments autrement que dans des passe-temps comme la peinture, les voyages, la maçonnerie; il poursuivit ses activités littéraires avec la ténacité d'un professionnel, fécond, comme très peu d'autres contemporains le sont. En dehors de son roman de jeunesse, qui servit, dit-il, à le dissuader à jamais de composer des ouvrages d'imagination, de cinq volumes de chroniques de guerre, d'opuscules politiques, et de douze recueils de discours, Churchill a publié la biographie de son père, Lord Randolph Churchill (1906), La Crise mondiale en quatre volumes (1923-1929), traduction française : 1925-1930, un essai autobiographique, Mes Aventures de jeunesse [1930, trad. fr. 1937], The Eastern front (1931), Réflexions et aventures, ensemble d'articles récrits sous forme définitive (1932), la monumentale biographie de son ancêtre Marlborough, sa vie et son temps [1933-1938, trad. fr. 1949-1951] en quatre volumes, la série de profils, Les Grands Contemporains [1937, trad. fr. 1939] et ses mémoires sur la Seconde Guerre mondiale, en six volumes : L'Orage approche [1948], La Drôle de Guerre [1948], La Grande Alliance [1950], Le Tournant du destin [1951], L 'Etau se referme [1951] et Triomphe et tragédie [1954]. C'est à la suite de la publication de cette oeuvre, et pour l'ensemble de ses travaux d'historien qu'en 1953 il reçut le Prix Nobel de littérature; le seul autre historien qui l'eût obtenu jusqu'alors était Theodor Mommsen. A quatre-vingts ans, il démissionna de la charge de Premier Ministre qu'il avait à nouveau occupée après les élections de 1951, malgré la grave maladie qui le surprit au gouvernement, la fatigue et les honneurs (en 1953, la Reine le faisait chevalier de la Jarretière et le nommait « sir » ; il avait toujours refusé les titres nobiliaires, car le siège à la Chambre des lords qu'ils apportent l'aurait, ainsi que son fils, fait exclure de son siège envié et cher de la Chambre des communes); malgré son âge avancé, il s'est remis à travailler à une oeuvre monumentale, History, parue en France en 1956 sous le titre Les Géants de l'histoire. Le style de Churchill a les qualités et les défauts d'une si forte personnalité. Son éloquence qui le place à côté de Roseberry et de Gladstone mérite, comme la leur, de passer dans l'histoire littéraire; elle est inspirée, bien plus que des modèles du XIXe siècle, ce siècle qui brisa son père et contre lequel il se rebella, de celle de Burke — XVIIIe siècle —, et si, parfois, certaines gaucheries montrent un manque d 'assimilation des classiques dans sa jeunesse, dans les occasions solennelles, elle se montre digne d'eux. Dans ses ouvrages historiques, son habitude de parler transparaît également; il arrive que le nombre des documents et la rapidité avec laquelle ils sont accumulés cachent de curieuses inégalités; certains d'entre eux demeurent secs et bureaucratiques en face de conclusions légères ou formulées sous forme de maximes; des phrases raboteuses sont évidemment dues à la plume de collaborateurs et sont restées telles quelles. Churchill est maître dans l'art de l'aphorisme bref. La plus grande et plus durable valeur de son activité d'écrivain est son interpénétration avec la politique, de sorte qu'elles sont presque leur reflet réciproque; de cette manière, l'homme d'Etat et le parlementaire, en dépit de contradictions, de prétentions ambitieuses et de manoeuvres, n'a jamais perdu cette base de conscience morde qui est nécessaire pour exalter ou, pour le moins, défendre son action devant la postérité, et l'historien non plus, qui agit pour le passé, car celui-ci, proche ou éloigné, n'échappe jamais en définitive au jugement et à la discrimination entre le bien et le mal.

Churchill, Sir Winston Leonard Spencer (Blenheim 1874-Woodstock 1965) ; homme politique britannique. Issu de la célèbre famille des ducs de Marlborough, le fils de l’homme politique conservateur Randolph Churchill fréquente l’internat réputé de Harrox et l’école militaire de Sandhurst, puis il sert brièvement dans l’armée anglaise. Devenu un « héros » populaire en raison de son évasion spectaculaire d’une prison sud-africaine, pendant la guerre des Boers, il est élu à la Chambre des communes, à laquelle il appartient durant près de soixante années, hormis une courte interruption (1922-1924). Plus qu’aucun autre parlementaire britannique, il exerce une forte influence sur le style et le caractère des débats de la Chambre des communes, grâce à la rigueur de ses analyses objectives, à sa franchise à l’égard de ses adversaires politiques, à son style oratoire brillant et à son sens aigu de la repartie. Après son passage dans le camp libéral (1904), C. devient successivement sous-secrétaire d’État aux Colonies (1905-1908), ministre du Commerce (1908-1909), ministre de l’intérieur (1909-1911) et finalement Premier lord de l’Amirauté (1911-1915) dans les cabinets Campbell-Bannerman puis Asquith. Habile promoteur d’une politique de réconciliation avec les Boers vaincus, initiateur de la vaste législation de réforme sociale des libéraux et organisateur énergique du développement et de la modernisation de la flotte britannique, C. a acquis, au moment de la déclaration de la Première Guerre mondiale, une grande renommée parmi les hommes politiques de sa génération, à l’instar de Lloyd George. Son étoile pâlit encore plus vite qu’elle n’était montée au firmament politique, avec l’erreur de l’expédition des Dardanelles qu’un cabinet désuni lui avait imposée. En 1917, Lloyd George le rappelle du front et lui confie d’abord la direction du ministère des Munitions (1917-1918), puis celle du ministère de l’Armée et de l’Air (1918-1921). Convaincu de la nécessité de lutter contre la Russie bolchevique, C. est le véritable moteur de l’intervention anglaise dans la guerre civile russe ; cette opération conduite sans conviction et avec des moyens insuffisants se solde par un échec et de lourdes pertes humaines et financières, en raison de fortes résistances intérieures et des hésitations de Lloyd George. Accablé par les revers de sa politique russe et battu par un candidat socialiste aux élections de 1922, C. connaît un nouveau recul dans sa carrière politique. Haï par le parti travailliste, sous-estimé par les libéraux et perçu comme un renégat par les conservateurs, il passe auprès de tous pour le prototype de l’aventurier politique irresponsable, qui a mis inconsidérément en jeu les intérêts vitaux de son pays. À la surprise générale, le Premier ministre conservateur Baldwin désigne en 1924 C., qui a certes quitté les libéraux mais qui n’a pas encore rejoint les rangs du parti conservateur, comme chancelier de l’Echiquier, le plus important portefeuille ministériel du Royaume-Uni. La principale décision qu’il prend à ce poste (1924-1929) est le rétablissement de l’étalon-or, ce qui lui sera plus tard sévèrement reproché par des experts économiques, notamment par Keynes. Ses critiques relatives à la réduction graduelle de la domination anglaise sur l’Inde, son insistance à accentuer le réarmement de la Grande-Bretagne face au danger d’une Allemagne national-socialiste et sa dure condamnation de la politique d’appeasement de Chamberlain conduisent ce solitaire et ce Cassandre, durant les huit années précédant la Seconde Guerre mondiale, à se trouver en opposition avec la politique officielle de son parti et font obstacle à sa réadmission dans le gouvernement. À la déclaration de guerre, C. est tout d’abord nommé ministre de la Marine mais après la défaite anglaise en Norvège et sous la double pression de l’opinion publique et de l’opposition parlementaire, conjuguée à un nombre croissant de critiques à l’encontre du cabinet, il devient à la fois le Premier ministre et le ministre de la Défense d’un gouvernement de coalition nouvellement formé. Ses discours passionnés et son courage personnel font de lui, durant l’année critique de l’isolement britannique (1940-1941) après l’effondrement de la France, le symbole de la volonté de résistance anglaise. Même s’ils ne sont pas toujours réalisés, ses plans stratégiques ainsi que son énergie à mobiliser les forces de la nation ont apposé la marque de sa puissante personnalité sur la participation anglaise à la guerre et sur toute la politique de la Grande-Bretagne des années 1940-1945 ; ils ont aussi contribué d’une manière décisive à la victoire finale des Alliés. Sa célèbre proposition, rejetée par Staline et Roosevelt, de contourner au sud le front allemand par une offensive dans les Balkans, vise en particulier à protéger les pays balkaniques de l’influence soviétique. De même que sa vaine opposition à la division de l’Allemagne résultant des accords de Yalta (févr. 1945), ce projet témoigne clairement de sa défiance précoce envers les buts politiques poursuivis par l’allié soviétique. Après la défaite du parti conservateur aux élections de juillet 1945, C. devient le chef de l’opposition (1945-1951), ce qui ne l’empêche pas de donner une impulsion décisive à la création du système de sécurité atlantique et à la formation du Conseil de l’Europe, préconisés respectivement dans ses discours fondamentaux de Fulton (5 mars 1946) et de Zurich (19 sept. 1946). En 1951, à l’âge de 76 ans, il est à nouveau rappelé à la tête de son pays. Bien que le jugement porté sur lui par ses contemporains ait oscillé plus que sur aucun autre homme politique anglais, C. se retire en 1955 de la vie publique active avec la réputation d’un grand homme d’État vénéré par le peuple et respecté par tous les partis. Malgré les nombreuses contradictions de sa carrière, la grandeur de sa personnalité, son intelligence pratique ne sont contestées par aucun de ses adversaires politiques. Dans ses importants ouvrages historiques - ses biographies de Marlborough et de Randolph Churchill, ses descriptions des deux guerres mondiales et surtout son originale histoire des peuples anglophones -, ce maître de la langue anglaise, distingué par le prix Nobel de littérature (1953), dévoile sa pensée et fournit la clé de sa politique.

Bibliographie : W. Churchill, Mémoires sur la Seconde Guerre mondiale, 1948-1954, 6 vol. ; J. Chastenet, Winston Churchill et l’Angleterre du XXe siècle, 1965.

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