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CHINE

État de l'Asie orientale ; capitale Pékin. • Des origines à la fin des Tcheou (IIIe s. av. J.-C.) • Des débuts de l'Empire à la fin des Han • De la fin des Han à la grandeur des T'ang • L'époque des Song (Xe/XIIIe s.) • Des Mongols aux Ming (XIIIe/XVIIe s.) • Les Mandchous de 1644 à 1900 • Les débuts de la République • La révolution nationale du Kouo-min-tang • La lutte contre les communistes et la guerre sino-japonaise • L'établissement de la République populaire • La révolution culturelle et ses suites • La politique étrangère de la Chine jusqu'à sa reconnaissance • La Chine depuis 1976 : démaoïsation et modernisation • La Chine, une puissance retrouvée • L'après Teng Hsiao-ping Des origines à la fin des Tcheou (IIIe s. av. J.-C.) L'homme est apparu en Chine plus tard qu'en Afrique comme l'attesteraient les vestiges trouvés à Longgupo et datés de 1,9 million d'années. Le sinanthrope (v.) de Chou-k'ou-tien (anciennement Chou-kou-tien) et celui de Gongwang vivaient il y a 500 000 ans, mais d'autres restes d'Homo erectus, plus anciens, qui remontent à 800 000 ans ont été découverts à Lantian. Le paléolithique inférieur est représenté par les industries de la vallée de la Fen, qui se situent, chronologiquement, entre le choukouténien et la « culture de l'Ordos » ; celle-ci atteste l'expansion des techniques moustériennes jusqu'en Asie orientale. On n'a pu encore distinguer une phase mésolithique chinoise. Le néolithique fit son apparition à la fin du VIe millénaire, sur le cours moyen du fleuve Jaune, avec la culture de Yang-chao (Yangshao), dont la poterie peinte présente de curieuses analogies avec les céramiques d'Asie centrale et d'Ukraine. Cette civilisation néolithique s'étendit à toute la Chine du Nord-Est, et, au début du IIe millénaire, florissait dans le Chang-tong la culture de Long-chan (Longshan). La culture de Yang-chao se propagea jusqu'au Gansu, à l'O. et celle de Long-chan jusque dans le Zhejiang, au S. À cette époque remonte la première dynastie semi-légendaire des rois chinois, celle des Hia (XXIe/XVIe s. av. J.-C.). Il est à peu près certain que les Protochinois furent des autochtones dont le berceau se situe dans les plateaux de lœss et dans la grande plaine du bassin moyen et inférieur du fleuve Jaune. Ils ne se différencièrent des peuples voisins, leurs frères de race restés nomades sur les steppes du Chan-si (Shanxi) et du Chen-si (Shaanxi), qu'en adoptant une vie sédentaire, vouée à l'agriculture. Dès la fin du IIIe millénaire, les travaux des champs tenaient une place essentielle dans l'économie protohistorique chinoise, comme l'atteste l'importance accordée par les légendes à des héros tels que Chennong, le premier défricheur, Héou-tsi, « le Prince Millet », et Yu le Grand, fondateur de la dynastie des Hia, auquel on attribue de grands travaux d'assèchement et des constructions de digues et de canaux. Cette civilisation agricole allait peu à peu unifier le monde chinois, en s'étendant à toute la Chine du Nord (IIe millénaire), puis à la Chine du Sud (Ier millénaire avant notre ère), et en assimilant progressivement les nomades de l'Asie intérieure qui, au cours des siècles, n'allaient cesser de se ruer vers les riches terres du Nord-Est. La dynastie des Chang la première attestée historiquement, a laissé le témoignage d'admirables œuvres de bronze (XVIe/XIe s. av. J.-C.). À cette époque, les Chinois avaient domestiqué le cheval, le bœuf, le chien, le mouton, la chèvre et le porc. Ils utilisaient un système d'écriture pictographique relativement évolué, avaient mis au point des méthodes divinatoires complexes et effectué leurs premières observations systématiques d'astronomie. Vers 1050 avant notre ère, les Chang furent renversés par une maison vassale, celle des Tcheou (Zhou), qui, installés sur les plateaux du Chen-si, face aux Barbares de la steppe, disposaient de guerriers éprouvés. Ces Tcheou devaient régner pendant plus de huit cents ans, mais, dès le VIIIe s. av. J.-C., ils n'exerçaient plus qu'une autorité d'ordre religieux sur des États féodaux en voie d'émancipation. Bientôt se constituèrent quelques puissants royaumes qui se disputaient l'hégémonie dans des guerres incessantes. Ces conflits ont entraîné des bouleversements politiques et sociaux : les valeurs morales et religieuses de la Chine archaïque étaient mises en question ; dans le chaos, des idées nouvelles sont apparues des sectes et des écoles rivales sont nées. Dans ce climat d'inquiétude et de fermentation intellectuelle les grandes orientations de la pensée chinoise furent définies, aux VIe et Ve s. avant notre ère, par Confucius, dans le domaine moral et politique, et par Lao-tseu, fondateur du taoïsme, dans l'ordre de la philosophie mystique.
Au cours de la période des Royaumes combattants (IVe/IIIe s.), « l'ancienne guerre de chevalerie fit place à une guerre d'aventuriers sans pitié ni loyauté, puis à des guerres de masse où toute la population d'un pays était lancée contre des populations voisines » (R. Grousset). La dynastie des Tcheou, qui n'était plus représentée que par des rois fainéants, perdit toute autorité, et, à partir de 335 av. J.-C., les chefs des diverses principautés commencèrent à prendre le titre de roi. Le plus redoutable de ces « Royaumes combattants » était le royaume des Qin ou Ts'in véritable Prusse de la Chine antique, qui s'était constitué dans le Chen-si, sur les marches de l'Ouest, dans la proximité dangereuse des Barbares, en cette région même qui avait été autrefois le berceau des Tcheou. Entre 230 et 221 av. J.-C., le roi de cet État autoritaire et centralisé détruisit successivement toutes les autres principautés féodales réunifia toute la Chine et fonda l'Empire chinois en prenant le titre de (Ts'in) Che Houang-ti (Shi Huangdi) (« Premier Auguste Seigneur »).

Des débuts de l'Empire à la fin des Han

Che Houang-ti (Ts'in), surnommé « le César chinois », gouverna en suivant les principes des Légistes qui préconisaient une sorte de despotisme éclairé réglé par la loi écrite. Avec l'aide de son ministre Li Sseu (Li Si), il fit de la Chine un État unitaire, à l'exemple de la principauté de Ts'in ; il brisa le pouvoir des féodaux en divisant le pays en préfectures administrées par des fonctionnaires ; il unifia les lois, les règlements, la langue, les mesures de longueur et de poids, la dimension des essieux de chars, la largeur des routes ; introduisit un type unique de monnaie sur tous les territoires contrôlés ; procéda à de massifs transferts de populations ; et, pour étouffer l'opposition des lettrés confucéens qui représentaient le courant traditionaliste, il ordonna (213) la destruction des livres, en particulier les « Classiques » du confucianisme. Pour préserver la Chine des incursions des nomades, il entreprit en 214, avec le concours d'une immense main-d'œuvre constituée par des travailleurs forcés, l'édification de la première Grande Muraille sur quelque 6 000 km. À la mort de Che Houang-ti (210 av. J.-C.), l'œuvre de réorganisation, accomplie trop rapidement et trop brutalement, révéla sa fragilité, et la Chine fut près de retomber dans l'anarchie, mais l'aventurier Lieou Pang (Liu Bang) s'empara du pouvoir (206) et fonda la grande dynastie des Han, qui régna, avec une brève interruption, jusqu'en 220 de notre ère, soit plus de quatre siècles. L'époque des Han correspond ainsi dans le temps à l'apogée de la puissance romaine en Occident. Après des débuts difficiles, menacés à l'intérieur par la féodalité reconstituée à l'intérieur, et, à l'extérieur, par les Barbares Hiong-nou (Xiongnu), les Han parvinrent à donner une forme institutionnelle durable à leur pouvoir en y ralliant les lettrés confucéens. Ceux-ci donnèrent à la dynastie une sorte de légitimité religieuse, et, dès cette époque, le confucianisme devint la doctrine officielle, l'armature idéologique de l'État chinois : l'empereur Wou-ti (Wu Di) (140/87 av. J.-C.) décida que tous les candidats à des fonctions administratives devraient désormais passer un examen sur au moins un des cinq Classiques de Confucius. Les Han renouaient d'une manière plus mesurée, avec l'esprit du despotisme éclairé introduit par Che Houang-ti : ainsi l'État dirigeait ou contrôlait les grandes activités économiques, en particulier les travaux d'irrigation.
À l'extérieur, du milieu du IIe s. av. J.-C. à la fin du Ier siècle de notre ère, la dynastie s'employa avec succès à siniser l'Empire, en effectuant de gigantesques transferts de populations. Dès 111 av. J.-C., l'empereur affirmait son autorité dans les provinces du Sud, à Canton, et le Tonkin était envahi ; peu après, la Corée passait sous le protectorat chinois (108). Face aux Barbares de la steppe, la Chine établissait la « paix chinoise » en Asie centrale. Les campagnes militaires de l'empereur Wou-ti (Wou-ti) et de son deuxième successeur, Siuan-ti (Xuan Di) (73/49 av. J.-C.), puis du général Pan Tch'ao (Ban Chao), à la fin du Ier s. de notre ère, portèrent les armées chinoises jusqu'au Turkestan : ainsi fut ouverte la route de la Soie, et des relations commerciales s'établirent entre la Chine, l'Inde et le monde romain, tandis que des missionnaires venus d'Inde du Nord introduisaient le bouddhisme en Chine (fin du Ier s. de notre ère). Malgré ces succès, les Han donnèrent très tôt des signes de déclin. Les guerres continuelles épuisaient le Trésor et obligeaient les empereurs à recourir à des expédients. Un usurpateur, Wang Mang, se maintint au pouvoir quelques années (9/23 apr. J.-C.) et tenta une curieuse expérience collectiviste. Après la jacquerie des Sourcils rouges, les Han furent restaurés (25), sans toutefois parvenir à mettre fin à la corruption de la cour et aux ambitions grandissantes des Lettrés. La révolte paysanne des Turbans jaunes en 184, des usurpations militaires et le retour des attaques des Hiong-nou sur les frontières hâtèrent la chute de la dynastie, qui sombra au milieu de l'anarchie militaire, en 220 de notre ère.

De la fin des Han à la grandeur des T'ang

Les quatre siècles qui suivirent la déposition du dernier souverain Han par Ts'ao Ts'ao (Cao Cao) furent pour la Chine une période de morcellement, de guerres civiles et d'invasions étrangères. L'Empire se divisa (220/65) entre les Trois Royaumes : le royaume Wei, en Chine du Nord, dirigé par les descendants de Ts'ao Ts'ao, le royaume Wou (Wu) en Chine du Sud où régnait la famille Souen (Sun) et dans le Sseu-tch'ouan (Sichuan), à l'ouest, le royaume de Chou (Shu), fondé par Liou Pei (Liu Bei), considéré comme le continuateur légitime de la dynastie des Han. C'est le royaume Wei qui l'emporta et qui, avec la dynastie Tsin, rétablit l'unité nominale de la Chine (265/420). Mais le pays était plongé dans une horrible misère et la moitié de la population avait péri dans les guerres entre les Trois Royaumes. Au nord, les Chinois durent laisser le pouvoir à des dynasties d'origine barbare tandis qu'au sud ils s'imposèrent à de très importantes ethnies en voie de sinisation depuis les Han. Les Hiong-nou, installés dès l'époque des Trois Royaumes dans la grande boucle du fleuve Jaune, s'emparèrent en 311 de la capitale des Tsin et leur chef, Lieou Ts'ong (Liu Cong), se proclama empereur et ravagea le pays jusqu'au Yang-tseu (Yangzi). Réfugiés en Chine du Sud, à Nankin, les Tsin y maintinrent un Empire national chinois qui devait subsister (sous d'autres dynasties à partir de 420) jusqu'en 589. Balayée au cours du IVe s. par des hordes turco-mongoles (Hiong-nou, Sien-pei), la Chine du Nord passa tout entière, au début du Ve s., sous la domination d'un peuple sans doute turcophone, les Tabghatch (en chinois T'opa), qui, avec Tao Wou-ti, avaient fondé la dynastie Wei (386/534). Rapidement sinisés, converti au bouddhisme après 450, les rois Wei attachèrent leur nom à la plus grande sculpture religieuse de la Chine, celle des grottes bouddhiques de Yun-kang (Yungang), dans le nord du Chan-si, et de Long-men, près de Lo-yang (Luoyang), au Ho-nan (fin Ve/début VIe s.). Au sud, la dynastie Tsin fut renversée en 420 par un soldat de fortune, Lieou Yu (Liu yu), qui redonna à l'Empire quelque vitalité ; ses descendants qui régnèrent jusqu'en 479, eurent pour successeurs trois nouvelles dynasties méridionales, celle des Ts'i (Qi) (479/502), celle des Leang (Liang) (502/57) et celle des Tch'en (Chen) (557/89). Durant cette époque, le bouddhisme connut une puissante expansion et le confucianisme un certain recul. La Chine vit ses propres moines bouddhistes entreprendre des pèlerinages vers les Indes ; les plus célèbres de ces pèlerins furent Fa-hien (Faxian) (fin du IVe/début du Ve s.) et Hiuan-tsang ou Siuan-tsang (Xuan Zang) (VIIe s.). Après la rupture qui avait suivi la chute des Han et l'abandon de la route de la Soie, les relations étaient rétablies entre la Chine et les contrées occidentales.
La dynastie Soueï (Sui) (581/618), qui avait succédé, dans le nord, aux héritiers des T'opa, eut pour fondateur Yang Kien (Wen-ti), qui réussit, en 589, à soumettre le Sud et à reconstituer l'unité de la Chine, tout en repoussant les Turcs sur les frontières du Nord-Ouest. Le second empereur Soueï, Yang-ti (Yang Di) (605/18), essaya de renouer avec la politique ambitieuse des Han vers l'Asie centrale ; il réussit à contrôler les oasis du Tarim et rétablit les relations commerciales avec la Perse et l'Inde. Moins heureux du côté de la Corée, il lassa son peuple par une fiscalité excessive et fut emporté par une révolte qui marqua le terme de sa dynastie (618). Les Soueï avaient eu le mérite de mettre fin à des siècles de morcellement et de préparer le puissant redressement de la Chine à l'époque des T'ang (Tang) (618/907), l'une des plus grandes dynasties de l'histoire chinoise. Elle fut fondée par Li Che-min (Li Shimin), qui plaça d'abord son père sur le trône et qui lui succéda sous le nom de T'ai-tsong (Tai Zong) (626/49). Les T'ang rétablirent l'hégémonie chinoise sur l'Asie centrale jusqu'au Turkestan, conquirent l'ancien khanat des Turcs orientaux (c'est-à-dire l'actuelle Mongolie) et exercèrent un ascendant puissant sur tous leurs voisins, Annamites, Coréens et Japonais. Le gouvernement et l'administration furent énergiquement restaurés. Le confucianisme redevint doctrine d'État, mais le bouddhisme continua de prospérer (jusqu'à l'édit de proscription de 845) et de nouvelles religions (nestorianisme, manichéisme, islam) pénétrèrent en Chine qui les toléra mais firent peu d'adeptes. L'époque des T'ang fut encore marquée par des progrès scientifiques en astronomie, par l'apparition de l'imprimerie (première édition des Classiques confucéens, 923/53) et par une admirable floraison des lettres et des arts. C'est sous le règne de Hiuan-tsong (Xuan Zong) (712/56) que la culture T'ang atteignit son apogée, mais ses dernières années furent troublées par la révolte d'un général d'origine sogdienne et turque, Ngan Lou Chan (Am Lu Shan), qui provoqua de profondes transformations dans la société chinoise ainsi que dans les rapports de force entre les Chinois et leurs voisins : les Tibétains s'émancipèrent, la Corée fit sécession et Hiuan-tsong s'enfuit puis abdiqua (755/56). La dynastie faillit tomber dans la guerre civile qui suivit et ne dut son salut qu'à l'intervention des Ouïgours, qui, descendus de Mongolie, chassèrent les rebelles de Lo-yang. La guerre, les pillages, les destructions de cultures firent tomber le chiffre de la population de 52 millions d'habitants en 754 à 30 millions en 839 : une crise démographique qui s'accompagna d'une crise économique et sociale sans précédent. Privés de l'appui des Ouïgours, dont l'empire fut détruit en 840 par les Kirghizes, les derniers souverains T'ang résistèrent de plus en plus faiblement aux révoltes populaires. La jacquerie de Houang Tch'ao (Huang Chao) dévasta, en 880/81, les capitales impériales de Lo-yang et de Tch'ang-ngan (Chang'an). La petite propriété paysanne, qui avait fait la solidité de l'Empire, disparut sous le poids écrasant des impôts, des corvées et du service militaire. Endettés, les ruraux vendirent leurs terres aux grands propriétaires et comme en Europe à la même époque, une féodalité héréditaire s'installa ; le pouvoir impérial était à la merci d'un audacieux chef de brigands comme Chou Wen (Zhou Wen), qui, en juin 907, déposa le dernier souverain T'ang, un enfant de treize ans qu'il fit exécuter peu après.
L'époque des Song (Xe/XIIIe s.)
La Chine retomba dans le chaos : ce fut la période des Cinq Dynasties et des Dix États (907/59). En 936, la région de Pékin et le Chan-si passèrent aux Khitan mongols. À l'O., le Kan-sou (Gansu) et l'Ordos furent occupés, vers l'an mille, par les Tangouts (ou Si-hia), d'origine tibétaine. Un grand guerrier, T'ai-tsou (Taizu) (960/76), rétabli un Empire national chinois en fondant une nouvelle grande dynastie, celle des Song (960/1276). Mais ni lui ni ses successeurs, T'ai-tsong (Taizong) (976/97) et Tchen-tsong (Chen Zong) (997/1022), ne parvinrent toutefois à restaurer dans son intégralité l'empire des T'ang, et, après de vaines luttes, les Song durent consentir à traiter avec les Khitan de Pékin (1004) et se contenter de régner au sud du fleuve Jaune. La paix qu'ils assurèrent à la Chine méridionale fut profitable au commerce extérieur (relations maritimes avec le Japon, l'Inde, l'Arabie, l'Égypte). Elle favorisa l'artisanat, les nouvelles inventions (compas, poudre à canon), la recherche philosophique (néoconfucianisme de Tchou Hi) et les arts (paysagistes Song). La Chine des Song influença les Khitan mongols qui y perdirent leurs vertus guerrières. En 1122/23, le royaume khitan de Pékin, qui avait victorieusement repoussé, aux Xe/XIe s., toutes les attaques des Song, s'effondra sous les coups des Kin ou Djurtchèt, de race toungouse, qui enlevèrent rapidement aux Song le reste de la Chine du Nord, franchirent le Yang-tseu et approchèrent de Canton. À la paix de 1141, ils se contentèrent des provinces du Nord et de la Mandchourie (leur capitale était à Pékin), les Song conservant la Chine du Sud, cependant qu'à l'O. subsistait le royaume des Si-hia. C'est donc une Chine divisée en trois États qui allait subir, au XIIIe s., l'assaut des Mongols. Des Mongols aux Ming (XIIIe/XVIIe s.) Maître de la Mongolie dès 1206, Gengis Khan commença la conquête de la Chine en imposant sa suzeraineté au royaume des Si-hia (1209) ; puis il se tourna contre les Kin, qui lui opposèrent une farouche résistance. Tournant la Grande Muraille par le Tarim, les Mongols, après de grandes difficultés, réussirent à s'emparer de Pékin qu'ils dévastèrent (mai 1215). Les Kin se retirèrent au Ho-nan où les Mongols les écrasèrent en 1234. Après la prise de Pékin, Gengis Khan dédaigna la Chine et se tourna vers l'ouest, et, pendant une trentaine d'années, les Mongols se contentèrent d'opérations de pillage limitées contre l'Empire chinois des Song. Mongka (1251/59), troisième successeur de Gengis Khan, entreprit la conquête systématique de l'empire des Song, continuée après lui par son frère Koubilaï (1260/94), qui fonda la dynastie mongole Yuan (1260/1368), s'empara, en 1276, de Hang-tcheou (Hangzhou), la capitale des Song, et, en 1278, de Canton. Pour la première fois, un étranger se trouvait maître de toute la Chine, mais Koubilaï, très attiré par la civilisation chinoise, eut à cœur de se comporter en souverain national. Il mit les Mongols à l'école des Chinois. Pour symboliser sa volonté de siniser son empire, il établit sa capitale à Pékin, qu'il fit reconstruire afin d'effacer les ravages de Gengis Khan. Il adopta tous les usages chinois, réorganisa l'État, remit en service les canaux et les routes, encouragea les études ; tout en respectant les traditions nationales et en se montrant tolérant envers les autres religions, il accorda une faveur particulière au bouddhisme. À la cour mongole, la littérature chinoise connut une certaine renaissance. Son règne vit la reprise les relations entre la Chine et l'Occident ; des marchands (comme Marco Polo, qui séjourna en Chine de 1275 à 1291) et des missionnaires européens (comme Jean de Montcorvin et Oderic de Pordenone) purent visiter librement l'Empire et s'y installer. Cependant, les Mongols demeuraient, aux yeux des Chinois, une minorité étrangère. Une révolte nationale, partie des provinces du Sud - les dernières conquises par les Mongols -, eut pour chef un simple fils de paysan, Tchou Yuan-tchang (Zhu Yuangzhang), qui s'empara de Nankin (1356), de Canton (1367) et enfin de Pékin (1368). Dès 1371, les Mongols étaient complètement chassés de Chine. Empereur sous le nom de Hong-wou (Hongwu), Tchou Yuan-tchang fonda la dynastie des Ming (1368/1644) qui atteignit son apogée sous le règne de Yong-lo (1403/24). Elle gouverna avec énergie et fit régner la prospérité, mais une politique étrangère pacifiste et l'influence prédominante des Lettrés confucéens engendrèrent un immobilisme dangereux, à l'heure où les Européens arrivaient (les Portugais à Macao, 1557) et où les missionnaires catholiques, à la suite du père Matteo Ricci (arrivé en Chine en 1582), osaient adapter le christianisme à la culture chinoise. L'arrivée des premiers Occidentaux eut peu de retentissement en Chine, plus préoccupée par les incursions des Japonais sur ses côtes et par l'agitation persistante des Mongols derrière la Grande Muraille. Enfermés dans Pékin, où ils laissaient gouverner les eunuques du palais, les Ming succombèrent sous les coups des Mandchous, guerriers toungouses venus de Sibérie et infiltrés en Mandchourie dès la fin du XVIe s. Repoussés devant Pékin en 1627, grâce à l'artillerie fabriquée par les jésuites, les Mandchous s'emparèrent de la capitale en 1644, proclamèrent la déchéance des Ming et, en 1651, toute la Chine était conquise.

Les Mandchous de 1644 à 1900

La nouvelle dynastie mandchoue, celle du Qing (1644/1912) se sinisa rapidement et prit les mesures nécessaires pour atténuer le ressentiment des Chinois. L'empereur K'ang-hi (Kangxi) (1662/1722) et son petit-fils, K'ien-long (Qianlong) (1736/96), comptent parmi les plus grands despotes éclairés de l'histoire de la Chine : la Chine réalisa son programme millénaire d'expansion en Asie centrale, imposa son protectorat à la Mongolie, au Tibet et à la Kachgarie ; la Corée fut réduite en vassalité. Le traité de Nertchinsk (1689) écarta pour près de deux siècles la menace russe sur la Mandchourie. La nouvelle dynastie fut d'abord favorable aux missionnaires chrétiens - notamment aux jésuites, qui remplissaient des fonctions de conseillers techniques à la cour en astronomie, cartographie et artillerie. Mais l'incompréhension manifestée par Rome dans l'affaire des Rites chinois - c'est-à-dire l'adaptation du catholicisme aux traditions nationales chinoises - amena les empereurs à interdire la prédication chrétienne (1717), puis à expulser la plupart des missionnaires (1724). La Chine se ferma alors sur elle-même encore plus que sous les Ming. Elle provoquait les puissances occidentales en aggravant la législation contre le christianisme (1805), mais surtout maintenait des restrictions draconiennes à l'encontre du commerce étranger, qui n'était toléré qu'à Canton, sous la surveillance d'un groupe de marchands chinois (Co-hong), dont les abus étaient flagrants. Les Anglais, qui avaient développé en Inde la culture du pavot et avaient introduit en Chine, vers la fin du XVIIIe s., l'usage de l'opium, souffraient particulièrement de la prohibition par le gouvernement chinois, depuis 1800, de l'importation de cette drogue. À partir des années 1830/40, les commerçants européens firent pression sur leurs gouvernements pour qu'ils obtinssent la liberté du trafic étranger en Chine. En 1839, le vice-roi Lin Tseusiu (Lin Zexu) confisqua et fit détruire à Canton une importante cargaison d'opium. Les Anglais répliquèrent en faisant le blocus de Canton et en déclenchant la « guerre de l'Opium » (1841/42). Par le traité de Nankin (29 août 1842), la Chine se vit obligée d'ouvrir au commerce britannique cinq de ses ports (parmi lesquels Canton et Shanghai) et de céder aux Anglais l'îlot de Hongkong (occupé dès 1841). Des avantages analogues furent accordés en 1844 aux États-Unis et à la France, par le traité de Whampoa (24 oct. 1844) laquelle obtint en outre la tolérance de la religion chrétienne et de l'apostolat des missionnaires. La révolte des T'ai-p'ing (Taiping) (1850/64) qui mêlaient mysticisme et aspirations collectivistes, révéla la crise profonde de l'État mandchou ; pendant plus de dix ans, la Chine méridionale échappa à l'autorité du gouvernement de Pékin. Celui-ci devait en même temps faire face à de nouvelles exigences des puissances européennes, qui justifiaient leurs interventions en invoquant la sécurité de leurs marchands et de leurs missionnaires. Deux interventions franco-anglaises (1858, 1859/60) aboutirent, après la victoire de Pali-k'iao (Baliqiao), le 21 sept. 1860, à l'occupation de Pékin (13 oct. 1860) et à l'incendie du palais d'Été, en représailles des tortures infligées à des Européens. Par les traités de T'ien-tsin (Tianjin) (26/27 juin 1858) et les conventions de Pékin (24/25 oct. 1860), les Français et les Anglais obtinrent l'ouverture de nouveaux ports, l'installation de missions chrétiennes à l'intérieur de l'Empire, la création de légations à Pékin, des privilèges de juridiction pour leurs ressortissants et de substantielles indemnités de guerre. La Russie avait profité de ces événements pour s'assurer des avantages plus considérables encore : annexion de la rive septentrionale de l'Amour (traité d'Aigoun, 1858) et, en 1860, du territoire situé entre l'Oussouri et le Pacifique, où fut fondé Vladivostok. Désormais intéressés au maintien du gouvernement mandchou, les Occidentaux l'aidèrent à écraser la révolte des T'ai-p'ing.
La Chine allait désormais subir la pénétration européenne sous des formes multiples : établissement de « concessions » dans les villes ouvertes et privilèges d'exterritorialité pour les étrangers ; franchises accordées aux marchandises occidentales ; contrôle européen sur le système des douanes (dirigé, de 1863 à 1908, par l'Anglais Robert Hart) et colonisation économique. La Chine ne pouvait plus cependant demeurer dans son isolement, car son plus proche voisin, le Japon, devenait une puissance moderne, avide d'expansion et redoutable. La première guerre sino-japonaise (1894/95), terminée par le traité de Shimonoseki (17 avr. 1895), coûta aux Chinois la Corée, Formose, les îles Pescadores et la péninsule du Liao-toung (Liaodong) ; ses effets psychologiques furent encore plus désastreux car elle fit la preuve que l'Empire mandchou était devenu « l'homme malade » de l'Asie orientale. L'heure de son dépècement semblait venue. Les Russes entreprirent la construction, à travers la Mandchourie, d'un chemin de fer destiné à relier le Transsibérien à Vladivostok (1895) et s'établirent à Port-Arthur (1898) ; les Allemands s'emparèrent de Tsing-tao (Qingdao) et de Kiao-tcheou (Qiaozhou) (1897) ; la France se fit céder Kouang-tcheou (Guangzhou) et l'Angleterre Wei-hai-wei (Weihaiwei) (1898). Sous le coup de ces humiliations, le groupe réformateur dirigé par K'ang Yeouwei (Kang Youwei) et Lean K'itchao (Liang Qichao) parvint au pouvoir, en juin 1898 ; il voulait réorganiser l'administration chinoise, équiper l'armée à l'européenne, ouvrir des écoles et des universités modernes, adopter les techniques européennes pour permettre à la Chine de se libérer de l'Europe. L'Empire mandchou semblait prêt à s'engager dans une révolution comparable à celle de l'ère Meiji au Japon. Mais l'impératrice Ts'eu-hi (Cixi), qui exerça pendant près d'un demi-siècle (de 1861 à 1908) une influence prépondérante à la cour de Pékin, arrêta net ce mouvement réformiste et favorisa les sociétés secrètes, traditionalistes et xénophobes. Encouragés, les Boxers, en juin 1900, assassinèrent l'ambassadeur allemand à Pékin et assiégèrent les légations occidentales. Celles-ci ne furent dégagées que par l'intervention rapide d'un corps expéditionnaire international, commandé par le feld-maréchal allemand von Waldersee, qui entra à Pékin en août 1900.

Les débuts de la République

La dynastie mandchoue se trouvait à la merci des grandes puissances, qui lui imposèrent un humiliant traité (7 sept. 1901) : le gouvernement s'engageait à leur verser dans un délai de trente-neuf ans, l'énorme indemnité de 450 millions de taëls (environ 1,7 milliard de francs-or). La guerre russo-japonaise de 1904/05 - dont l'enjeu était la province chinoise de Mandchourie - et l'annexion par les Japonais, en 1910, de la Corée, séculaire protectorat chinois, illustrèrent davantage le déclin de la Chine. L'impératrice Ts'eu-hi elle-même, aussitôt après la crise des Boxers, se rallia à la politique réformatrice. En dépit de l'opposition persistante du clan mandchou rétrograde, elle appela auprès d'elle l'énergique ministre Yuan Che-k'ai (Yun Shikai) qui réorganisa l'armée à l'européenne, supprima les traditionnels examens de fonctionnaires (1906) et ouvrit plus de 30 000 écoles d'État entre 1901 et 1910, et, par l'édit du 27 août 1908, la Chine s'orienta vers un régime de monarchie constitutionnelle. 000200000C8D000071EF C87,Mais l'impératrice Ts'eu-hi et l'empereur Kouang-siu (Guang Xu) étant morts à quelques jours d'intervalle (nov. 1908), le trône passa à un enfant de trois ans, P'ou-yi (Pu Yi). La régence fut exercée par son père, le prince Tch'ouen (Chun), tout acquis au parti traditionaliste, et dont un des premiers actes fut de renvoyer Yuan Che-k'ai. La réforme impériale condamnée, l'initiative passait aux révolutionnaires du Sud, à la fois nationalistes et démocrates, qui se groupaient dans le Kouo-min-tang, fondé en 1900 par Sun Yat-sen. Alors qu'à Pékin le régent multipliait les manœuvres dilatoires la révolution éclata à Wou-tch'ang, dans le Ho-pei (10 oct. 1911). La cour impériale, affolée, rappela Yuan Che-k'ai, qui constitua un gouvernement de réformateurs, mais le mouvement révolutionnaire s'étendait rapidement à quatorze des dix-huit provinces chinoises, qui réclamaient une république. Le 30 déc. 1911, une Assemblée nationale, réunie à Nankin, proclamait Sun Yat-sen président de la République. Comprenant la vanité de tout recours à la force, Yuan Che-k'ai, préféra devancer les républicains du Sud et contraignit à l'abdication l'empereur enfant P'ou-yi (12 févr. 1912) et, trois jours plus tard, institua le régime républicain à Pékin. Par souci d'union nationale, Sun Yat-sen s'effaça, et, dès mars 1912, Yuan Che-k'ai était reconnu comme président de la nouvelle République dans tout le pays. Yuan Che-k'ai ne songeait qu'à confisquer la révolution à son profit. Ayant réussi à redresser temporairement la situation financière grâce à un emprunt de 25 millions de livres sterling à un consortium occidental, il se sentit assez fort pour éliminer les députés du Kouo-min-tang (4 nov. 1913), dissoudre le Parlement, qui fut remplacé par une commission nommée (janv. 1914), et pour supprimer les assemblées provinciales (mars 1914). Dès août 1914, les Japonais avaient violé la neutralité chinoise et occupé la région du Chang-toung. En janv. 1915, le gouvernement de Tôkyô présenta à Yuan Che-k'ai ses « Vingt et Une Demandes », qui n'étaient rien qu'une colonisation économique de la Chine. Pékin dut céder partiellement à l'ultimatum japonais, mais celui-ci eut pour résultat de susciter dans tout le pays, surtout dans le Sud, un puissant mouvement patriotique qui allait avoir des conséquences durables. Entrée en guerre aux côtés des Alliés en août 1917, la Chine espéra obtenir de la conférence de la paix, en 1919, la fin des avantages qu'elle avait dû consentir. Mais la France et l'Angleterre, qui proclamaient contre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, ne songeaient nullement à rendre à la Chine son indépendance économique. Aussi les délégués chinois refusèrent-ils de signer le traité de Versailles. Cet acte symbolique avait été précédé par une démonstration populaire de portée beaucoup plus grande : le « mouvement du 4-Mai » (rappel de la grande manifestation patriotique des étudiants de Pékin, le 4 mai 1919), au caractère antijaponais et antioccidental, il affirmait la volonté à la fois nationale et moderniste d'une Chine nouvelle, intérieurement régénérée et capable de faire respecter sa dignité par toute puissance étrangère.