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CHILI

État de l'Amérique du Sud, dont le territoire s'étend le long de l'océan Pacifique ; capitale Santiago. Venus du Pérou, les Espagnols, commandés par Diego de Almagro, pénétrèrent sur le territoire actuel du Chili dès 1536, mais ils ne purent s'y maintenir contre les Indiens Araucans. Au cours d'une nouvelle expédition, Valdivia fonda la ville de Santiago (févr. 1551), mais il trouva la mort en 1553, dans les guerres contre les Araucans ; la conquête fut poursuivie par Garcia Hurtado de Mendoza, dont les troupes atteignirent le détroit de Magellan. La résistance des Araucans ne fut définitivement brisée qu'au XIXe siècle. Province de la vice-royauté du Pérou, puis capitainerie générale (1778), le Chili, colonie essentiellement agricole, vit se développer une importante population métisse. Dès 1810 éclata le premier mouvement d'indépendance, mais la désunion entre les insurgés permit aux Espagnols de reprendre le contrôle du pays, après leur victoire de Rancagua (1er/2 oct. 1814). • « La Prusse de l'Amérique du Sud » • Seize ans de dictature • Le retour à la démocratie « La Prusse de l'Amérique du Sud » Venue d'Argentine en franchissant les Andes l'armée de San Martín établit définitivement l'indépendance du Chili (12 févr. 1818) et, par la victoire de Maipu (5 avr. 1818), écarta toute menace d'une reconquête espagnole. Nommé « directeur suprême » (1818/23), O'Higgins posa les bases de l'État chilien. Une période de troubles provoqués par l'opposition des libéraux, fédéralistes et des conservateurs partisans d'un exécutif fort dans un État centralisé, s'acheva par la victoire de ces derniers à la bataille de Lircay (avr. 1830). Ils allaient conserver le pouvoir sans interruption pendant plus de trente ans et firent du Chili un État centralisé (Constitution de 1833), un pays d'ordre et de progrès, qu'on surnomma « la Prusse de l'Amérique du Sud ». Il affirma sa supériorité militaire sur les Péruviens et les Boliviens à la bataille de Yungay (1839). La présidence de Joaquin Pérez (1861/71) inaugura un régime plus démocratique. Un nouveau conflit avec la Bolivie et le Pérou, la guerre du Pacifique (1879/84), se termina à l'avantage du Chili, qui reçut toute la région côtière bolivienne d'Antofagosta et la province péruvienne de Tarapacá, riche en nitrates. La guerre civile de 1891, marquée par la victoire des partisans du Congrès sur le président Balmaceda, fut suivie d'une longue période où le parti libéral assuma le fonctionnement régulier du régime parlementaire. Élu en 1920 et représentant les classes moyennes, Arturo Alessandri fut chassé en 1924, rappelé en janv. 1925, promulga une nouvelle Constitution, et fut renversé en oct. par son ministre de la Guerre, Carlos Ibañez. Sous sa dictature (1925/31), l'État intervint, très audacieusement pour l'époque, dans la vie économique en créant, avec des capitalistes nationaux et étrangers, un monopole du nitrate, la COSACH. Depuis le XIXe s., le Chili avait connu un grand essor industriel et commercial, mais son économie restait fragile, parce qu'elle demeurait tributaire des exportations de cuivre et des fluctuations des cours mondiaux. La crise mondiale de 1929 eut au Chili des effets désastreux : la chute des exportations fit baisser de moitié la production de cuivre entre 1927 et 1931 et les deux tiers des travailleurs des mines se trouvèrent sans emploi. Après la chute d'Ibañez (juill. 1931), Arturo Alessandri revint à la présidence (1932/38), soutenu par les forces politiques du centre et de la droite, mais la lenteur du redressement économique favorisa la formation, en 1936, d'un Front populaire rassemblant les radicaux, les socialistes et les communistes.



Parvenu au pouvoir en 1938 avec une faible majorité de 4 000 voix, le Front populaire le conserva jusqu'en 1952. Le président Pedro Aguirre Cerda (1938/42) inaugura une sorte de « New Deal » chilien et fit un gros effort dans le domaine de l'instruction publique, de la sécurité sociale et de la santé ; l'activité industrielle fut encouragée par un organisme d'État chargé de diriger les investissements publics vers les branches prioritaires. Sous la présidence de Juan Antonio Rios (1942/46), le Chili, resté neutre durant la Première Guerre mondiale, rompit ses relations diplomatiques avec l'Axe (janv. 1943) et entra tardivement en guerre aux côtés des Alliés, en févr. 1945. Après les élections de 1946, le nouveau président, González Videla (1946/52), s'appuya d'abord sur la gauche du Front populaire et fit même entrer au gouvernement trois ministres communistes, fait sans précédent en Amérique latine. Mais les pressions économiques des États-Unis, la dépendance du Chili à l'égard des capitaux nord-américains et la recrudescence de l'agitation sociale amenèrent la rupture entre le président et l'extrême gauche (le parti communiste chilien fut interdit de 1948 à 1958). Après un retour au pouvoir de Carlos Ibañez (1952/58), ce fut le candidat de la droite, l'homme d'affaires Jorge Alessandri (fils de l'ancien président des années 1920), qui fut président de 1958 à 1964. Jouissant de la confiance des États-Unis, il remédia au malaise économique par un plan d'austérité, qui pesa lourdement sur les classes les plus défavorisées et suscita de profonds mécontentements. Le démocrate-chrétien Eduardo Frei Montalva (1964/70) mit en œuvre un vaste programme de réformes économiques et sociales, en prenant garde de ne pas décourager les investissements nord-américains. Par la négociation il imposa, en 1969, une participation chilienne majoritaire dans l'exploitation du cuivre. Il inaugura également une réforme agraire. Mais ces réformes lourdes pour le budget de l'État, étaient jugées trop lentes et insuffisantes par l'aile gauche de la démocratie chrétienne, qui, se joignit aux socialistes et aux communistes pour soutenir la candidature de Salvador Allende à l'élection présidentielle de 1970. Arrivé en tête à ce scrutin, mais avec 36 % des voix et 40 000 voix seulement d'avance sur le candidat de la droite, Alessandri, Allende fut élu président par un vote du Parlement. C'est par une révolution légaliste qu'Allende essaya de faire du Chili un État socialiste. Il forma un gouvernement d'« union populaire », avec les communistes, les socialistes, les radicaux et les chrétiens d'extrême gauche ; mais, accusé de réformisme par la gauche révolutionnaire (MIR), il ne pouvait compter sur l'appui du Parlement, où l'opposition détenait la majorité dans les deux Chambres. La nationalisation du cuivre (juill. 1971), l'accélération de la réforme agraire, le passage sous le contrôle de l'État des grandes banques, du papier, du textile, des houillères, de l'industrie sidérurgique..., furent les principales réformes du gouvernement Allende. Mais certaines de ces mesures portaient préjudice aux intérêts de sociétés nord-américaines ; les États-Unis, méfiants envers un gouvernement favorable à Fidel Castro, coupèrent les crédits dès 1971 et organisèrent une sorte de blocus financier autour du Chili.


Dès juill. 1971, Allende avait perdu le soutien parlementaire de la démocratie chrétienne. Contraint d'instaurer le rationnement, Allende dut faire face à l'agitation multiforme des ménagères qui protestaient contre la pénurie, des commerçants, des transporteurs routiers, des conducteurs de transports en commun... Pour consolider son gouvernement, il dut y faire entrer des militaires (nov. 1972). Mais aux élections législatives de mars 1973, malgré quelques progrès de l'Union populaire, l'opposition conserva la majorité dans les deux Chambres du Parlement, avec 54,70 % des suffrages. Seize ans de dictature Le gouvernement d'union populaire fut renversé le 11 sept. 1973 ; une junte militaire, commandée par le général Pinochet, s'empara du pouvoir par un putsch au cours duquel Allende se tua dans le palais présidentiel. Proclamant sa résolution d'extirper complètement le marxisme du Chili, la junte militaire procéda à une sanglante répression : des milliers de personnes furent exécutées sommairement, d'autres internées sans jugement par milliers. Le Parlement fut dissous, et tous les partis politiques y compris ceux de l'opposition au régime Allende durent cesser leurs activités. En juill. 1974, le général Pinochet prit le titre de « chef suprême de la nation ». En 1981, il fit adopter une nouvelle Constitution qui l'autorisait à rester au pouvoir jusqu'en 1989, et bien au-delà en cas de plébiscite favorable. Le retour à la démocratie Pinochet, face aux pressions des États-Unis, puis du pape lors de sa visite au Chili en avr. 1987, prit des mesures assurant la régularité du plébiscite d'oct. 1988 sur son maintien au pouvoir : autorisation des partis politiques en févr. 1987, retour des derniers exilés politiques et levée de l'état de siège. Le 5 oct. 1988, les Chiliens votèrent à 55 % contre le maintien au pouvoir de Pinochet. Le général resta à son poste jusqu'à l'élection présidentielle de déc. 1989. Le démocrate-chrétien Patricio Aylwin fut élu au premier tour, avec 55 % des voix, pour un mandat de transition de quatre ans. Les démocrates-chrétiens remportèrent également les élections législatives qui eurent lieu le même jour. Mais Pinochet conserva les pouvoirs que lui octroyait la Constitution de 1980 : maintien à la tête de l'armée de terre jusqu'en 1997 et possibilité de nommer un quart des sénateurs. Amender cette Constitution nécessitait une majorité des deux tiers, que les démocrates n'avaient pas atteinte aux élections. Le démocrate-chrétien Eduardo Frei (fils d'Eduardo Frei Montalva) fut élu à la présidence de la République, le 11 déc. 1993, avec 58 % des voix sur un programme de lutte contre la pauvreté. Le nouveau gouvernement maintenant l'orientation économique libérale de ses prédécesseurs, parvint à renforcer les exportations qui, en 1993, atteignirent un tiers du PIB. Par son accord de 1996 avec le Canada, le Chili est devenu partenaire de l'ALENA. L'arrestation à Londres du général Pinochet, en 1998 faisait suite à une demande d'extradition déposée par deux juges espagnols. Elle relança la tension politique dans le pays. La justice anglaise, après avoir autorisé l'extradition de Pinochet vers l'Espagne, le laissa rentrer au Chili, pour « raisons de santé », en mars 2000. La cour d'appel de Santiago prononça la levée de son immunité parlementaire comme sénateur à vie, sentence confirmée par la Cour suprême, en août 2000. Par ailleurs, le socialiste Ricardo Lagos, vainqueur des élections de déc. 1999, avait remplacé E. Frei à la présidence de la République en mars 2000. En déc. 2000, Pinochet fut assigné à résidence et mis en accusation et, en janv. 2001, rencontra un juge d'instruction.