CHIKAMATSU MONZAEMON
CHIKAMATSU MONZAEMON (de son vrai nom Sugimori Nobumori). Né à Kyôtô (Hondo, Japon) en 1653, mort à Osaka le 7 janvier 1725, il fut le plus grand dramaturge japonais. On sait peu de chose de son existence avant le moment où il commença de faire fureur comme auteur dramatique. Une dizaine de traditions se disputent le lieu de sa naissance et trois, au moins, celui de sa mort. On admet généralement qu'il naquit d'une famille de samouraï, et qu'une partie de sa jeunesse se passa au service de familles nobles de la capitale, Kyôtô. Il ressort de ses oeuvres qu'il possédait une connaissance approfondie de la littérature de son pays, et que les auteurs classiques chinois lui étaient familiers; il donne souvent d'abondantes citations de ces derniers, et aussi des livres sacrés du Bouddhisme. On sait qu'il fut en sa jeunesse un habile compositeur de haïkaï (petits poèmes en vers de dix-sept syllabes) et qu'il étudia au monastère bouddhique de Gonjôji (aujourd'hui dans la préfecture de Shiga). Avec Chikamatsu les drames destinés au théâtre populaire « kabuki » et au théâtre de marionnettes « jôruri » se divisent en deux groupes : le genre historique « jidai-monô » et social « sewamono » ; ces derniers, inspirés le plus souvent par des faits puisés dans la chronique de l'époque, sont fondés sur l'opposition entre les besoins du sentiment, de la nature humaine, « ninjô », et les exigences de la morale de Confucius alors en vigueur, « giri ». Le conflit se résout assez souvent par le suicide des deux amants : « shinjû », double suicide par amour. La carrière de Chikamatsu comprend quatre périodes. La première (1675-1685) s'ouvre par L'Esprit méchant de dame Wistaria écrit pour le grand acteur Sakata Tôjûrô (1645-1709) qui jouait à Kyôtô et qui interpréta cette oeuvre, croit-on en 1677, bien que certains pensent qu'il faille reporter cette date à 1686; quoi qu'il en soit, il est certain qu'en cette dernière année Chikamatsu s'était déjà fait un nom. De toute façon ses premières oeuvres sont essentiellement adaptées des nô (drames classiques). La seconde période (1686-1703) commença par la représentation de Kagekyo le triomphateur [Shusse Kagekyô, cinq actes, 1686] sur la scène du Takemoto-za, théâtre créé à Osaka en 1685 par Takemoto Gidayû (1650-1714). Au cours de cette période, Chikamatsu écrivit surtout des « kabuki », la plupart à l'intention de Tôjûrô. Dans quelques-uns de ceux-ci il y a déjà des scènes qui se passent dans les lupanars des quartiers réservés; elles laissent entrevoir dans quel sens s'orientera son oeuvre future. La troisième période débute par la représentation du premier drame social, Sonezaki Shinjû, trois actes, 1703, qui portait à la scène un fait récemment arrivé. Jusque-là Chikamatsu avait écrit des « kabuki » pour Tôjûrô et des jôruri pour des chanteurs tels que Inoue Harima-no-jô (1632-1685), Üji Kaga-no-jô (1635-1711), etc., sans compter Takemoto-Gidayû. Mais en 1705, ayant quitté Kyôtô pour Osaka, Chikamatsu écrivit seulement pour le Takemoto-za. Dans ce centre de traditions bourgeoises, son attention fut fixée par les « sewamono », qui traitaient des problèmes qui agitaient les « chônin » (bourgeois). La quatrième période (1714-1725) voit d'abord la mort de Gidayû, qui avait désigné pour lui succéder son jeune élève Takemoto-Masadayû (1691-1744), ce qui provoqua la colère des anciens acteurs qui soutenaient que Masadayû était indigne de succéder à son maître; aussi, ils commencèrent à déserter le théâtre et les spectateurs ne tardèrent pas à les imiter. Chikamatsu, qui appréciait les talents de Masadayû, entreprit de le réhabiliter. Ce fut dans ce but qu'il écrivit Kokusenya Kassen , (trois actes, 1715), qui relégua dans l'ombre tous ses succès antérieures et tint la scène durant dix-sept mois consécutifs. Non seulement ce drame assura la réputation de Masadayû, mais il ajouta un nouveau fleuron à la gloire de Chikamatsu. Au cours des dix années qui suivirent, celui-ci écrivit encore pour Masadayû des drames, comme par exemple Kokusenya Conichi Kassen, drames qui valurent au Tokemoto-za un éclat surpassant celui qu'il avait connu du vivant de Gidayû. Mais le grand dramaturge mourut le 22e jour de la XIe lunaison de la 9e année de l'ère Koyho. Chikamatsu a été appelé le Shakespeare japonais. Quoi qu'on puisse penser de ce rapprochement, il possède l'art subtil de représenter, merveilleusement dépeints, émouvants, les caractères de ses personnages troublés par les passions. C'est véritablement un magicien de la plume, disposant d'un vocabulaire riche, varié, allant du chinois vulgaire à la langue nationale classique, de la poésie japonaise au parler populaire et même au dialecte d'Osaka. Il sait doser à leur juste mesure ses éléments linguistiques afin d'obtenir l'effet désiré. Son style original est toujours expressif et fleuri; il anime l'action à la scène et confère de la chaleur, un sens profond, aux sentiments exprimés par les personnages.