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CHENIER André Marie

CHENIER André Marie 1762-1794

Initié par sa mère, grecque d'origine, aux beautés de l'Antiquité, il traduisit, à quatorze ans, Anacréon et Sappho. Sous-lieutenant, il doit quitter l'armée pour raison de santé et mène quelque temps la vie d'un épicurien élégant. Durant la tourmente révolutionnaire, il prendra violemment parti contre les Jacobins et défendra Charlotte Corday après l'assassinat de Marat. Arrêté, jugé, condamné, il fut exécuté le 7 thermidor an II (25 juillet 1794), deux jours avant la chute de Robespierre. Son œuvre ne fut publiée qu'en 1819 par Henri de La-touche (voir aussi M. Desbordes-Valmore). Placée sous les augures de l'antiquité à qui il demandait un esprit, un ton, une liberté, sa langueur et sa mélancolie surent toucher les romantiques. Il faut croire qu'on n'échappe pas à son temps, puisque s'il est vrai qu'avec Chénier sombrent une époque et une esthétique, on sent frémir et se faufiler, au-delà de la plastique impeccable des Iambes et autres Elégies, un ton nouveau, plus sensible, qui fera son chemin au siècle suivant.

Né à Constantinople en 1762 d'un père consul de France et d'une mère grecque, André Chénier fait ses études en France, d'abord à Carcassonne, puis au collège de Navarre à Paris, établissement réputé pour les jeunes nobles. Comme eux, il veut faire carrière dans les armes. Mais après une année de garnison à Strasbourg, il revient à Paris hanter les salons, où son charme ne laisse pas indifférentes ses hôtesses, avec l'espoir de se faire un nom dans le monde des lettres. Afin de le consoler d'amours malheureuses, ses amis le font voyager en Suisse, puis en Italie. Durant cette période, il compose ses Élégies et ses Bucoliques. En 1787, il part à Londres comme secrétaire de l'ambassadeur de France. Il s'y ennuie et prend un congé pour, en 1789, venir assister aux premières journées révolutionnaires. À l'enthousiasme succède l'inquiétude devant les excès dont il est le témoin. Pamphlétaire de talent, il s'en prend violemment à Robespierre et aux organisateurs de la Terreur qui ne le lui pardonneront pas, tandis que son frère Marie-Joseph, auteur du Chant du départ, devient le chantre de l'ardeur républicaine. Recherché pendant la Terreur (n'a-t-il pas osé écrire un poème à la gloire de Charlotte Corday, qui a assassiné Marat !), André Chénier, qui s'est réfugié à Versailles, est arrêté alors qu'il venait rendre visite, à Passy, à la famille d'un ami emprisonné. Enfermé à la prison de Saint-Lazare, où il s'éprend de Mlle de Coigny (La Jeune Captive) qui lui survivra, il fait sortir dans des corbeilles à linge les poèmes qu'il rédige sur des morceaux de papier. Durant son procès, il est poursuivi officiellement pour avoir inséré dans le Journal de Paris des poèmes royalistes. Chénier, fort de son innocence, refuse de se défendre. Il est condamné à mort, victime de cette justice expéditive qu'il a tant dénoncée. Ce poète, qu'on assassine à 32 ans, monte sur l'échafaud en récitant des vers de Racine. Il y précède de deux jours, en juillet 1794, son ennemi Robespierre. Son œuvre n'est publiée qu'une vingtaine d'années après sa mort.




CHÉNIER André 1762-1794 Poète lyrique et satirique, né à Galata, près de Constantinople. Son père, consul en Grèce, épouse une belle « native » qui sera à Paris l’ornement de son salon. Elle y reçoit des poètes, des érudits et le peintre néo-classique David. Le jeune Chénier devient érudit lui-même (l’archéologie est à la mode depuis Winckelmann), et néo-classique (il sera même un instant peintre, et disciple de David). Par bonheur il est aussi poète : les adorables Idylles ou Bucoliques, composées entre 1785 et 1787 (La Jeune Locrienne, Néaere) ; Les Élégies (plus inégales, mais auxquelles il faut ajouter la suite passionnée qu’il dédie « à Fanny », en pleine période révolutionnaire) ; enfin les grands poèmes composés à Londres, de 1788 à 1789, et laissés à l’état d’ébauches : en particulier l’Hermès, que Raymond Queneau, auteur lui-même d’un étonnant poème cosmogonique, a naguère apprécié à sa valeur. (Signalons, d’autre pan, que l’autre « épopée scientifique » de Chénier, L’Amérique, contient un hymne à la nuit d’un prodigieux élan.) Enthousiasmé par les premiers événements révolutionnaires, Chénier abandonne son poste de secrétaire d’ambassade à Londres et publie en 1790 un Avis au peuple français sur ses véritables ennemis. Mais, partisan d’une monarchie constitutionnelle, il est arrêté en 1794 et incarcéré. 11 meurt sur l’échafaud deux jours avant la chute de Robespierre. Sur de minces bandes de papier, il avait composé dans sa prison la série des ïambes. 11 y a mis tout son mépris pour les bourreaux barbouilleurs de lois, pour les noirs recruteurs des ombres (et même pour ses compagnons de geôle qui braillent, boivent, rient). Poème de la haine et de l’indignation, ce mince cahier de pièces vengeresses, s’égale en son ardeur candide aux Châtiments de Victor Hugo (qui même, en comparaison, sonnent un peu faux, parfois ; sinon un peu creux). La gloire de Chénier est posthume, entièrement. De son vivant, c’est son frère, Marie-Joseph, auteur de tragédies claironnantes et du Chant du départ, qui est le grand homme de la famille. La première édition des poésies de Chénier (en 1819, vingt-cinq ans après sa mort) intervient au beau milieu de la ruée des premiers romantiques, qui croient voir en lui un précurseur. Il vaut bien mieux que cela. Chénier représente, sans aucun doute, un des points de perfection de notre littérature lyrique, non loin de Théophile, de Tristan L’Hermite et même de Du Bellay (dont il a la candeur). Succédant à un siècle riche surtout en prosateurs, c’est là un poète d’instinct. Son oreille est infaillible, et jamais il ne force la note. Dans une brève évocation, il sait introduire - par l’inattendu de ses rythmes ou de ses images - le frémissement de la vie. Plus à son affaire, d’ailleurs, avec les nymphes et les chèvre-pieds qu’avec les héros ou les dieux olympiens (La Mort d’Hercule ; l’Apollon de La Jeune Malade, etc.). Sa voix parvient à rester discrète, et presque pudique, même quand il est aux prises avec un sujet emprunté à la lyrique amoureuse grecque ; ainsi dans la très audacieuse mais aussi très fraîche Oaristys, pièce alternée que chantent deux fiancés. En un temps voué à la plus écœurante sentimentalité (et ce temps va bien durer encore jusqu’au milieu du siècle suivant) il est le seul à retrouver directement, par affinité naturelle, la grâce et la naïveté, c’est-à-dire à renouer avec la tradition lyrique française de Charles d’Orléans à La Fontaine en passant par Ronsard.

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