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CHARRON Pierre

CHARRON Pierre. Moraliste français. Né à Paris en 1541; mort dans cette même ville, le 16 novembre 1603. Fils d'un libraire parisien qui eut vingt-cinq enfants, il fait d'abord de très brillantes études de philosophie, puis va étudier le droit à Orléans et à Montpellier, où il est reçu docteur en 1571. Après avoir exercé quelques années le métier d'avocat, il revient à la théologie et, en 1576, entre dans les ordres. Il se révèle aussitôt dans plusieurs églises parisiennes comme un excellent prédicateur. Marguerite de Navarre, femme du futur Henri IV, l'attache à sa maison, mais Charron est également appelé par plusieurs évêques de province, à Bazas, Lectoure, Agen, Condom, Cahors, villes où, pendant une quinzaine d'années environ, il remplit les fonctions de théologal, c'est-à-dire de prédicateur extraordinaire. Rentré à Paris en 1588, il essaie vainement de se faire admettre chez les Chartreux. Une nouvelle série de prédications à Bordeaux, l'année suivante, lui donne l'occasion de rencontrer Montaigne qui a immédiatement une influence décisive sur ses idées; c'est encore à Bordeaux qu'en 1594, Charron publie son premier ouvrage, Trois vérités contre tous athées : idolâtres, juifs, mahométans, hérétiques et schismatiques, défense parfaitement orthodoxe du catholicisme qui vaut à l'auteur la charge de grand vicaire de l'évêque de Cahors. Député de la province ecclésiastique du Quercy à l'assemblée du clergé de 1595, choisi comme secrétaire de l'assemblée, Charron obtient de nouveaux succès de prédicateur dans la capitale, retourne à Cahors, est appelé comme théologal à Condom en 1600 et publie la même année seize Discours chrétiens sur les principaux thèmes du dogme catholique. Un an plus tard, les Trois livres de la Sagesse, imprimés à Bordeaux, vont susciter un scandale considérable dans le monde religieux. Pierre Charron est dénoncé par des théologiens comme un « athée superstitieux, ennemi de Jésus-Christ et prévaricateur », ce qui l'entraîne à revoir son ouvrage, à supprimer, rectifier, adoucir en vue d'une seconde édition qui était en cours à Paris au moment où, dans cette ville, Pierre Charron fut terrassé par une attaque d'apoplexie. On peut s'étonner du retentissement des Livres de la Sagesse : n'y avait-il pas eu auparavant, au cours du XVIe siècle, d'autres ouvrages d'une grande hardiesse, par exemple le Discours de la Servitude volontaire de La Boétie et surtout les Essais de Montaigne ? Mais Charron est un théologien : c'est « ex cathedra » qu'il prêche la tolérance religieuse, qu'en disciple de Sénèque plutôt que du Christ il fait reposer toute morale sur « la loi de nature », sur la raison, « rayon de la divinité » qui a, selon lui, éclairé les philosophes païens autant que les chrétiens. D'autre part, comment ne pas suspecter — bien à tort cependant — la bonne foi de ce prêtre renommé qui exposait les objections de l'adversaire avec une précision, une clarté telles qu'on ne s'occupait plus guère ensuite des pâles réponses ajoutées pour sauver l'orthodoxie ? Enfin, si Charron n'est pas original, s'il emprunte à son maître et ami Montaigne des passages entiers, il les transcrit dans son style un peu lourd et plein d'assurance de théologien, il fait une doctrine formulée de ce qui n'était chez Montaigne que doutes, interrogations. « Charron est un merveilleux classeur [sic) Il n'est pas dialecticien pour une obole; mais le premier en son temps, il fait un livre d'une disposition nette et précise, ordonné jusque dans le plus petit détail. » Fortunat Strowski. ? « Charron a eu une sorte de vague pressentiment de nos méthodes modernes quand il demanda au sage de tout examiner, de tout comprendre, de ne pas se prononcer à la légère, de ne pas céder aux partis pris; il a annoncé Bacon, Descartes, Pascal. » M. Dreano.

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