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CARACTERE, caractériel, caractérologie

CARACTERE. n.m. (gr. charaktêr « lettre »). D’où le sens général de « signe distinctif ». ♦ 1° Psychologie. Ensemble des manières de se comporter, d’agir et de réagir. « Squelette permanent de dispositions qui constitue la structure mentale d’un homme » (Le Senne).— « Ce qu’il y a de permanent, d’initialement et perpétuellement donné dans l’esprit d’un homme (idem) ». — « Ensemble des qualités qui confèrent à un être quelconque sa charge d’inaliénable originalité » (G. Thibon). En ce sens, on a tel ou tel type de caractère. ♦ 2° Ethique. Possession de soi, fermeté, accord avec soi-même. Mounier parle, à ce sujet, de la « force plus ou moins grande avec laquelle nous maîtrisons » les conditions qui nous sont données. Alain dit : « Le caractère, c’est l’humeur contrainte. » En ce sens, on dit « avoir du caractère ». La caractérologie est une forme de psychologie appliquée à l’étude des caractères individuels, à la corrélation des dispositions, aux aptitudes et aux comportements qui en découlent. À partir des travaux d’Heymans et Wiersma, elle a été particulièrement illustrée, en France, par René Le Senne et Gaston Berger.

caractériel, qui appartient au caractère. Cependant, lorsqu'on parle d'un individu caractériel (« un caractériel»), il s'agit en général d'un enfant présentant des troubles de caractère se manifestant par un "comportement » ou une "conduite » anormale, une « inadaptation » familiale, scolaire, sociale. On distingue deux sortes de théories explicatives : 1° la théorie « constitutionnaliste », pour qui le caractère et ses anomalies (phobies, obsessions, impulsivité exagérée, et tous les troubles d'origine endocrinienne) sont d'origine congénitale, voire héréditaires; 2° les théories « psychogénétiques », plus riches et plus concrètes, qui pensent que les troubles résultent des situations où a vécu l'enfant depuis sa naissance. Elles insistent, à juste titre, sur le rôle de la misère, de l'insuffisance du logement, de la promiscuité. Heuler a remarqué que la plupart des enfants caractériels proviennent de familles dissociées; les troubles peuvent résulter d'un manque d'affection, voire d'une hostilité d'un des parents. Les cas de « délinquance juvénile » se multiplient au lendemain des guerres et des bouleversements sociaux. On distingue les troubles caractériels passagers, qui peuvent accompagner une altération de la santé, l'arrêt de la vie génitale ou l'apparition de la vieillesse, et les troubles permanents, que l'on appelle les troubles « caractériels véritables ». Ceux-ci se reconnaissent, chez l'adulte, par le fait qu'ils se sont affirmés depuis l'enfance : folie des grandeurs, jalousie maladive, impulsivité excessive, exaltation, caractères passionnés (v. les Possédés de Dostoïevski). Le caractériel, au fond, est celui qui n'arrive pas à réussir dans la vie et ne parvient pas à s'accommoder de ce qu'il est : la réadaptation est en général facile pour un enfant jeune (analyse psychologique; changement de milieu), difficile pour un adulte (la cure psychanalytique elle-même se révélant souvent décevante).

caractérologie, étude des caractères. — Le terme a été créé par Wundt. La caractérologie étudie la classification des caractères et leur formation. La classification se fait à l'aide de tests, c'est-à-dire d'épreuves; le plus connu, le test de Rorschach, consiste à écraser des taches d'encre entre deux feuilles et à demander ce qu'évoquent les taches. Utilisant des "grilles" de tests extrêmement complexes, Wierzma et Heymans ont établi la classification la plus célèbre. Elle se fonde sur : 1° l'émotivité; 2° l'activité; 3° la primarité ou la secondarité (le primaire est celui qui vit dans le moment actuel, le secondaire celui en qui les expériences laissent une trace et un retentissement profond et qui, de ce fait, est toujours freiné par l'expérience passée).

On peut simplement distinguer, très généralement, les caractères "introvertis" (tournés en eux-mêmes) et » extravertis » (bavards et ouverts sur le monde, à la limite sans aucune intériorité). Par exemple, celui qui, à la vue d'un tableau ou d'un spectacle du monde, est particulièrement sensible au « mouvement » relève du type « introverti » à tendance schizoïde (par exemple, le tableau des cyprès de Van Gogh se prête particulièrement à cette interprétation); celui qui est surtout sensible à la « couleur » relève du type « extraverti » ; celui qui remarque surtout la « forme » des choses exprime un type d'une intelligence érudite, mélancolique. Le type équilibré sera également sensible au mouvement, à la forme et à la couleur (tel Léonard de Vinci). L'opposition de l'introverti et de l'extraverti est, au fond, celle du littéraire et du scientifique.

caractérologie, étude des caractères. Quoique très ancienne, la caractérologie commence à peine à se construire scientifiquement, et ses bases restent encore incertaines. Il existe plusieurs méthodes d'analyse et de description des caractères. Les unes sont fondées sur une appréciation de la morphologie des individus (physiognomonie, biotypologie) ou sur l’étude, de documents expressifs (graphologie, tests). Les autres utilisent, essentiellement, l’observation du comportement, des attitudes envers le monde extérieur. Parmi les théories qui s’y rattachent, les plus célèbres sont celles de l’école franco-hollandaise (caractérologie d’Heymans et Wiersma, développée en France par R. Le Senne) et celle de C. G. Jung. Selon les auteurs hollandais, tous les caractères seraient susceptibles d’être ramenés à huit types, qui s’obtiennent en combinant les trois facteurs fondamentaux de la personne humaine et leurs contraires : l'émotivité, l'activité et le retentissement (primarité ou secondarité).

Malgré les travaux statistiques de ses promoteurs (2 145 cas étudiés), cette théorie reste contestable, car les formules utilisées sont beaucoup trop étriquées et artificielles pour rendre compte de la richesse d'une individualité. Et, paradoxalement, certains lui préfèrent la typologie de Jung, qui se réfère à l'attitude des personnes devant le monde des êtres et des choses. Pour Jung, les énergies sont orientées soit vers le monde intérieur (introversion), soit vers l'extérieur (extraversion). Dans le premier cas, le sujet accorde la primauté aux idées ; dans le second, il apprécie, surtout, les valeurs du monde extérieur, le prestige, les contacts sociaux. Cette caractérologie sommaire se rapproche beaucoup de la biotypologie de E. Kretschmer. Les psychologues utilisent les données biographiques, l'observation directe et les tests (questionnaire, psychodiagnostic) pour analyser les caractères.

caractère, manière d’être, de sentir et de réagir d’un individu ou d’un groupe. On parle aussi bien du caractère emporté d’un homme que du caractère flegmatique des Anglais ou besogneux des Chinois. C’est donc une empreinte durable, qui permet de différencier des individus ou des groupes entre eux, lorsqu’on observe leurs attitudes et leurs comportements. Les principaux problèmes posés par la notion de caractère sont : 1. celui de la description. Le nombre d’adjectifs ou de substantifs utilisés pour décrire les caractères est très important. G. W. Allport en a recensé 17 953 dans la langue anglaise; 2. celui de la classification, qui dépend en partie du premier et surtout de l’infinie diversité des caractères. (Les classifications zoologiques s’arrêtent aux espèces, aux variétés ou aux races ; jamais elles n’envisagent les individus) ; 3. celui de la nature du caractère. Pour résoudre le premier problème, il faudrait commencer par réduire au minimum le nombre de termes descriptifs. À cette tâche s’est consacré J. W. French (1953), qui ne retint que 49 traits de caractère, confirmés par plusieurs méthodes d’analyse factorielle. Pour régler le deuxième problème, il faudrait que l’on connût les lois psychologiques régissant le caractère et que l’on disposât d'une caractérologie certaine de ses méthodes, ce qui n’est pas encore le cas. Au dernier problème, enfin, se rattache celui de la formation du caractère. Il est aujourd'hui admis que les acquisitions dues au milieu, à l’éducation, à l’expérience et à l’effort personnel, greffées sur le tempérament dont elles sont indissociables, contribuent puissamment à dessiner le caractère de chaque individu. Les attitudes, les habitudes ne sont jamais contractées passivement. Le sujet y participe toujours plus ou moins activement. La connaissance des caractères est possible grâce à l'observation directe, aux questionnaires et aux tests de personnalité.

caractériel, personne atteinte de troubles du caractère. En général, il s’agit d’un sujet d’intelligence normale qui n’arrive pas à s’intégrer harmonieusement dans la société par suite de certains aspects de son caractère. Il est d’un commerce difficile, renfermé ou revêche, quand il n’est pas franchement agressif. Le caractériel n’est pas un malade mental (mais il peut le devenir) ; il n’est ni débile ni fou. Cependant, ses rapports avec autrui sont régulièrement perturbés par de multiples difficultés dont il est l'artisan. Ces troubles, qui sont la manifestation d’un accident survenu dans le développement de la personnalité, se rencontrent le plus souvent dans l’enfance et l’adolescence. Leurs causes sont rarement simples. Comme le caractère, elles participent, à la fois, de la constitution et de l’histoire de l’individu. On peut y trouver des traumatismes obstétricaux (accouchement difficile), des encéphalites ou des éléments héréditaires mais aussi des frustrations affectives précoces, des carences d’autorité éducative, la misère ou l’alcoolisme familial. En pratique, on observe peu de troubles caractériels d’origine constitutionnelle. Pour la plupart, il s'agit de difficultés de comportement provoquées, par les erreurs éducatives des parents (enfants rejetés, maltraités, frustrés ou, au contraire, trop gâtés, étouffés par une sollicitude excessive). La dissociation familiale, due à la mésentente des époux ou, simplement, à l’absence prolongée du père, et le déséquilibre, l’insécurité qui en résultent contribuent aussi à l’éclosion des troubles du caractère chez les enfants. Un traitement psychothérapique et des conseils éducatifs aux parents, dispensés conjointement, permettent souvent de faire disparaître les manifestations caractérielles. Parfois, il est nécessaire de retirer l’enfant de son milieu familial pour le placer dans un établissement spécialisé où une rééducation et un apprentissage professionnel peuvent être entrepris. En France, en 1987, 24 135 écoliers atteints de troubles du caractère et du comportement ont été scolarisés dans divers établissements spécialisés, privés ou publics.. Chez les adultes, des troubles caractériels (bouderie, irritabilité permanente, colère, etc.) s’observent transitoirement, à l’occasion de frustrations morales ou sociales (chômage, grèves de longue durée), ou de modifications physiologiques (ménopause, andropause). Lorsque ces manifestations ont un caractère constant (jalousie, sentiment d’injustice subie), elles ont, selon toute vraisemblance, une origine constitutionnelle qui les rend inaccessibles aux traitements.

CARACTERIELS (troubles). Perversions du comportement créant des difficultés d’adaptation au milieu. CARACTEROLOGIE. La caractérologie est à la personnalité ce que le tempéramment est au corps, c’est-à-dire un mode de comportement et de réactions propres à un individu donné. La psychothérapie, quelle qu’elle soit, préjugeant d’un mode de réaction du patient, est intéressée au type auquel il appartient. La difficulté réside dans la multiplicité des systèmes selon lesquels on a classé les individus tantôt à partir de leur émotivité, de leur communicabilité, du stade psychanalytique auquel ils sont fixés, de leur ressemblance avec les types pathologiques, etc. Il est à noter que les psychothérapies fondées sur une doctrine qui les dépasse, sont tributaires de leur caractérologie. D’autres, comme l’onirothérapie d’intégration, qui sont en prise directe avec la filiation des états émotionnels, semblent échapper aux impératifs caractérologiques des malades (dont il faut tout de même, de toute façon, tenir compte quant aux indications que le psychothérapeute a pu donner pour la réadaptation à la vie). A noter que les types caractérologiques selon Freud sont les types érotique, obsessionnel, narcissique, érotico-narcissique, narcissique-obsessionnel, et érotico-obsessionnel ; que pour Jung il existe deux types : extraverti et introverti. (Pour Adler, voir Caractérologie adlérienne.) CARACTEROLOGIE ADLERIENNE. Contrairement à l’opinion courante, Adler considère la structure du caractère non comme héréditaire, mais comme acquise. C’est dans les cinq premières années de la vie que s’élabore ce qu’Adler dénomme le style de vie du sujet, terme par lequel il exprime sa conviction d’une formation caractérielle élaborée par la force créatrice du sujet sous l’effet de différents facteurs : 1) la valence des organes, 2) la position dans la fratrie, 3) les relations avec le couple parental, 4) les situations psychosociales. 1) Les différents organes et appareils du corps humain ne présentent pas tous une égale valeur fonctionnelle et un identique pouvoir de résistance aux agressions. Certains se trouvent au-dessous de la moyenne. Adler les appelle les organes en état d’infériorité. Du fait de leur infériorité ils sont plus exposés aux agressions, plus vulnérables, plus aptes à succomber à la maladie. Ils captent par contre l’attention du psychisme et créent des axes psychologiques qui impriment leur cachet à toute la personnalité. Un sujet atteint d’une infériorité de l’appareil visuel est particulièrement attentif au monde de la vision, saisit mieux les nuances, les ombres et les lumières, les gradations. Il est attiré par la lecture ; il se cultive. Son infériorité visuelle trouve sa compensation dans son appétit culturel. 2) La position dans la fratrie est significative. L’aîné, près du père, est généralement respectueux de l’autorité, s’intéresse au métier de ce dernier et prend souvent sa succession. Seul pendant les premières années de sa vie, il se voit par la suite détrôné par le cadet. Ce dernier, constamment aiguillonné par la présence de l’aîné, plus fort, plus instruit, s’efforce de l’égaler, de le surpasser. Le benjamin, enfant de parents vieillissants, souvent sous la protection excessive de sa mère, est doté d’un dynamisme extraordinaire (il porte des bottes de sept lieues). Il a devant lui des frères et sœurs plus âgés qu’il a du mal à égaler. Deux modalités caractérisent son évolution. Il peut facilement douter de lui-même et sombrer dans la névrose. Grandissant dans une atmosphère de serre, comme une plante exotique, le contact avec les difficultés de la vie, pour la solution desquelles il n’est pas préparé, lui est préjudiciable. D’autres fois son très grand dynamisme le conduit à des réalisations importantes. L’enfant unique, une fille dans une fratrie de garçons, présentent des traits caractériels typiques. 3) La relation de l’enfant avec le couple parental, avec la mère, le père, nous donne le tableau de l’enfant délaissé, détesté, non désiré ou par contre très gâté. 4) L’ambiance d’une famille vivant dans des conditions psychosociales particulières (minorité ethnique, religieuse, raciale, très grande indigence) modèle également le caractère de l’enfant. CARACTERE (n. m.) 1. — Signe distinctif servant à reconnaître un objet. 2. — (Lato) Propriété (Frege distingue les caractères du concept et les propriétés de l’objet). 3. — (Psycho.) Ensemble des propriétés d’un individu. 4. — Caractérologie : classification ou étude des caractères au sens 2. 5. — Caractéristique : a) Art de bien représenter les pensées par des signes ; pour Leibniz, la caractéristique universelle est une écriture servant au raisonnement (~ algèbre universelle), b) Caractère spécifique.




caractère, ensemble des traits distinctifs qui constituent la figure psychologique ou morale d'une personne ou d'un groupe. — Divers tests permettent de différencier les caractères, notamment le test de Dembo, qui consiste à placer une personne volontaire dans un cercle de craie pour lui faire attraper une chaise qui est juste hors de son atteinte, et à étudier ses réactions spécifiques d'échec (colère, plaisanterie, etc.). Le problème fondamental est de connaître les causes qui contribuent à la formation d'un caractère : il y a d'abord le tempérament, qui est notre acquis physiologique; Goethe, en disant que "le caractère de l'homme est son destin", identifiait caractère et tempérament. En fait, le caractère est spécifiquement psychologique, au point qu'Alain disait, au contraire : « Un caractère est un serment » ; saint Ignace était naturellement violent, il fut saint par pure volonté, « par caractère ». Entre les thèses innéistes, pour qui le caractère vient avec la naissance, et les thèses empiristes, pour qui le caractère se forme avec l'expérience (l'éducation, le milieu, la volonté), se situent les thèses de la psychanalyse : le caractère se « fixerait » au cours des épreuves qui marquent la prime enfance; l'individu serait marqué une fois pour toutes par son enfance. En fait, le tempérament, l'enfance, l'éducation, l'expérience sont des éléments au service de notre liberté; notre vie psychologique et morale peut évoluer et progresser indéfiniment.

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