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BRENTANO Clemens Maria

BRENTANO Clemens Maria. Écrivain allemand. Né à Ehrenbreitstein sur le Rhin, le 8 septembre 1778, mort à Aschaffenburg le 28 juillet 1842. Il était le fils du négociant de Francfort Pietro Bretano, originaire de Tremezzo, et de Maximiliane La Roche qui fut aimée du jeune Goethe, et le frère de Bettina. Impulsif, sensible à l'excès, plein de fantaisie, sa jeunesse et sa vie furent tourmentées et instables. N'ayant aucun goût pour le commerce, il fit ses études universitaires à Halle où il rencontra Achim von Amim, puis à Iéna (1798) où il fréquenta un des premiers groupes romantiques. Puis il se lança avec fougue dans la bataille contre l'illuminisme et fit sensation en publiant un roman « sauvage et primitif » Godwi ou la Statue de la mère (1799-1801) inspiré du Wilhem Meister, de Goethe, oeuvre pleine d'une charmante fantaisie et dont certains passages comptent parmi les plus beaux de la langue allemande (la ballade de la Loreleï, par exemple). Cette oeuvre semble être une préfiguration de sa propre vie. Il en est de même pour une singulière comédie Ponce de Leon qu'il envoya sans succès à un jury présidé par Schiller et Goethe. Il semble qu'à ce moment il recherchait le salut dans le mariage. Il se maria en 1803 avec Sophie Méreau qui était plus âgée que lui, et qui écrivait. En trois ans faits « d'un peu de paradis et de beaucoup d'enfer » trois enfants naquirent et moururent, le troisième avec la mère. Brentano mena alors une vie errante. A Heidelberg il retrouva Arnim et publia avec lui le fameux recueil de poèmes populaires intitulé Le Cor merveilleux de l'enfant qui apportait une sève nouvelle à la poésie allemande. Il collabora aussi à la revue Zeitung für Einsiedler, y donnant des articles sur le Moyen Age. Il récrivit, et avec beaucoup d'art, certains des contes de Basile et les groupant avec d'autres en fit les Contes rhénans qui constituent une sorte de chanson de geste populaire. Puis il composa une vingtaine de Romances du Rosaire, vaste épopée où l'invention du rosaire est liée à la rédemption d'une famille bolonaise du Moyen Age, qui porte le poids d'une faute millénaire. Les épreuves qui naquirent d'un nouveau mariage malheureux l'incitèrent à chercher refuge auprès de ses parents et de ses amis. A Landschut, il retrouva son beau-frère, Savigny. A Berlin, ses amis Arnim et Kleist mettaient leur talent au service de la politique; il collabora avec eux, en poète, au moment de la dernière phase de la lutte antinapoléonienne. A Berlin aussi, Brentano écrivit ses plus belles nouvelles — par exemple, Histoire du brave Gaspard et de la belle Annette, et ses plus belles légendes — Gockel, Hinkel et Gackeleia, Chronique d'un écolier vagabond, mais rien ne pouvait le consoler de sa vie manquée, même pas son oeuvre poétique qu'il estimait vaine. En fait elle est, quoique très originale, souvent diffuse; elle réflete l'homme et a, comme lui, quelque chose d'incertain et d'inachevé. Une amie, qu'il avait voulu épouser, lui avait fait retrouver la foi catholique (1817). A la suite de cette conversion, il passa six ans au chevet d'une religieuse stigmatisée, Catherine Em-merich, recueillant de sa bouche le récit des visions qui la hantaient et que Brentano publia sous le titre : La Douloureuse passion de N.-S. Jésus-Christ. Il donna également, d'après les méditations de Catherine Emme-rich, une Vie de la Vierge Marie. Puis il reprit son existence sans attache, vivant successivement à Coblence, Francfort, Ratisbonne et Munich. Au cours de ses dernières années, il n'écrivait plus que des cantiques, s'effor çant de racheter ainsi ce qu'il considérait comme des erreurs de jeunesse. LIONELLO VINCENTI. ? « Ma vie est la plus merveilleuse des poésies, mais elle n'a pas reçu mon approbation, ni celle des hommes, ni celle de Dieu. Je voudrais bien la reprendre, la transformer et la déposer aux pieds du trône de la divine Majesté. » Brentano, sur lui-même. ? « Ton royaume est dans les nuages et non point d'ici-bas; et chaque fois qu'il entrera en contact avec la terre, il y aura des larmes. » La mère de Goethe, à Brentano. ? « Brentano, un des hommes dont l'Allemagne devrait être le plus fïère. Henri Heine, qui ne s'est point privé de l'imiter, voire de le copier, n'a rien négligé non plus pour le rendre ridicule. » Teodor de Wyzewa. ? « Un noble homme, vraiment ce Clémens Brentano... » Maurice Barrés. ? « Au sein de l'école romantique, qui brille par ses virtuoses, Brentano est l'un des habiles. Il manie tous les rythmes, toutes les formes poétiques avec le même bonheur. Sa richesse verbale l'entraîne aux jongleries; les mots s'appellent, cas-cadent, foisonnent en calembours, engendrent sans fin des strophes, des énumérations rabelaisiennes. Ses malices, ses adresses continuelles lui prêtent une teinte extravagante que Dada aurait reconnue pour la sienne. » A. Garreau. ? « Faiblesse : aucun mot ne caractérise mieux la nature de Brentano. Il fut un faible dans sa vie : et, s'il le fut moins dans son art, il n'y atteignit pourtant pas à la force suprême. Plus doué que la plupart de ses compagnons, il fut aussi plus incapable de jamais mettre tout son effort à une réalisation quelconque. D'une extraordinaire richesse d'imagination, en proie à un drame spirituel qui pouvait nourrir une oeuvre très vaste, il manqua à la fois de gravité devant son art et de capacité de construire... Déchiré entre le rêve et le réel, impuissant à les rejoindre, échouant à tous les écueils de la vie, il n'est pas parvenu à dire vraiment ce qu'était le rêve qui le retenait prisonnier. » Albert Béguin.

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