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BRANTÔME Pierre de Bourdeille, abbé et seigneur de

BRANTÔME Pierre de Bourdeille, abbé et seigneur de. Mémorialiste français. Né à Brantôme (Dordogne), vers 1537-38, mort le 15 juillet 1614 à Paris. Il était destiné par le rang de sa famille à la vie frivole du courtisan, par son esprit hardi et turbulent aux aventures guerrières qui s'offraient nombreuses au cours d'un demi-siècle fort agité. Son enfance s'était passée à la cour de Navarre, il avait été étudiant à Paris et à Poitiers (1555); tout jeune, il avait été nommé abbé commendataire de Brantôme par Henri II qui honorait ainsi les services du frère puiné, Jean, tombé à Hesdin(1553). Depuis il avait voyagé, il s'était battu, il avait bavardé et fleureté dans les antichambres et dans les ruelles. Il a près de cinquante ans et il s'est retiré aigri et désabusé dans ses terres, lorsque vers 1584 une chute de cheval lui brise les reins, le cloue pendant des années dans un lit et lui fait découvrir sa vocation de mémorialiste. Les contemporains en ont très peu parlé; lui-même ne nous a pas laissé dans ses Mémoires une autobiographie suivie. Mais au travers des faits d'armes et des histoires d'alcôve — Vies des dames galantes; Vie des dames illustres; Vie des hommes illustres et des grands capitaines — il se met en scène, ici et là, au hasard des événements, « en écrivant à la cavalière » ; et cette série décousue d'instantanés vigoureux et colorés campe une figure singulièrement vivante et attachante du personnage. Dès 1557 il parcourt l'Italie (où son père, « un homme scabreux, haut à la main et mauvais garçon », a servi sous Bayard); il y manque être aveuglé « par un accident d'une arquebusade »... « une fois à Portefin près de Gesnes ». Et il est soigné de galante façon par « une fort belle dame de là mesme» qui « sçachant guérir du foeu, auquel le laict d'une femme est très propre », lui « jettoit dans les yeux du laict de ses blancs et beaux tétins ». Attaché à François de Guise, Grand Prieur de France, il le suit en Italie en 1559, en Ecosse en 1561 pour y accompagner Marie Stuart. Entre-temps il a paru à la Cour. Il est le témoin plus ou moins direct de tous les événements, il connaît tout le monde. Où ne s'est-il pas battu ? Contre les huguenots, à Blois, a Bourges, à Rouen, à Dreux (1562); contre les Turcs en Afrique, sous don Garcia de Tolède; il en revient par Madrid et Lisbonne. Il va au secours de Malte (1565), puis décide d'aller combattre le Turc en Hongrie : la mort de Soliman (1566) l'arrête à Venise. L'année suivante, il se bat à Saint-Denis. En 1569 (troisième guerre de religion), il est à Brantôme, malade : défait à Moncontour, l'amiral de Coligny s'y fait recevoir avec sa suite au milieu de laquelle le jeune Henri de Béarn apprend le metier des armes; le futur Henri IV sera en 1573 parmi les assiégés, lorsque Brantôme suivra son ami Strozzi au siège de La Rochelle où il lui arrivera de deviser la nuit, dans la tranchée, de belles et honnestes dames avec le sévère Montluc. Cependant, « de moyens et de grades point, comme aucuns de mes compagnons »... « qu'aujourd'huy je les vois advancez comme potirons et fort aggrandis » — se plaint-il, resté simple gentilhomme ordinaire de la chambre d'Henri III, comme il l'a été de Charles IX. Et en 1582, Henri III lui ayant refusé la survivance de la charge de sénéchal du Périgord pour le jeune fils de son frère aîné qui vient de mourir, il abandonne la cour avec éclat. Ayant quitté le roi avec une insolente riposte, il rencontre quelques amis : « Je conte tout et dis et jure, renie et proteste, que quand j'aurois eu mille vies, je n'en employerois jamais une pour roys de France »... « Sur ce je maugrée le ciel, je maudis ma fortune, je déteste la grâce du Roy »... « J'avois par cas à la seinture pendue la clef dorée de la chambre du Roy : je l'en destache, je la prends et la jecte du gué des Augustins dans la rivière. » Dans sa rancune il projeta de se donner aux Guise, de passer au service du roi d'Espagne. Il ne semble plus avoir paru à la cour. Après sa chute de cheval, il vécut à Brantôme ou auprès de sa belle-soeur, Mme de Bourdeilles, veuve de son frère aîné; il était auprès d'elle en 1588, quand elle refusa de livrer ses gens réfugiés en son château de Mathas, au prince de Condé menaçant. Devant la fière réponse de Jacquette de Montbron, Condé hésita; sa mort, survenue peu de jours après, termina l'affaire. Les années s'écoulent. Brantôme partage son activité entre ses Mémoires, la construction de son nouveau château de Richemond et d'innombrables procès. Il meurt le 15 juillet 1614, et est inhumé à Richemond. Son testament prévoyait dans tous les détails l'édition luxueuse de ses oeuvres, à faire après sa mort. Mais celles-ci ne virent le jour que cinquante ans plus tard. Superficiel, naïf, léger, préoccupé du détail anecdotique plus que du sens historique des faits, Brantôme n'a rien de l'historien, sauf l'impartialité. Mais combien de charme dans cette causerie à bâtons rompus avec son lecteur, sans ordre, primesautière (en apparence), avec sa verve fanfaronne, ses boutades, ses tours de phrases inoubliables. Le même esprit, le même bonheur dans l'expression se retrouvent tout du long des Mémoires, trop Feu connus dans leur ensemble, à cause de injuste préférence donnée aux Vies des dames galantes.