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BOUSQUET Joe

BOUSQUET Joe. Ecrivain français. Né le 19 mars 1897 à Narbonne et mort le 28 septembre 1950 à Carcassonne. Après une jeunesse provinciale agitée, il est très gravement blessé le 27 mai 1918 à Vailly (sur le front), et se trouve désormais condamné à une existence grabataire jusqu'à sa mort. Dans sa retraite de Carcassonne, il commence à écrire et noue de nombreuses amitiés : avec le philosophe Louis Claude Estève, les Surréalistes (et particulièrement Paul Eluard), Jean Cassou, Alquié, Jean Paulhan. Des personna lités littéraires comme Gide et Valéry viennent également lui rendre visite, ainsi que des peintres. Dans sa solitude provinciale — dans la solitude de sa chambre — Joe Bousquet entretient également des « amitiés » féminines, Les correspondances qu'il a eues avec ces femmes commencent tout juste à être publiées. L'oeuvre de Bousquet, assez vaste, est faite de romans, de poèmes, d'essais et de lettres. Citons ici La Fiancée du vent (1930), Il ne fait pas assez noir (1932), Rendez-vous d'un soir d'hiver (1933), Une passante bleue et blonde (1934), L'Une, l'autre, l'une et l'autre (1935), Tisane de sarments (1936), Traduit du silence (1939), Iris et petite fumée (1930), Le Médisant par bonté (1945), Connaissance du soir (1946), Le Meneur de lune (1946), Le Fruit dont l'ombre est la saveur (1947). Ont été également publiés après sa mort : La Neige d'un autre âge (1952), Lettres inédites (1963), Lettres à Poisson d'Or (1967), Langage entier (1967), Notes d'inconnaissance (1967), Le Sème-chemin (1969), D'une autre vie (1970), Lettres à Jean Cassou (1970), L'homme dont je mourrai (1974). Pour comprendre l'oeuvre — et la pensée — de Joe Bousquet, il faut remonter à cette blessure qui, en 1918, l'a littéralement couché pour toujours, alors qu'il avait jusque-là mené ce qu'on appelle une vie de « bon vivant ». Bousquet a vu dans cette blessure un véritable destin, son destin. Non une malheureuse « blessure de guerre », mais le symbole d'une blessure quasi ontologique, marquant l'humanité tout entière : « Je dois à ma blessure d'avoir appris que tous les hommes étaient blessés comme moi.) Plus encore : cette blessure l'aurait introduit à un univers existentiel qu'il désirait au fond de lui depuis longtemps. En ceci, Joe Bousquet est très proche de Novalis, qui a vu dans la mort de sa fiancée, et dans le pressentiment de sa mort précoce, l'accomplissement de son destin. Cette comparaison, Joe Bousquet lui-même — qui s'est longuement penche sur l'idéalisme magique de Novalis — a dû la faire. Ainsi a-t-il transformé ce qui n'était qu'un tragique accident (aux yeux des autres) en une condition poétique et en pouvoir de rayonnement. Sa pensee et sa poésie (car toute son oeuvre, même romanesque, est poésie), sont celles d'un homme couché. Mais c'est lui qui nous apprend ce qu'est « être couché ». Si l'on a parlé à propos de Novalis d'idéalisme magique, il faut parler à propos de Bousquet de réalisme magique. Son oeuvre tisse subtilement — jusqu'à l'hermétisme — le langage, le rêve, la subjectivité et le monde. « Je suis le rêve de mes rêves. » « Je cherche une clarté qui change tous les mots. » « La poésie est la langue naturelle de ce que nous sommes sans le savoir. » Ces formules énigmatiques indiquent la dimension fondamentale dans laquelle se situe Bousquet au sein de sa Nuit d'inconnaissance. « La matière existe à peine au regard de ce que l'esprit est capable de matérialiser», affirme-t-il, plus proche que jamais de Novalis. Regard et objet, amour et être aimé, âmes et rêves se mêlent, se renversent, l'homme est et n'est pas son double, toute la pensée de Bousquet s'enfonce dans la nuit de ces propositions obscures, qu'on ne comprend certes pas, mais qu'on suit avec une espece d'enchantement fasciné. Ce n'est pas un hasard si une foule d'hommes et de femmes se pressaient autour de la couche de ce lumineux malade, autour de sa présence, de son regard, de sa parole, puisqu'ici, présence, regard et parole ne faisaient plus qu un. . ? « Il avait été donné à Bousquet de se rendre familier avec cet état où l'homme sait de science sûre, voit de voyance évidente que la chaleur et la glace, le joyeux bourdonnement des pensées et les mots figés, la profusion et le mécanisme ne font plus qu'une seule oeuvre. » Jean Paulhan.