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BOSSUET (Jacques-Bénigne)

BOSSUET (Jacques-Bénigne) Né à Dijon le 27 septembre 1627, mort à Paris le 12 avril 1704. La famille Bossuet était originaire de Seurre sur la Saône, où le nom se trouve mentionné dès 1428; la noblesse de robe lui était acquise avec Antoine, le bisaïeul de l'évêque de Meaux; elle portait « trois roues d'or sur champ d'azur ». Le grand-père, Jacques Bossuet, prit parti contre la Ligue et Mayenne, pour Henri IV; il fut membre du Parlement de Bourgogne exilé de Dijon, puis élu deux fois « maïeur » de cette ville. Avec cet homme d'action paraissent les traditions familiales d'ordre et de dévouement à la royauté. Son fils Bénigne, avocat au Parlement, contribue à apaiser la sédition des vignerons Lanturelu en 1630. La famille était solidement implantée par ses alliances en Bourgogne et dans le milieu parlementaire, à tel point que Bénigne, ne pouvant être conseiller à Dijon, entra, en 1638, au Parlement de Metz, transféré à Toul. Il retrouvera plus tard à Metz son fils chanoine Jacques-Bénigne, qui ne l'avait pas suivi en 1638. Jacques-Bénigne et son frère plus âge, Antoine, restés a la garde de leur oncle Claude Bossuet, seront élevés ensemble. Avec ce frère seulement — le père de l'abbé Jacques-Bénigne Bossuet, futur évêque de Troyes — se révèle la tendresse familiale. Sa mort en 1699 sera un rude coup pour l'évêque de Meaux, qui a rarement parlé de ses affections. Du pays natal il ne dit rien non plus. On peut trouver dans son éloquence l'héritage d'un tempérament bourguignon, mais il a quitté sa province à quinze ans, pour n'y revenir qu'à de rares occasions. Toutefois, d'une province ravagée par la guerre civile et étrangère, il a pu emporter le désir d'un pouvoir central fort et de frontières consolidées — la marche de Franche-Comté ajoutée en 1674 comblera ce dernier désir — et une famille où l'on fait ses affaires très normalement en se poussant l'un l'autre, a pu lui donner la conception d'une société conservatrice. Il y a peu d'événements dans la vie de Bossuet, et il n'y a pas d'accident : on dirait que les circonstances tracent le cours de son génie, et jamais carrière déterminée par les contingences ne parut mieux servir une vocation de la nature. Né le septième enfant, quatrième survivant, il est destiné à l'Eglise. Son grand-père et parrain, Jacques Bossuet, n'avait-il pas écrit le jour de sa naissance, sur le livre de raison, ces paroles du Deutéronome :Circum-duxit eum, et docuit, et custodivit quasi pupillam oculi ? Tonsuré à huit ans, pourvu à treize d'un canonicat à Metz, il fait de bonnes études dans le collège des jésuites (attenant à la maison de son oncle) où sa ténacité lui vaut le surnom d'un calembour célèbre : bos suetus aratro. Sa mémoire heureuse, excitée par son oncle, lui fait retenir des vers de Virgile « sans nombre ». Mais la découverte intellectuelle de sa jeunesse sera en même temps la joie de son coeur : ce fut une Bible latine sur laquelle, vers l'âge de quatorze ans, il mit la main dans le cabinet de son père et qu'il eut la permission d'emporter : illumination qu'il se rappellera toute sa vie. Il vient à Paris en octobre 1642, pour faire les deux années de sa philosophie, dans le célèbre Collège de Navarre, où les études de théologie suivront sa maîtrise ès arts. Avec des intervalles passés dans son canonicat, il est dix ans étudiant à Paris, dans un Paris en pleine fermentation politique et intellectuelle. A son arrivée il a vu rentrer Richelieu mourant; et quand il quitte Paris, on est en pleine Fronde des princes. L'étudiant Bossuet ne manque pas d'ouvertures sur le monde : à seize ans, il a « prêché » à minuit à l'Hôtel de Rambouillet, et il fréquente aussi les meilleurs milieux de l'érudition parisienne. Il sera, comme dit Rébelliau, « un théologien à l'air libre ». Mais deux influences vont l'engager : d'une part, celle de son maître, Nicolas Cornet, « docteur de l'ancienne marque, de l'ancienne simplicité, de l'ancienne probité » (oraison funèbre de N. Cornet, par Bossuet, 1663), esprit ferme qui a découvert les cinq propositions condamnables dans l'Augustinus, mais esprit modéré. L'autre rencontre est celle de saint Vincent de Paul, sous sa direction il fera sa retraite de prêtrise à Saint-Lazare, avant d'être ordonné le 16 mars 1652. En suite de quoi, il choisira l'action du ministère apostolique. Ce n'est pas que le monde lui ait jamais fait illusion; il n'a pas eu besoin de conversion. Dieu s'est toujours imposé à lui, comme le choix du bonheur. A Langres, à la veille du sous-diaconat (le 20 septembre 1648), il prononce : « Ma carrière est de quatre-vingts ans tout au plus... Et si cette vie est si peu de chose parce qu'elle passe, qu'est-ce que les plaisirs qui ne tiennent pas toute la vie, et qui passent en un moment ? Cela vaut-il bien la peine de se damner ? » Cette dialectique eudémoniste conduira toute la vie de Bossuet : « Tout le but de l'homme est d'être heureux. Jésus-Christ n'est venu que pour nous en donner le moyen. » Ainsi s'introduisent les Méditations sur l'Evangile, vers 1695, et ce désir du bonheur essentiel explique encore son inquiétude devant les raffinements du pur amour, proposés par Fénelon, qu'il prend pour du quiétisme, et sa défense acharnée de l'espérance théologale. Mais dans le coeur de cet ambitieux du divin, l'exemple de saint Vincent de Paul a fait passer la charité. Il s'ensuit un enrichissement — imprévisible — de son humanité. Parce qu'il veut être utile, sa vie se confond, profondément, avec son oeuvre, et son oeuvre est variée pour répondre aux divers besoins de son prochain. Cet homme de la Bible a été un humaniste autant par devoir que par attrait. De 1652 à 1659, il est principalement dans son canonicat de Metz; il soutient les missions populaires de saint Vincent et prêche lui-même devant des auditoires variés. Il rencontre les juifs et les protestants; et sa toute première oeuvre est une Réfutation du Catéchisme du Sieur Paul Ferry (1655). La controverse s'engage dans la courtoisie et sur un plan très élevé. De même, sa direction spirituelle est large, plus religieuse que moraliste. La 4e lettre à une demoiselle de Metz a pour sujet l'Église, ou « Jésus-Christ répandu et communiqué » — v. Lettres de piété et de direction. Enfin, comme il vit retiré, il lit assidûment les Pères de l'Eglise, et la lecture des Pères grecs en particulier vaudra à son éloquence, surtout dans la période suivante, une allégresse et une sorte de suavité métaphysique, à peu près inconnues dans la prose française. Vers 1659, il est à peu près fixé à Paris, et sa réputation croissante l'amène dans les chaires les plus renommées : les Minimes (Carême de 1660), les Carmélites de la rue Saint-Jacques (1661), le Louvre (1662) devant le Roi — v. Sermons de Bossuet. C'est à l'amour de Dieu qu'il tente d'attacher le coeur du jeune souverain, avide de bien d'autres bonheurs, en lui rappelant ses devoirs actifs de roi. Le Carême du Louvre est le moment le plus adapté à son goût, le plus riche de tendresse humaine et religieuse à la fois. Nous le connaissons, ainsi que l'ensemble des sermons, non tel qu'il a été prononcé, mais tel que Bossuet l'a préparé dans ses manuscrits, car il n'a fait imprimer que ses discours officiels. C'est dans l'édition des oeuvres oratoires établie sur les originaux et dans l'ordre chronologique par l'abbé Lebarq, et revue par Urbain et Lévesque, qu'il faut suivre l'évolution de Bossuet. Devant l'indocilité des libertins il se raidit parfois, ou il menace. Mais sa carrière de prédicateur parisien s'achève sur deux pièces solennelles qui sont des sommes : l'Oraison funèbre de la reine d'Angleterre (1669), leçon que la Providence donne aux rois par le moyen de l'histoire; et celle de Madame, duchesse d'Orléans, sa fille (1670) — v. Oraisons funèbres — symphonie des douleurs, car elle veut « dans un seul malheur déplorer toutes les calamités du genre humain, et dans une seule mort faire voir la mort et le néant de toutes les grandeurs humaines ». Le préceptorat du Dauphin (1670-1680) se passe dans le silence. Bossuet renonce a son évêché de Condom pour remplir son devoir à la cour; l'Exposition de la doctrine de l'Eglise catholique (1671), qui convertit Turenne, est son livre le plus vendu. Cependant les nécessités de l'enseignement ont véritablement renouvelé sa pensée : pour former un honnête homme et un roi compétent, Bossuet s'est fait philosophe et historien. Il n'aura pas le temps de publier lui-même ses ouvrages de politique et de philosophie, mais le Discours sur l'histoire uni-Universelle (1681) est une synthèse décidée de l'ordre de Dieu et de l'activité humaine. Quoique frappé par la mort des « Empires », l'historien fait confiance au « bon sens qui est le maître de la vie humaine » — v. également Politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même. Malgré son goût des retraites (à la Trappe chez Rancé), Bossuet ne se dérobe pas à la société de son temps : une élite intellectuelle se groupe à la Cour autour de lui (dont La Bruyère); le 8 juin 1671, il est reçu à l'Académie Française et après le préceptorat, il sera nommé premier aumônier de la Dauphine (1680), puis de la duchesse de Bourgogne (1697}, conseiller d'Etat (1697). L'opinion lui décernerait le chapeau de cardinal, mais Louis XIV ne s'en avise pas. Cet homme qui « dit ce qu'il veut » (Valéry), ne fait pas ce qu'il veut, et son bon sens échoue souvent dans l'action. On dirait même qu'il manque de prise sur ses contemporains les plus proches, autant qu'il en a sur le verbe humain. Combien de fois la Cour l'a dupé ! L'Assemblée du Clergé (1681-1682) dont il a la responsabilité intellectuelle s'achève dans une impasse. Les protestants, convaincus par lui d'avoir varié — v. Histoire des variations des Eglises protestantes (1688), s'éloigneront davantage par des variations plus résolues. Le diocèse de Meaux qu'il administre avec une vigilance paternelle (1681-1704), outre des tracas comme ceux de l'abbaye de Jouarre, lui donne bien des consolations affectives : il publie pour son clergé des commentaires latins (Liber Psalmorum, 1691; Libri Salo monis, 1693), et avec ses religieuses il médite l'Evangile — v. Méditations sur l'Evangile (1695) — et les Mystères — v. Elévations à Dieu sur tous les mystères de la religion chrétienne —, ou encore il donne aux plus intimes dirigées ses épanchements et ses vers sur le Cantique des Cantiques. Il se récrée dans sa campagne de Germigny aux horizons ouverts, où même il a reçu l'amitié, chargée d'espérance, de Fénelon. Car ses pires adversaires n'étaient point ses ennemis : Fénelon, Richard Simon, rencontrés sous une autre incidence, auraient été ses auxiliaires. La désolation intime de son coeur et l'illusion de cette vie étreinte par le péché, Bossuet l'a exprimée dans une méditation sur la première Epître de saint Jean, qu'il n'a point publiée — v. Traité de la concupiscence. Mais c'est par la logique et par la raillerie qu'il a écrasé Fénelon en Cour de Rome (avec l'appui du Roi et l'alliance de Mme de Maintenon), par la force qu'il a réduit Richard Simon qui respectait trop peu saint Augustin, et ne sentait pas la poésie du style biblique. Bossuet lutte à la proue, mais lui-même il est mal vu à l'Assemblée du Clergé de 1700, qu'il essaie de mener à la fois contre les jansénistes doctrinaux, contre les casuistes relâchés et contre les jésuites trop tolérants des cérémonies chinoises. Quel beau champ il laisse ouvert aux quolibets des Philosophes! Son tempérament robuste l'avait toujours soutenu. Quand, au début de 1703, il constate qu'il a la pierre, il est désemparé. Il se traîne encore à Versailles pour demander — vainement — son neveu comme successeur. Il ne retourne pas à Meaux, afin de recevoir les soins des médecins de Paris. Il compose encore une Explication de la prophétie d'Isaïe sur l'enfantement de la Sainte Vierge, et un Commentaire du Psaume XXI (sur la passion et le délaissement de N.-S.). Il se fait relire de ses oeuvres celles qui nourrissent son coeur, et, sans se lasser, l'Evangile de saint Jean. La mort lui montre son visage affreux, qu'il avait tant appréhendé pour les autres : « Ah ! mon Dieu ! qu'est-ce que ceci ? Il faut donc se résoudre. » Dans son domicile rue Sainte-Anne, il se résout avec simplicité, le 12 avril 1704, laissant une oeuvre à moitié inédite et le renom d'un honnête homme, peu entendu à ses affaires, d'un savant, d'un « Père de l'Eglise » (La Bruyère). C'est la postérité qui devait découvrir dans l'orateur le poète quasi involontaire, et dans l'expression d'une foi dogmatique et traditionnelle, l'originalité d'une nature. XVIIe siècle. ? « L'homme le plus honnête, le plus droit, le plus doux et le plus franc qui ait jamais été mis à la Cour. » Mme de La Fayette. ? « Doux, humain, affable, de facile accès, humble, loin d'austère, de pédant, de composé, gai, poli, aimable... » Saint-Simon. ? « Vous parlez de majesté, vous parlez d'élévation, eh bien ! je soutiens qu'il y en a plus dans ce livre [le Discours sur l'histoire universelle] que dans Thucydide. » Charles Perrault, s'adressant aux défenseurs des Anciens. XVIIIe siècle. ? « On sent que son génie a besoin de la plus grande liberté pour se déployer dans toute sa vigueur et que les entraves d'un goût sévère, les détails d'une correction minutieuse et la sécheresse d'une composition léchée ne feraient qu'énerver cette éloquence brûlante et rapide.» D'Alembert. XIXe siècle. ? « Bossuet imite les prophètes hébraïques. Prophète lui-même, il donne à sa langue la hauteur, l'autorité, l'antiquité et quelquefois la divinité du Vieux Testament. L'accent de l'hébreu et ses âpres images passent avec lui dans le français, et en font une langue d'airain... Le français se moule, au besoin, rude, âpre, disproportionné, colossal, fruste, sur le génie incorrect et démesuré de ce Michel-Ange de notre langue. » Lamartine. ? « Bossuet, c'est l'esprit qui embrasse le mieux, le plus lumineusement, le plus souverainement un corps, un ensemble de doctrines morales, politiques, religieuses, qui excelle à l'exposer avec clarté et avec éclat, avec magnificence, en se plaçant au point de vue le plus élevé ou au centre; ... mais en même temps c'est un esprit qui n'en sort pas, de cette nef, de cette sphère si bien remplie qui ne sent pas le besoin d'en sortir, qui n'invente rien au fond, qui n'innove jamais : il hait la nouveauté, l'inquiétude et le changement; en un mot, c'est le plus magnifique et le plus souverain organe et interprète de ce qui est institué primordialement et établi. » Sainte-Beuve. XXe siècle. ? « Bossuet rugirait en voyant aujourd'hui l'Église se montrer si accommodante et d'entendre parler de son évolution. Il la veut immuable, et toutes les « variations » appartiennent à l'hérésie. » A. Gide. ? « Tout le monde connaît le Bossuet du Louvre; ... ce monumental portrait est peut-être la cause d'une erreur d'optique grave. Sur la foi de cette pompeuse machine, on va se figurant que le modèle, en son vivant, occupait une place correspondante, en rapport avec tant de génie et de magnificence... Le contraste entre le Bossuet des manuels, celui de Brunetière et de Lanson, et le Bossuet des contemporains, est d'autant plus piquant qu'il est moins notre ouvrage; ... ce rôle de prophète et de pontife, de conscience de la nation, c'est assurément celui qu'il souhaitait pour lui-même. » Louis Gillet. ? « Dans l'ordre des écrivains, je ne vois personne au-dessus de Bossuet, nul plus sûr de ses mots, plus fort de ses verbes, plus énergique et plus délié dans tous les actes du discours, plus hardi et plus heureux dans la syntaxe et en somme plus maître du langage, c'est-à-dire de soi-même. « Trois siècles de changements très profonds et de révolutions dans tous les genres, un nombre énorme d'événements et d'idées intervenues rendent nécessairement naïve, ou étrange, et quelquefois inconcevable à la postérité que nous sommes, la substance des ouvrages d'un temps si différent du nôtre. Mais autre chose se conserve... » Paul Valéry. ? « Bossuet est le plus grand maître de la prose française, qui est infiniment supérieure à tout ce qu'on est convenu d'appeler notre poésie. Son langage contient tous les canons de notre parler et remplit magnifiquement notre bouche et notre poitrine. C'est quelque chose comme la Messe Royale de Dumont, si bien adaptée aux poumons de nos vieux chantres. D'autre part, Bossuet est dans notre langage le plus grand des docteurs de la catholicité. Ses ouvrages théoriques sont d'une force, d'une clarté et d'une majesté qui baignent l'âme de lumière et la transportent de joie et d'admiration. P. Claudel. ? « L 'auteur de l'Histoire des variations tient bien moins de place dans les nourritures intellectuelles et morales de notre époque que celui des Provinciales et des Pensées. Brunetière n'a pas eu de successeur dans son zèle oratoire et pugnace pour M. de Meaux... On le salue respectueusement quand on le rencontre, mais on ne se dérange pas de son trottoir pour venir lui presser chaleureusement les deux mains. » Thibaudet. ? « Au Bossuet qui se possède et se dompte parfois jusqu'à s'éteindre, nous préférerons d'abord le Bossuet qui se cherche, puis le Bossuet qui se trouve ou plutôt se retrouve et qui, sûr de lui-même, libre de toute convention et de toute contrainte, s'abandonne à sa piété et à son génie. » Abbé Brémond.

Bossuet, Jacques Bénigne (Dijon 1627-Paris 1704) ; évêque de Meaux.
Solide, robuste, plus enclin à l’emportement qu’à l’inquiétude et au doute, B. est ordonné prêtre en 1652 et commence sa carrière ecclésiastique comme archidiacre à Metz. Il acquiert très vite un prestige considérable grâce à son éloquence qui, sans jamais tomber dans l’emphase ni dans une rhétorique artificielle ou compliquée, atteint des sommets inégalés dans ses célèbres Oraisons funèbres. Évêque de Condom en 1669, évêque de Meaux à partir de 1681, il se consacre surtout, entre 1670 et 1680, à l’éducation du dauphin, à l’intention duquel il compose le Discours sur l'histoire universelle (publié en 1681). Dans le même temps, il milite activement contre le protestantisme. De ce combat sortent plusieurs ouvrages polémiques, en particulier, en 1688, son Histoire des variations des Eglises protestantes, dans laquelle il s’efforce de mettre à jour les contradictions inhérentes à la théologie protestante. B. n’est guère métaphysicien. Ses écrits, parmi lesquels il faut également citer l’importante Politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte (ouvrage terminé en 1703 et publié en 1709), n’en présentent pas moins un système de pensée totalement cohérent. Il voit dans l’Histoire et dans l’État l’œuvre de la Providence divine, d’où découlent nécessairement l’ordre des choses et la légitimité des pouvoirs établis. Les changements, les révoltes (entre autres, la Réforme) n’apportent qu’erreur et corruption. Le salut et la vérité ne se trouvent que dans l’immuable. La monarchie est de droit divin ; c’est la forme la plus naturelle de l’État. L’autorité monarchique est sacrée, absolue (mais pas arbitraire pour autant), paternelle et raisonnable. B. exige la soumission à l’autorité souveraine au nom du respect de la tradition et de la confiance en l’action de la Providence divine. B. est en son temps un des prélats les plus écoutés de l’Église de France. Il joue un rôle essentiel à l’Assemblée du clergé de 1681-1682, où il prononce le discours d’ouverture et rédige la fameuse Déclaration des Quatre Articles de 1682 qui proclame les libertés de l’Église gallicane. Vers la fin de sa vie, il s’engage dans une controverse très vive, et pas toujours loyale, contre Fénelon, au sujet du quiétisme (Relation sur le quiétisme, 1698) ; il s’élève contre Richard Simon et la critique biblique naissante, et contre l’immoralité du Grand Siècle finissant. Il a également correspondu avec Leibniz sur le problème de la réunion des Églises (1692-1701).
Bibliographie : G. Lanson, Bossuet, 1894 ; Th. Goyet, L’humanisme de Bossuet, 1965 ; J. Meyer, Bossuet, 1993.