Databac

Bonald, Louis Ambroise, vicomte de

Bonald, Louis Ambroise, vicomte de (château de Monna, près de Millau, 1754-Paris 1840) ; théoricien politique français. Aux côtés de J. de Maistre, avec la pensée politique duquel il a beaucoup en commun, B. apparaît comme le théoricien le plus éminent et le plus intransigeant - sinon le plus cohérent - de la Contre-Révolution sur le continent européen. Né près de Millau au château de Monna, il en est le maire de 1785 à 1789 et devient, en 1790, président de l'arrondissement. Très vite, il démissionne pour protester contre la Constitution civile de clergé et émigre en 1791 à Heidelberg puis à Constance où il publie sa Théorie du pouvoir politique et religieux dans la société civile, future bible des ultras de la Restauration. A cet ouvrage fondateur succèdent après son retour en France en 1797 l'Essai analytique sur les lois naturelles de l'ordre social (1800), Du divorce (1801), La Législation primitive considérée dans les derniers temps par les seules lumières de la raison (1802). Bien que royaliste, il accepte en 1810 de l'Empereur une charge de conseiller de l'Université et siège, en 1814, au conseil de l'instruction publique. Il accueille avec joie la Restauration qui lui accorde une reconnaissance encore plus éclatante. Elu député en 1815, fait vicomte (1821) et pair (1823), reçu en 1816 à l'Académie française, il publie encore des Recherches philosophiques (1818) et une Démonstration philosophique du principe constitutif de la société (1830) avant de mourir sous la monarchie de Juillet. Dans toute son œuvre, B. récuse avec une passion combative le rationalisme du xviiie siècle et sa profession de foi politique d'après lui fourvoyée : la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le savoir humain est pour lui le fruit de la révélation divine ; l'histoire, un produit de la Providence et de l'ordre divins auxquels doit se plier la raison individuelle. La société a son origine non dans un contrat, mais dans un pouvoir issu de Dieu. Qui veut l'ordre social doit d'abord répudier radicalement l'illusion des Lumières, selon laquelle la société et l'État pourraient être façonnés par la raison individuelle. L'État doit prendre pour fondements la tradition et l'autorité, sources uniques de la légitimité sociale et politique. L'individu ne préexiste pas à la société : il est son produit et un de ses composants. Il n'a donc à son égard que des devoirs et jamais de droits. La société comme l'État sont un ensemble de communautés strictement hiérarchisées (dont la famille, car B. raisonne en termes de patriarcat) à la tête desquelles se trouve le pouvoir royal qui tire sa légitimité de Dieu. Le gouvernement de la société repose sur une base théocratique ; l'obéissance devient le commandement suprême. Il ressort de tout cela que le pouvoir temporel est obligatoirement toujours soumis au pouvoir spirituel, c'est-à-dire l'Église catholique, dont la morale est l'indispensable garante de tout ordre social. B. a ainsi fourni à la Restauration et au conservatisme politique et social leurs armes idéologiques. Bibliographie : R. Mauduit, Les Conceptions politiques et sociales de Bonald, 1913 ; H. Moulinié, De Bonald, 1915 ; A. Koyré, « Louis de Bonald », dans Études d'histoire de la pensée philosophique, 1961.