Databac

BLONDEL (Maurice)

BLONDEL (Maurice). Philosophe français (1861-1949) qui enseigna à l’Université d’Aix-en-Provence. Sa thèse, l'Action (1893) analyse l’activité dans son intégralité, qui inclut une dimension religieuse ; il montre que le christianisme doit être étudié dans son histoire, dans sa puissance vivifiante, dans son rapport au désir profond de l’homme. Il a publié aussi la Pensée (1934), l'Etre et les êtres (1937), Exigences philosophiques du christianisme (posthume, 1950).
BLONDEL (Maurice), philosophe français (Dijon 1861 - Aix-en-Provence 1949). Il a enseigné à la faculté d'Aix à partir de 1895. Sa philosophie de l'action est en vérité une religion de l'action, qui découvre, dans l'expérience de la volonté agissante, un monde « supraphénoménal », celui de la foi incarnée. Sa thèse de doctorat : l'Action, essai d'une critique de la vie et d'une science de la pratique (1893), inspire tout le reste de son œuvre, de l'illusion idéaliste (1898) à l'Esprit chrétien et la philosophie (1939).
BLONDEL Maurice. Philosophe et professeur français. Né à Dijon le 2 novembre 1861, d’une famille bourguignonne de tradition catholique, mort à Aix-en-Provence le 4 juin 1949. Il fit ses premières études dans sa ville natale, où il obtint le baccalauréat ès sciences et la licence de lettres et de droit. L'Intervention de Mgr Rivet, évêque de la ville, vint à bout des hésitations de sa famille et permit à Blondel de se présenter et d’être reçu au concours de l’École Normale Supérieure. A l’influence du philosophe A. Bertrand (disciple de Maine de Biran et de H. Joly), qui avait marqué sa première jeunesse, vint alors s’ajouter celle d’Émile Boutroux et surtout de L. Ollé-Laprune. L’intensité de la foi chrétienne de ce dernier conquit dès l’abord le jeune disciple dont il devait plus tard devenir l’ami. Ses thèses française et latine de doctorat (1893) sur l’action : L’Action, Essai d’une critique de la vie et d’une science de la pratique et sur le « lien substantiel » chez Leibniz sont les premiers fruits de cette profonde conviction chrétienne qui devait nourrir toute la recherche philosophique de Blondel. Mais le milieu académique encore tout pénétré d’une tradition rationaliste n’était certes pas disposé à accueillir des thèses qui affirmaient la valeur philosophiquement décisive de la pratique chrétienne. La discussion singulièrement acharnée du 7 juin 1893 le montra bien. Blondel n’en sortit pas vaincu, loin de là, mais les conséquences pratiques se firent immédiatement sentir et il se vit refuser la chaire de professeur. L’année suivante, grâce aux démarches actives de Boutroux, Raymond Poincaré, ministre de l’instruction Publique, s’arrangea pour que le veto fût levé, et Blondel fut nommé maître de conférences à l’université de Lille, puis, l’année suivante, à Aix-en-Provence où il resta jusqu’à la fin de ses jours. Aucun autre événement extérieur ne marquera désormais sa vie, consacrée entièrement à l’étude et à l’enseignement, mais assombrie par une lutte continuelle contre une santé fragile et, dans les derniers temps, contre la cécité. Le cours des années n’est marqué que par la parution successive de ses œuvres. La Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d’apologétique, L’Illusion idéaliste, Le Principe élémentaire d’une logique de la vie morale, Histoire et dogme achèvent de mettre en lumière la pensée du philosophe que L Action avait déjà révélée. Il se rallie aux doctrines modernistes et polémise avec leurs adversaires, sans toutefois se lancer à corps perdu dans la mêlée; après la parution de l’encyclique Pascendi, il se plonge encore plus profondément dans la méditation. S’il participe à la vie culturelle et spirituelle de son temps par des écrits divers, il ne révèle que tardivement les résultats de tant d’années de méditation et de recueillement. Ce n’est qu’en 1934 qu’il rompt le silence et dans le court espace de trois années, il publie les deux ouvrages, La Pensée (1934), et L’Etre et les êtres (1935) qui avec L’Action forment une trilogie, suivie de deux volumes sur La Philosophie et l’esprit chrétien qui viennent couronner son œuvre spéculative de philosophe chrétien. Ces produits de sa maturité soulèvent eux aussi des polémiques qui ne visent cependant pas l’orthodoxie de Blondel. Sa figure, au contraire, prend place peu à peu parmi les penseurs chrétiens classiques, tandis que s’accroît chaque jour la troupe des disciples plus ou moins fidèles à son enseignement. Il s’éteint pendant qu’il prépare le troisième volume de La Philosophie de l’esprit chrétien et que paraît son dernier volume sous le titre d’Exigences philosophiques du christianisme. ♦ « La doctrine de M. Blondel est une doctrine de l'élan spirituel, mais qui se distingue de toutes les doctrines avec lesquelles on pourrait être tenté de la confondre; car, au lieu de considérer cet élan comme le principe immanent du devenir, elle nous découvre en lui la présence et l'appel d'une puissance transcendantale sans laquelle nous ne pourrions ni sentir ce qui nous manque, ni dépasser ce que nous sommes, ni nous éveiller à une vie intérieure qui n'est faite que de virtualités et de promesses, ni enfin réaliser, par une option sans cesse renouvelée, la destinée qui nous est propre. » Louis Lavelle. ♦ « La grandeur de l'œuvre blondélienne réside dans le rare équilibre de deux ordres : celui de l'intelligence et celui de charité. » Jean Lacroix. ♦ « L'originalité de M. Blondel est d’avoir toujours uni le souci scrupuleux de cette exactitude et de cette cohérence qui peuvent seules conférer à nos affirmations un caractère inéluctable. » Paul Archambault.


Blondel ou « l’apologétique du seuil »

Si Maurice Blondel (1861-1949) n ’est pas moins normalien qu’un autre, c’est bien grâce à l’influence de Mgr Rivet, évêque de Dijon, à vaincre les hésitations d’une famille catholique devant une telle orientation. Autre particularité : après une thèse où ses convictions religieuses affleurent trop vivement et provo­quent une polémique (sur L’Action. Essai d’une critique de la vie et d’une science de la pratiqué), l’Université le boude et ce n’est que par l’intervention de Boutroux et du ministre de l’instruction publique qu’il finit par y trouver sa place. A Aix-en-Provence, lieu agréable qu’il ne quitte plus tout au long d’une carrière marquée essentiellement par le recueillement Jusqu’en 1934, où il en publie le finit, sous forme d’une trilogie : L ’Action, la Pensée, Y Etre et les Êtres. Par scrupule de ne rien omettre dans ce panorama exhaustif, Blondel publiera plus tard la Pensée en 1934, puis La Philosophie et l’Esprit chrétien et Exigences philoso­phiques du christianisme.
« L’inévitabilité de l’Action », telle est l’obsession de cette œuvre et de cette vie, qui semble le regretter dans une mélanco­lie nonchalante et tout faire pour y parer. Solution non négli­geable : y méditer en philosophe. La fascination qu’exercent le style et la pensée de Blondel tient à l’originalité d’une dialec­tique quiétiste, où les contraires sont précipités l’un contre l’autre pour se neutraliser et, par ce balancement, ajourner l’action, mais même la conclusion sur l’action, d’un moratoire indéfini. « Comme si le sujet et l’objet, s’armant l’un contre l’autre, réussissaient à s’entre-détruire ; sur le néant du vouloir, il reste le vouloir artificiel mais positif du néant. » Vouloir et ne pas vouloir, agir et ne pas agir, se renvoient nécessairement l’un à l’autre, dans un retour au même sans terme. « Dans la pra­tique, nul n ’esquive le problème de la pratique », même en l’esquivant Développant une pensée de la décadence et déca­ dente, Blondel brosse un remarquable portrait du dilettante qui le fascine et joue le même rôle de l’adversaire intérieur que le libertin chez Pascal. « Ne rien vouloir, c’est donc en même temps :
avouer l’être, en y cherchant cette infinie virtuosité qui toujours se joue et toujours s’échappe : — affirmer le néant en y plaçant l’espoir vague d’un refuge ; — se tenir aux phénomènes et s’enchanter de l’universelle féerie, pour jouir de l’être dans la sécurité du néant C’est l’abus de tout. » « Dieu seul ne peut manquer de se vouloir. » Et s’il constitue le recours dans ce ver­ tige sans fin, c’est que « dans notre action s’opère un secret hymen de la volonté humaine et de la volonté divine ». Par cet hymen où l’on se souvient de Malebranche, nous ne pouvons manquer de nous vouloir, semble-t-il. Mais, retournement inter­ minable, si je ne peux feindre de refuser qu’en l’acceptant, je puis en sens inverse user de Dieu contre Dieu en le refusant. « Grandeur redoutable de l’homme ! Il veut que Dieu ne soit plus pour lui et Dieu n’est plus pour lui. » Dialectique sans syn­thèse et sans dépassement, la même que chez Pascal ou Nietzsche. On reste toujours sur le seuil infranchissable de cet acte qui ne commence jamais, parce qu’on y est déjà, s’interro­geant à son propos en vain, le refusant sans pouvoir le refuser, l’assumant sans l’assumer.
La philosophie blondélienne se présente donc comme ce déplacement longuement inchoatif, qui n’en finit pas de nous amener à ce seuil où elle pense être relayée par autre chose et plus qu’elle-même. Mais le paradoxe de cette pensée, du point de vue même de son christianisme, est de laisser supposer que de cette introduction jamais achevée, on ne puisse faire l’économie.
Sur ce seuil, il faut parvenir. Il est temps de relire Blondel.